Spécial Président(e)s
En s’ouvrant au commerce mondial et en se développant, les pays émergents ont d’abord cherché à se mesurer à l’aune de la référence, les Etats-Unis. A force d’être émergents, ils sont maintenant développés au sens où ils savent aussi bien que les pays industrialisés, mener leurs affaires et leurs entreprises.
Des traditions culturelles fortes
Comme le souligne Frédéric Bernard de l’IAE de Grenoble, « on voit d’affirmer un modèle de management chinois. Les Jeux Olympiques de Pékin ont été une étape clé de cette affirmation. On le sent dans leur réaction face aux crises financière et de la dette. Il aurait été totalement impensable il y a 15 ans qu’ils nous « donnent des leçons », alors que la Chine était déjà en forte croissance et le banquier du monde. » Le professeur de l’IAE a constaté des attitudes culturelles dans la manière de travailler et d’aborder les problèmes des participants aux programmes executive, très marquées chez les Chinois. « J’ai observé une prégnance de la hiérarchie dans les relations. Chaque année, nous avons un responsable de classe dans les MBA, un rôle beaucoup plus marqué chez les Chinois et doté d’une réelle ascendance hiérarchique sur les autres participants. Ils sont également dans le consensus et une démarche collective. Pour un Chinois, le conflit en réunion est un échec, de même que pour un Indonésien. Les Chinois sont enfin très attachés au fonctionnement par réseau, le traditionnel guangxi. » Le Brésil en tant que grande puissance économique en devenir, présente aussi des caractéristiques managériales. « La relation est hiérarchique et le pouvoir économique concentré entre quelques mains. Cela dit, l’ambiance de travail est souvent conviviale, informelle et directe. Ils sont créatifs et efficaces, notamment en équipe. Ils fonctionnent avec une grande fluidité, à l’affectif et dans l’échange. » Loin des clichés sur la légèreté brésilienne, Béatrice Collin de ESCP Europe a constaté que les « brésiliens sont de grands professionnels et managers qui n’obéissent pas totalement aux codes occidentaux. Ils font une symbiose, réinventent la manière de faire des affaires. On observe d’ailleurs un changement générationnel à la tête des entreprises. Ce sont des gens qui font des études de haut niveau à l’étranger. Les dirigeants brésiliens ou indiens n’ont pas les mêmes attributs symboliques que les managers occidentaux. Le chef est reconnu comme tel et n’a pas à l’afficher. En réunion, on a une personne face à soi, pas un représentant interchangeable ; là pour faire des affaires au nom d’une entreprise en tant que collectivité. » Si culturellement, on pourrait considérer la Russie plus proche de nous, il existe néanmoins des différences. « Certains évoqueront la théorie des climats pour expliquer un premier abord un peu distant, tout en retenue, note F. Bertrand. Ils ont aussi hérité de 80 ans de communisme des chefs d’entreprises qui règnent sans partage. »
Une dimension supplémentaire dans la manière de manager
Les managers des entreprises de ces pays sont donc en train d’inventer une nouvelle manière de diriger les entreprises, à la conjonction des façons d’opérer occidentales et de leurs cultures. Formés dans les business schools internationales, ils ont cet avantage sur nous de maîtriser nos concepts, outils et méthodes, et font preuve d’une grande flexibilité et adaptabilité. « Ce qui est intrinsèquement lié à leurs cultures apporte une dimension supplémentaire à leur manière de manager, analyse B. Collin. Les dirigeants Occidentaux sont focalisés sur les chiffres et le reporting, le controlling, la rentabilité, et sont évalués sur ces critères. Dans les pays émergents, ils intègrent parallèlement une dimension de long terme et collective. La notion de groupe est très importante, apportant un aspect humain au coeur de la façon d’opérer. » Est-ce à dire que d’ores et déjà nous avons à apprendre d’eux ? Sans aucun doute et au minimum à s’ouvrir l’esprit et à l’altérité, comprendre en quoi l’autre est différent et l’accepter.
A. D-F