La micro-finance : un acteur de la réinsertion professionnelle

A l’heure actuelle le microcrédit connaît une expansion remarquable, dans les pays en voie de développement bien sûr, mais aussi au sein de l’Union Européenne. Développé à grande échelle par le Pr. Yunus grâce à la réussite exemplaire de la Grameen Bank – créée dans les années 70 – le microcrédit lui a valu le prix Nobel de la paix en 2006. Aujourd’hui cette pratique couvre plus de 190 millions de bénéficiaires dont 74 % de femmes, à travers des prêts dont le montant moyen s’élève à 300 euros. De son côté, l’économie « classique » fait face à une crise financière qui a fortement fragilisé le marché du travail. En conséquence, le taux de chômage en France a grimpé de 2.5 points entre 2008 et 2010, pour venir effleurer la barre des 10 % (d’après chiffres de l’INSEE). Dans ce contexte, il est intéressant de mesurer l’impact du microcrédit sur la réinsertion professionnelle.
Dans son ouvrage Vers un monde sans pauvreté, le Pr. Yunus pose les fondements du microcrédit et de l’entreprenariat social tel qu’il les conçoit. Il s’oppose au préjugé selon lequel les plus pauvres sont incapables d’entreprendre et postule, au contraire, que chaque individu est un micro entrepreneur en puissance. Néanmoins son postulat sera fortement critiqué, notamment par Esther Duflo lors de son étude des performances des instituts de micro-finance. Elle annoncera alors que « le credo du microcrédit, qui voit un entrepreneur dans chaque pauvre, ne correspond pas nécessairement à la réalité ». C’est pourtant cette conviction profonde qui a amené le Pr. Yunus à fonder la Grameen Bank qui réunit aujourd’hui plus de 7 millions d’emprunteurs. Si son initiative a eut un franc succès au Bengladesh, qu’en est t-il dans les pays de l’union européenne ? En France, l’Association pour le Droit à l’Initiative Economique (ADIE) créée par l’économiste Maria Nowak en 1989 a pour mission de soutenir le micro entreprenariat. Pour cela, l’association offre des prêts à des personnes issues pour une grande partie du chômage ou des minima sociaux, afin qu’ils aient accès à l’investissement initial nécessaire pour démarrer leur activité. Les chiffres de l’impact de l’ADIE sur l’emploi sont saisissants. Ceux ci nous montrent que le taux d’insertion des créateurs d’entreprise se situe autour de 79 % ! Ce chiffre comprend le taux d’insertion lié directement à l’activité financée par l’ADIE, ainsi que le taux d’insertion indirect (15 %) qui concerne ceux qui ont mis fin à leur activité mais qui ont néanmoins trouvé un emploi par la suite. En réalité ce sont 42 % des entrepreneurs en cessation d’activité qui décrochent un emploi. Il y a plusieurs explications à ces statistiques, qui illustrent toutes la portée des actions de l’ADIE. La création d’une micro-entreprise, même si le projet ne porte pas ses fruits à terme, permet aux bénéficiaires de renouer un lien étroit avec le milieu professionnel, de développer un réseau de contacts, de regagner confiance et d’acquérir de nouvelles compétences. Ainsi, accorder les fonds nécessaires à ceux qui imaginent des projets innovants semble être une action de réinsertion très efficace. L’ADIE, dans son étude d’impact (édition 2010), dévoile un autre fait très intéressant. Elle explique que le taux de réussite des personnes les plus en marge de l’économie est aussi important que celui de la population globale. Le postulat du Pr. Yunus, aussi critiqué soit-il, semble être applicable au sein des pays développés.
Au delà du crédit, la micro-finance tend à fournir des services de plus en plus larges à ses bénéficiaires. L’objectif à terme étant de soutenir, dans la mesure du possible, la viabilité des projets entrepris. Pour cela, les bénéficiaires sont suivis lors du lancement de leur activité et sont invités à suivre des formations complémentaires : aspects juridiques et comptables de la gestion d’entreprise en passant par la partie administrative. En outre, les instituts de micro-finance proposent parfois d’accompagner les micro-entrepreneurs dans leurs premiers pas vers la concrétisation du projet ; par exemple en les aidant à mener une étude de marché. Fière de son accompagnement auprès des clients, l’ADIE nous dévoile les taux de pérennité de ses microentreprises : 70 % sur deux ans et 59 % sur trois ans, soit un taux sensiblement égal à celui des entrepreneurs individuels, malgré le contexte de crise. C’est cet ensemble de services associés aux prêts qui permet aux clients de ne pas se retrouver seuls face aux problématiques complexes d’un univers souvent nouveau pour eux : celui de l’entreprenariat.
France Active est une autre association qui finance et accompagne les projets d’entreprise. Pour cela, elle aide deux catégories de clients : les créateurs d’entreprises en difficulté ainsi que les entreprises solidaires. La particularité des entreprises solidaires par rapport aux entreprises « classiques » réside dans leurs objectifs. En plus d’être profitables, les entreprises solidaires ont pour mission de contribuer à l’insertion professionnelle. Un des critères pour obtenir le label consiste à recruter au moins 30 % de ses employés parmi des jeunes en difficulté d’insertion, des chômeurs en recherche d’emploi ou encore des handicapés. En 2010, ce sont plus de 6 700 projetsqui ont été financés par France Active, ce qui représente environ 28000 emplois créés ou consolidés. Elle propose alors deux solutions des banques conventionnelles et/ou fournir des financements remboursables par le client. La première solution a pour but de faciliter l’accès au crédit et la deuxième de renforcer l’enveloppe financière de l’entrepreneur. Mais France Active n’agit pas seule, elle est soutenue par plusieurs partenaires que sont la Caisse des Dépôts, l’Etat et le Fond Social Européen, pour ne citer que les principaux. Ainsi, en parallèle de l’ADIE, France Active offre des solutions alternatives pour faciliter la réinsertion professionnelle ; de manière directe en finançant des entrepreneurs ou indirecte en soutenant des entreprises qui combattent en faveur de l’insertion.
Malheureusement, toutes les personnes qui sont motivées pour créer une entreprise n’ont pas toujours les idées précises de ce qu’elles souhaitent entreprendre. Suite à ces constatations, l’ADIE a décidé de proposer un nouveau concept pour permettre à ses bénéficiaires de démarrer une activité. En s’appuyant sur le modèle des franchises, elle a décidé de contribuer aux microfranchises solidaires. Ainsi, les personnes sélectionnées par l’ADIE se voient offrir un projet clé en main qui leur permettra de retrouver une activité professionnelle, encadrée. C’est le cas de la franchise Vélobar, qui délivre une offre de restauration rapide dans les lieux publics tel que Paris Plages. Ce sont plusieurs des ces bars montés sur vélo qui sillonnent aujourd’hui les quartiers d’affaire, les lieux touristiques et les lieux porteurs d’évènements en proposant une offre culinaire variée : smoothies, crêpes, boissons fraîches, plats cuisinés etc. La collaboration de l’ADIE et de la franchise Vélobar s’organise alors de la manière suivante : l’ADIE sélectionne des personnes susceptibles de se lancer dans le projet et Vélobar les accompagne dans leur démarche, leur fournit l’ensemble de la logistique liée à la franchise ainsi qu’un business plan. Madeleine Ceyrac, co-fondatrice de Vélobar, explique que la franchise a de grandes ambitions pour lescinq prochaines années. « on espère être implanté dans 10 villes de France et avoir 200 micro-franchisés » déclare-t-elle. La franchise Vélobar espère leur assurer un revenu moyen mensuel de 1 500 euros net par mois alors que le SMIC s’élève à 1 100 euros net pour l’année 2011. A méditer.

Sources :
http://www.franceactive.or
http://www.adie.org/, http://www.acted.org
http://www.velobar.fr/

Cédric Herment

Contact : cedric.herment@polytechnique.edu