François Cansell, Président de la CDEFI © Bordeaux INP
François Cansell, Président de la CDEFI © Bordeaux INP

La CDEFI en ordre de marche

 

François Cansell, Président de la CDEFI © Bordeaux INP
François Cansell, Président de la CDEFI © Bordeaux INP

 

La loi Fioraso a réorganisé l’Enseignement Supérieur en regroupant les établissements . De quelle manière allez-vous intégrer cette nouvelle donne dans vos missions ?
Nous nous trouvons dans une dynamique qui consiste à promouvoir un modèle de formation, de recherche et d’innovation débouchant sur un diplôme d’ingénieur reconnu par le monde socio-économique ainsi qu’à l’international. La nouvelle loi, qui ne change rien aux relations de la CDEFI avec les grandes écoles d’ingénieurs, les incite à se regrouper sur un territoire afin qu’elles bénéficient d’un meilleur positionnement et d’une lisibilité accrue dans le nouveau paysage de l’enseignement supérieur français. Notre mission d’éducation, de développement économique et sociétal, nous permet d’intervenir au sein de ces regroupements au niveau de la formation des ingénieurs, de la recherche dans le cadre notamment de l›accréditation conjointe des écoles doctorales et du pilotage de laboratoires en cotutelles.

 

“Former des ingénieur(e)s
capables de gérer des systèmes complexes ”

Les regroupements des écoles d’ingénieurs étant à l’ordre du jour (Polytech , les INSA, Groupe INP, ParisTech…) Comment ce processus impacte -t-il le travail de la CDEFI ?
Les regroupements territoriaux sont des objets nouveaux qui doivent permettre à l’État de décliner une politique nationale aux niveaux des territoires. La participation des Grandes Ecoles d’Ingénieurs au pilotage de ces regroupements est donc très importante. Parallèlement, les Polytech, les INSA, le Groupe des Ecoles centrale, l’Institut Mines-Télécom et le Groupe INP constituent des structurations nationales performantes qui demeurent incontournables pour la CDEFI dans le cadre du croisement territorial des Grandes Ecoles d’Ingénieurs. J’ajoute que ces structurations nationales sur des thématiques précises et pertinentes, nous permettent également d’avoir une meilleure réactivité.

 

La recherche favorise l’innovation qui permet aux entreprises de bénéficier d’avantages concurrentiels. Quelle est votre action en faveur de la recherche et de l’émergence d’un grand nombre d’ingénieurs docteurs ?
En termes de recherche, il faut distinguer plusieurs niveaux. Nous sommes très présents au niveau de l’énergie avec ANCRE et du numérique avec ALLISTENE, dans le cadre d’alliances qui vont structurer les grands axes de la recherche au niveau national, ces coopérations constituant des structures de réflexion créées par l’Etat. Nous intervenons au niveau des territoires dans des laboratoires qui sont généralement des UMR ainsi que dans divers projets en partenariat avec INRIA, le CNRS, le CEA, l’INRA… Cette implication se retrouve dans l’encadrement des doctorants. Il s’agit de former des docteurs capables d’appréhender le monde professionnel de l’entreprise, sans pour autant renoncer à ceux qui s’orientent vers la recherche fondamentale.
Au niveau national, nous formons 34 000 ingénieurs diplômés sur 58 000 élèves inscrits en Master et Grade Master en 2014 en Sciences et Technologies. De fait, le flux de jeunes diplômés à Bac +5 susceptibles de poursuivre des études en doctorat provient à 60 % des écoles d’ingénieurs. Dans ce cadre-là, nous sommes un acteur majeur de la recherche et du doctorat dans le domaine des Sciences et Technologies. La proportion de doctorants varie suivant les filières, puisque avec un faible pourcentage dans l’agroalimentaire, on atteint 30 % en physique et jusqu’à 40 % dans le domaine des mathématiques appliquées. Nous devons ainsi nous adapter aux besoins du monde de l’entreprise car, à l’exception de certains secteurs très spécifiques comme le domaine des mathématiques appliquées où les bureaux d’études recherchent énormément de docteurs, les entreprises ne développent pas forcément une dynamique d’embauche de ce type de diplômé.

 

Notre pays manquant d’ingénieures, de quelle manière comptez-vous attirer ce public à poursuivre des études d’ingénieur, et plus largement, quelle est votre action en direction de la diversité ?
Les données concernant les élèves ingénieures sont spécifiques à chaque filière. En électronique et en informatique, le pourcentage de filles est tout juste de 10 %, alors qu’en physique-chimie on atteint la parité et que des filières comme celle des biotechnologies comptent 80 % de filles. Le pourcentage global de filles dans les écoles d’ingénieurs s’élève à 28,1 % en 2014. Pour maintenir la forte progression (+ 25%) des inscriptions d’ingénieures que nous avons connue entre 2007 et 2013, nous devons intervenir au niveau des lycées pour sensibiliser les jeunes filles aux métiers d’ingénieurs en leur faisant comprendre qu’elles ont toute leur place dans des filières comme le numérique, l’électronique, l’informatique ou les télécommunications. En effet, les femmes doivent se réapproprier le numérique pour construire des objets qui vont leur être adaptés. En termes de handicap, notre objectif est de mutualiser nos savoirs et nos savoir-faire dans le cadre des conventions que nous avons signées sur l’accès à la formation des personnes en situation de handicap.

 

On évoque souvent la notion d’«ingénieur à la française ». Comment valoriser cette appellation envers les étrangers susceptibles de venir étudier en France et les entreprises étrangères ?
En dehors du renforcement du continuum ingénieur/ docteur et de l’augmentation de la diplomation de près de 34 000 ingénieurs par an qui nous donne une responsabilité particulière pour contribuer à l’avancée des connaissances en Sciences et Technologies, au besoin d’expertise du monde de l’entreprise, à l’innovation et globalement au développement des territoires et de la France, nous avons formulé d’autres axes stratégiques. Nous souhaitons nous impliquer plus fortement dans l’EUA pour contribuer à la structuration de l’Enseignement Supérieur de l’Espace européen en faisant la promotion de nos outils de formation, de recherche et de nos partenariats avec le monde socioéconomique. Nous souhaitons également que la CDEFI devienne membre associé de l’European Network for Accreditation of Engineering Education (ENAEE). Notre objectif consiste à peser sur les alliances dans lesquelles nous sommes partie prenantes. Enfin, nous sommes convaincus que l’on ne forme pas assez d’ingénieurs et qu’il faut anticiper les nombreux départs à la retraite qui vont avoir lieu dans le cadre du papy-boom et de disposer des moyens financiers nécessaires pour y parvenir.

 

Pour mieux connaître François Cansell
Docteur Ingénieur de l’Université Paris 13, François Cansell s’est d’abord orienté vers des activités de recherche comme directeur de recherche au CNRS, mettant en place une école d’été quadri-annuelle intitulée « Supercritical Fluids and Materials ». Professeur desUniversités à l’ENSCPB de Bordeaux de 2006 à 2009, il enseigne l’innovation et le transfert de technologies, ainsi que la sélection des matériaux. A partir de 2009, il occupe le poste de directeur général de l’Institut polytechnique de Bordeaux. Elu président de la CDEFI en février 2015, il considère que « dans un paysage de l’Enseignement Supérieur en pleine mutation au niveau mondial, la CDEFI joue un rôle stratégique. » Force de proposition sans concession pour un développement éducatif, économiqueet social durable, il affirme : « La CDEFI doit promouvoir l’identité et le rôle majeur des écoles d’ingénieurs pour contribuer au redressement économique de la France dans le cadre d’une politique d’investissement ambitieuse pluriannuelle. »

 

L’importance des doubles diplômes pour la CDEFI
Atout gagnant
Les doubles diplômes constituent un atout majeur dans la politique des Grandes Ecoles d’Ingénieurs car, au-delà de la facilité d’intégration qu’ils apportent, ils permettent de travailler plus facilement à l’international. On trouve de nombreux doubles diplômes en France dans la mesure où l’on mutualise les parcours recherche des Grandes Ecoles d’Ingénieurs avec les Universités. Les pourcentages d’élèves poursuivant leur cursus en double diplôme et les partenariats entre établissements se gèrent école par école. Par exemple, Bordeaux INP a conclu un accord de double diplôme avec EMLyon Business School. Elargissement des compétences
Nous sommes très favorables à la mise en place de doubles diplômes car je pense qu’il faut aller vers une augmentation des doubles compétences. Trop focalisés sur l’aspect technique de leur métier, les ingénieurs français doivent s’approprier les sciences politiques, le management, la finance,
les sciences économiques, voire les sciences humaines et sociales, pour maîtriser pleinement les enjeux sociétaux à venir. De fait, nous sommes très ouverts à cette démarche, toutes les écoles d’ingénieurs étant déjà en contact avec les écoles de management présentes sur leurs territoires.
L’appel de l’international
Le double diplôme intéresse particulièrement le futur ingénieur qui se rend dans une université étrangère en dernière année afin d’obtenir une compétence spécifique dans le cadre d’un diplôme de Master. En effet, s’il valide ses ECTS, nous lui attribuons également le diplôme d’ingénieur. Cette démarche se révèle souvent très pertinente dans le cadre du projet professionnel de l’étudiant.
Une pédagogie rénovée
Les techniques du e-learning facilitant la mise en oeuvre du double diplôme, nous devons transformer les pratiques pédagogiques pour proposer des d’apprentissage qui ne soient pas uniquement constituées de face-à-face en amphithéâtre. Le problème consiste également à trouver de nouvelles méthodes d’évaluation des compétences. C’est tout un challenge de faire en sorte que notre pédagogie de formation des ingénieurs s’adapte aux changements d’usages attendus par les natifs du numérique.
François Cansell – Président de la CDEFI

 

Patrick Simon