Denys Chomel, Co-fondateur et responsable des admissions chez HETIC, école des métiers du web

Au doigt et à l’œil !

Nous voila rentrés de plein pied dans le « moment du digital ». Plus que l’addition de nos outils, de nos applis, de nos appareils, c’est notre rapport à l’obéissance de notre environnement qui nous apparait. En un rien de temps avec le pouce et mon téléphone je peux choisir, commander, réserver, décider. Acquise dans la sphère privée, cette sensation de puissance et d’immédiateté ne s’arrête pas aux portes des entreprises. Par Denys Chomel, Co-fondateur et responsable des admissions chez HETIC, école des métiers du web

 

Commander un avion pour un week-end impromptu, réserver une chambre avec vue sur la mer, le partager sur les réseaux et immédiatement et avoir des amis qui se joignent au voyage le tout dans le temps de mon trajet de métro en rentrant du travail, cela nous semble juste normal. Décider au dernier moment de se faire livrer un repas à cause d’une réunion qui dure, acheter en ligne le livre que ma voisine de tramway est en train de lire et qui a l’air absolument passionnant. Cette immédiateté et la facilité de passer d’une idée, d’une envie à sa réalisation à changé nos vie en faisant disparaitre le temps de la médiation et le visuel de l’argent. Cette capacité nouvelle qui s’offre à chacune et chacun d’agir sur le réel, ce sentiment de puissance dans nos vies qui nous promeut organisateur, planificateur, décideur s’étend « naturellement » à nos vies professionnelles.

 

Comment pourrions-nous accepter d’être moins efficace au travail que dans nos vies personnelles ?

L’organisation par des tiers, le respect de process figés, les délais de prise de décision par l’ascenseur hiérarchique, tout cela paraissait efficace et surtout inhérent à l’organisation d’un collectif : comment pourrait-on faire autrement… et bien toutes ces lourdeurs, tout ce qui ralenti le temps entre l’idée et sa réalisation, nous apparait aujourd’hui insupportable et néfaste à la réactivité, au timing du « business ».

La synchronisation des agendas, la capacité de partager des documents, de les modifier de n’importe où, à tout moment, de mon téléphone comme de mon ordinateur, de mon bureau comme de ma salle de bain, tous ces outils permettent effectivement une plus grande individualisation voire autonomie dans des process collectifs, mais la vraie transformation est mentale : nous ne supportons plus d’intermédiaire, de délai… nous ne voulons plus que du possible !

Retrouver dans les situations professionnelles, ce sentiment d’autonomie, que le monde nous obéi « au doigt et à l’œil », pouvoir interagir en « peer to peer » avec mes collègues, mes partenaires relève de l’évidence et c’est encore plus vrai pour celles et ceux qui jouent aux jeux vidéo depuis leur enfance. Les jeux vidéo multi-joueurs apprennent de fait à fonctionner dans des environnements complexes, mouvant et à gérer de l’aléatoire. Toutes choses qui ressemblent fortement au contexte des entreprises aujourd’hui qui doivent en permanence se positionner dans un contexte complexe, mouvant et imprévisible. L’enjeu pour les entreprises est de gagner en réactivité, en agilité, en innovation continue. Tout converge donc vers une forte transformation des schémas d’organisation avec un amenuisement du « middle management », pour ne pas dire sa disparition progressive.

 

S’adapter au digital c’est changer l’organisation sociale du travail…

Or le rapport à la hiérarchie, le cycle de prises de décisions, la vitesse attendue, les relais de responsabilité sont bien plus difficiles à faire bouger que le remplacement d’un outil par un autre. Une entreprise existante qui veut se digitaliser globalement ne peut pas imaginer le faire sans révolution culturelle.

C’est cette même dynamique qui nous donne des envies de démocratie plus participative.

Il en est de même de l’éducation qui doit du primaire au supérieur, intégrer ces changements profonds de sentiment du possible sous peine d’être totalement discréditée par les étudiants. Tout l’enjeu consiste pour les écoles à ne pas perdre de vue les objectifs d’élévation, d’abstraction, de formulation et de les rendre compatibles avec le nouveau paradigme d’itération continue et d’immédiateté.