ATTIRER LES JEUNES TALENTS EST DEVENU UNE PRIORITÉ POUR LES ENTREPRISES. ET LES RETENIR, PARFOIS, UN DÉFI. FACE À UNE GÉNÉRATION AUSSI COMPLEXE QUE DÉCOMPLEXÉE, LES DRH S’INTERROGENT, TESTENT DIVERS DISPOSITIFS ET TRAVAILLENT LEUR MARQUE EMPLOYEUR. UN OUTIL PUISSANT, À CONDITION D’ÊTRE PARFAITEMENT… AU-THEN-TI-QUE.
« Qu’est-ce qui fait courir la génération Y ?!… » Pas un séminaire ou colloque consacré au recrutement sans que cette question ne figure au programme et qu’une fois le débat lancé, les adjectifs : « volatiles », « zappeurs », « insaisissables » ne se fassent écho pour tenter de qualifier cette première génération contemporaine de la mutation numérique dans son rapport au travail et à l’entreprise. Bien sûr, il faut se garder des amalgames et jugements hâtifs : « Les Y sont comme ci », « la génération Y n’existe pas ! »… Car, ainsi que le rappelle la sociologue spécialiste des débutants sur le marché du travail, Nathalie Moncel : « Il y a au moins trois jeunesses, celle qui galère et dont on parle aux infos, une jeunesse, laborieuse et silencieuse et cette nouvelle jeunesse, diplômée des écoles de commerce, d’ingénieurs et grandes universités qu’on désigne par le terme de “ génération Y “. C’est sur cette dernière catégorie de « jeunes talents » qu’un nombre croissant de DRH s’arrachent les cheveux à l’heure de savoir « Comment les mobiliser et fidéliser ?! »
Une soif d’apprendre inextinguible !
Pourtant, ainsi que le rappelle la prospectiviste Carine Dartiguepeyrou*, pour être singulière, la génération Y n’a rien de spontanée. « Les années 80 avaient consacré l’avènement de l’individualisme ; nous cheminons à présent vers une individuation où chacun cherche à se réaliser, s’émanciper, prendre plaisir tout en apprenant. Une différence très marquée concernant la Génération Y qui contribue à l’entreprise, lui apportant son énergie et son enthousiasme, à condition que le but commun ait du sens, qu’elle puisse se faire plaisir dans le travail et, surtout, qu’elle apprenne en échange ! » « Se développer, continuer d’apprendre, tels sont les mots clés qui parlent aujourd’hui aux jeunes diplômés, confirme Frédéric Oger, co-animateur de la commission « Talent Management » à l’Association Nationale des DRH (ANDRH). ”On the job learning”, mentoring, coaching, formations, séminaires, assos pros, peu importe, même s’il existe un prérequis lié à la rémunération, ce qu’attendent avant tout ces jeunes, c’est de sentir la valeur ajoutée qu’il y a à rejoindre une entreprise et y rester : quelles opportunités ? Vais-je continuer de progresser, de me développer ? »
Marque employeur : l’arme à double tranchant
Réponse idéale à cette préoccupation, les « graduate programs » permettant à une jeune recrue de « tester » plusieurs postes (dont un à l’international, souvent) ont explosé au cours des trois dernières années, principalement dans les métiers financiers et de production. « Ces programmes sont destinés aux Bac +5 fraîchement diplômés des meilleurs cursus européens, rappelle Manuelle Malot, Directeur Carrières et Prospectives à l’EDHEC. Le niveau de sélection y est à la hauteur de l’investissement des entreprises et des promesses d’évolution : les critères sont sévères car la courbe d‘apprentissage et la progression de carrière sont fortes et rapides. »
« Même s’ils se sont beaucoup développés, ces programmes demeurent encore le seul fait des grandes entreprises, explique Jules Robert Le Herissé, président de groupe à l’ANDRH. C’est un gros investissement qui concerne au final peu de postes. En revanche, les graduates représentent une carte maîtresse de la marque employeur. Or, la marque employeur est devenue LE sujet d’actualité des DRH. Plus un séminaire sans marque employeur, mais, attention !… pas de marque employeur valide sans vraies valeurs en amont. Des valeurs sur lesquelles toute l’entreprise doit travailler, par souci de réalisme, la marque employeur devant vraiment être « une fenêtre ouverte sur la vie de l’entreprise. »
Au risque d’avoir sur les jeunes talents qu’elle espère séduire l’effet contraire… « Nombre de discours véhiculés par les marques employeurs sont perçus par les étudiants comme de la publicité et non de l’information, regrette Jean Pralong, professeur de Gestion RH à NEOMA Business School. On s’adresse trop souvent à eux comme s’ils étaient des consommateurs d’emploi qu’il faut séduire via un packaging « sexy » quand la seule chose qu’ils attendent est un engagement ferme de l’entreprise sur le fond : une carrière, oui ! C’est-à-dire, de nos jours, la promesse que leurs efforts servent un projet collectif dans lequel ils seront durablement impliqués. »
Esprit (d’entreprise) es-tu là ?!…
Régulièrement appelé en entreprise pour y booster la cohésion des équipes, le coach professionnel Mathieu Sage, recordman du monde de ski de vitesse et co-auteur de « L’athlète d’entreprise », ne pense pas autre chose. « Pour être attractives aux yeux des jeunes, les entreprises doivent absolument développer leur quotient « spirituel » ; cet esprit de l’entreprise au sens propre. A l’image d’un club sportif qui fait rêver, une entreprise possède une aura. Que les jeunes perçoivent parfaitement .»
Comme pour lui donner raison, Jules Robert Le Herissé, glisse en passant le résultat d’un sondage effectué par ses équipes : « Qu’est-ce qui vous a finalement décidé à accepter cet emploi ? » Réponse plébiscitée par les jeunes diplômés à hauteur de 80 % : « Le feeling : l’ambiance de l’entreprise et le ressenti lors de l’entretien. » Dont acte…
JEUNES DIPLÔMÉS EN SITUATION DE HANDICAP LE POINT AVEC… Annick Monfort, Directrice des études et de la prospective de l’Agefiph
Quelle actualité fin 2015 ?
« Très synthétiquement, il y a l’évolution de la loi permettant désormais aux employeurs de comptabiliser les stages (même « de découverte ») dans leur quota, ce qui, en multipliant les contacts, va faciliter la lutte contre les clichés et appréhensions existant de part et d’autre. Il y a la réforme de la formation professionnelle, belle occasion d’améliorer le statut des populations les plus fragiles et les moins bien formées. Enfin, deux importantes études. La première sur le parcours vers l’emploi des étudiants handicapés d’où il ressort, entre autres, que ceux-ci vivent leurs années étudiantes à la fois comme une période merveilleuse ET difficile, en raison principalement du regard des autres, surtout quand leur handicap n’est pas visible ! A méditer… la seconde étude, réalisée par le CNAM auprès de grandes entreprises, dégageant de son côté différents scénarii et défis (13) à relever pour développer l’emploi des personnes handicapées dans les années à venir. »
SECTEURS QUI RECRUTENT : 4 QUESTIONS À… Pierre Lamblin, Directeur des Etudes & Recherches à l’Apec
Où en est le marché de l’embauche des jeunes diplômés ?
2015 sera légèrement moins porteur que 2014, les entreprises continuant de préférer des profils avec une première expérience et donc, plus rapidement opérationnel. Mais à deux ans post-diplôme, on est déjà à 80 % de taux d’emploi et à 88 % à 3 ans ; 2 fois plus que sans diplôme, lequel reste donc l’atout maître.
Quels secteurs d’activités sont les plus porteurs ?
Les services, sans surprise, qui représentaient toujours 2/3 des recrutements cadres en 2014. Informatique et Télécoms à hauteur de 12 000 recrutements jeunes diplômés (sur 35 000), ingénierie et R&D : environ 12 000, conseil en banque-assurance (plus de 4 700) et enfin industrie, environ 2 000.
Quid des « nouveaux métiers » apparus ces dernières années ?
Ils émergent, en effet, mais lentement. On atteint ainsi 1 000 ingénieurs cloud, data scientists ou responsables sécurité SI recrutés cette année et 2 000 responsables QHSE sur quatre ans. Le Développement Durable ayant plus de mal à se faire une place dédiée (les entreprises délèguent beaucoup en interne). Nombre d’entreprises affirment rechercher autant des « personnalités » que des cursus. Cela se confirme-t-il dans les faits ?
Ce que les entreprises recherchent avant tout, ce sont des compétences ! Avec, il est vrai, une part comportementale de plus en plus affirmée : curiosité, capacité à s’adapter et travailler en équipe, interdisciplinarité, etc. Mais la formation reçue continue de compter, associée à l’expérience des stages…
* Membre du Think tank « Futur Numérique » de l’Institut Mines Télécom, co-auteur de « Le DRH du 3e millénaire » (Pearson)
JB