Avant la faillite de Lehman Brothers en 2008, la finance s’était installée mondialement dans un cycle continu d’allègement réglementaire depuis les années ’70. Depuis lors, les différentes composantes de l’industrie des services financiers ont vécu de violents donc coûteux processus de re-régulation. Les gagnants en termes de moyens humains ou de budget ? Les fonctions Conformité, Risque et Affaires Réglementaires, qui ont le vent en poupe, chez les grands acteurs mais aussi dans les fintechs ou les regtechs. Par Bernard Coupez, Président, Strategy & Regulation, www.stratreg.com
Passer des normes professionnelles habituelles aux exigences spécifiques en finance
Faites le test. Interrogez des étudiants en alternance sur les normes professionnelles auxquels ils sont astreints. Dans beaucoup de secteurs, cela se traduit essentiellement par des règles inscrites dans le contrat de travail, le règlement intérieur de l’entreprise et la convention professionnelle. Auxquels vont s’ajouter des règles spécifiques si votre entreprise est cotée en Bourse. Par exemple sur les périodes sensibles en matière de communication financière. Et maintenant, allez dans des équipes de finance. Selon la nature du métier en banque privée, gestion d’actifs ou salle des marchés, on demandera en plus de vos compétences techniques habituelles de prendre connaissance des règles déontologiques et réglementaires de votre métier. Pour certains métiers en finance, la certification professionnelle AMF est un prérequis pour pouvoir exercer après une période transitoire. A titre d’exemple, entre 2010 et 2017, la certification professionnelle de l’AMF, organisée par le Haut Conseil Certificateur de Place et déléguée à 12 organismes de formation dont l’examen a été certifié par l’AMF a été obtenue par près de 58 000 personnes en France.
Conformité n’est pas uniquement synonyme de dispositions juridiques à appliquer
En remettant au cœur de chaque métier de la finance non seulement les obligations professionnelles mais aussi les règles éthiques ou déontologiques et souvent l’application des bonnes pratiques, le rôle de la fonction conformité s’est considérablement accru. Bien sûr, économiquement, cela a accru le coût de régulation porté par les acteurs de la finance. Chez ces acteurs, que ce soit avec le régulateur bancaro-assurantiel ou celui des marchés, le responsable conformité et contrôle interne est souvent le premier point d’entrée pour comprendre comment les différents niveaux de textes législatifs ou réglementaires sont appliqués. Plus un acteur dispose d’agréments différents, obtenus auprès de plusieurs régulateurs (en Europe ou dans le monde), plus la complexité, la cohérence et la la fluidité du dispositif appliqué devient techniquement problématique à gérer. D’où, en partie, la raison d’une taille grandissante des équipes de conformité.
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Bien gérer sa conformité pour éviter le coût monétaire ou d’image de la sanction
Que rapporte une bonne conformité ? Réduire le risque de se voir imposer une sanction qui soit affecte l’image de l’entreprise (notamment, auprès de ses clients actuels ou potentiels) ou soit devienne financièrement un quantum de plus en plus élevé. La pratique américaine de frapper peu mais fort se généralise. Dans les textes européens récents comme la directive sur les abus de marché, les plafonds antérieurs (par référence aux principes habituels en droit pénal) ont souvent fait place à des sanctions administratives dont le montant est un multiple du chiffre d’affaires ou du résultat net de l’entreprise. Cela change la dimension de la sanction qui devient transversale et peut dès lors affecter le devenir non seulement des équipes concernées au premier chef par les manquements, mais également de l’ensemble de la chaîne de valeur des produits financiers en cause, voire de mettre en danger le devenir économique de l’entreprise sanctionnée. C’est pourquoi un bon practicien de la conformité connaîtra les techniques du métier qu’il assiste mais sera un pédagogue pour expliquer et faire comprendre les risques et enjeux de comportements jugés à risque donc potentiellement « sanctionnables » par un régulateur.
Bernard Coupez conseille des acteurs en finance sur les enjeux réglementaires, enseigne la régulation bancaire et financière et décide en tant que membre du Collège de l’Autorité des Marchés Financiers. Bernard Coupez préside également le Haut Conseil Certificateur de Place.