Entre la théorie et la pratique, il y a un monde. un fossé qu’il n’est pas toujours facile de franchir. Quel regard portent les PDG en activité sur les aptitudes et compétences qui leur ont permis de prendre des responsabilités de premier plan et surtout de les assumer ? Comment progressent-ils dans leurs pratiques ? Dans quelles missions inhérentes à leur statut de dirigeants s’épanouissent-ils le plus à titre professionnel et personnel ? – Par Violaine Cherrier
Frédéric Marquette, associé chez EIM, leader européen du management de transition, et auteur de l’ouvrage Pourquoi eux ? Les secrets d’une ascension – paroles de dirigeants, nous donne quelques éclairages sur les qualités clés d’un grand dirigeant
1re conclusion : ce ne sont pas les compétences techniques professionnelles qui font la différence mais la personnalité et la capacité à mobiliser une équipe.
2e conclusion : on ne réussit pas sans énergie ni grande capacité de travail. Il faut savoir préserver sa santé à l’image de certains athlètes et déconnecter malgré des plages horaires de travail larges. L’équilibre de vie et le soutien familial sont clés.
3e conclusion : diriger, c’est d’abord être capable de décider rapidement dans un univers VICA – Volatile Incertain Complexe et Ambigüe. Les hauts dirigeants intègrent cette certaine prise de risques, de responsabilités et de courage inhérente à toute décision.
4e conclusion : les qualités relationnelles – écoute, relations avec les équipes, sens collectif, capacité à s’entourer – sont également essentielles.
5e conclusion : la communication est centrale. Un dirigeant est un animal social qui interagit en permanence avec les équipes internes et avec ses partenaires externes. Et il ne sert à rien d’avoir des idées si on ne sait pas les exprimer.
Comment relier toutes ces compétences à un haut niveau ?
« Un dirigeant seul ne peut rien ! Il ne peut réussir sans mobiliser et bâtir une équipe. La réussite du dirigeant, c’est celle de son équipe. Sa vitesse est celle de son équipe. »
Cocorico : 10 Français parmi les meilleurs patrons du monde en 2016
La Harvard Business Review a publié en octobre son classement annuel des pays qui comptent le plus de dirigeants d’entreprise performants. La France se classe en 2e position derrière les États-Unis mais devant le Royaume Uni, l’Allemagne et le Canada. Si 11 patrons français se distinguer en 2015, ils n’étaient que 4 en 2014.
Comment est établi ce classement ? Selon les résultats financiers sur le long terme ainsi que les performances de chaque entreprise en matière de développement durable, social et de gouvernance. Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH, 7e dans le classement général, se révèle le plus performant des dirigeants français.
100 jours pour convaincre
Quand on est président de la République, on a souvent 100 jours pour convaincre. C’est normal, un président est le premier des dirigeants d’exception. Le « Prix des 100 Jours » créé par KPMG, leader de l’audit et du conseil, et EIM, leader du management de transition, récompense les dirigeants-es ayant réussi la période clef des 100 premiers jours après la prise de leurs nouvelles responsabilités. « On ne réussit pas en 100 jours mais si on ne les réussit pas, on aura alors plus de difficultés par la suite. Lorsque la première image est positive, elle constitue un filtre favorable qui facilite grandement les choses. Sinon la pente sera plus dure à remonter », confirme Frédéric Marquette.
Quid des dirigeantes ?
La plupart des grands dirigeants reconnaissent l’intérêt de promouvoir les femmes dans un comité de direction. La raison ? Leurs qualités sont très portées sur l’écoute et le collectif. Leur présence transforme la dynamique d’un comité exécutif. Et une organisation doit comporter dans son sein, une certaine diversité pour s’adapter très vite à la complexité de leur environnement, pour être agile et compétitive. « Mais il est vrai qu’il y a encore relativement peu de femmes dans les grands postes de direction. Même si ça commence à changer aujourd’hui. » Les raisons ? Les priorités changent parfois avec les maternités. Certaines réticences subsistent aussi dans les échelons intermédiaires de la hiérarchie. Et les femmes, souvent très perfectionnistes, tendaient aussi à s’autolimiter dans leur ambition personnelle.
Attention au carriérisme !
Frédéric Marquette lance toutefois une recommandation : attention à la planification du parcours. Le point commun entre tous les dirigeants qu’il a rencontrés ? « Aucun ne se voyait grand dirigeant en début de carrière mais tous souhaitaient s’engager et prendre des responsabilités. » Et ce quel que soit leur milieu d’origine, souvent modeste. Le plus important ? Acquérir des valeurs, « l’ambition vient au fil du chemin. Mais il faut aussi savoir prendre des risques et des décisions lorsqu’une opportunité se présente, accepter des challenges et en accepter les risques inhérents. » À bon entendeur !
40 % de femmes dans les comités d’administration en 2017
Parmi les entreprises du CAC40, on ne compte que 2 femmes présidentes de groupe : Sodexo et Publicis. Et une seule directrice générale : Isabelle Kocher pour le groupe Engie. Mais la loi Copé – Zimmermann sur la parité ouvre de nombreuses perspectives aux femmes. Que dit-elle ? Que la proportion des administrateurs de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 % à l’horizon 2017. Encore un peu de patience !
Quel sera le dirigeant d’exception de demain ?
Quelles sont les qualités nécessaires du leader du troisième type ? Davantage tournés vers les autres, porteurs de projets collectifs et de sens, les « révolutionnaires 2.0 » ou « leaders du troisième type » vont émerger peu à peu pour bouleverser le statu quo et tracer une nouvelle voie. Le regard de Gérald Karsenti, P-DG de Hewlett Packard Enterprise France et auteur de quatre ouvrages dont le dernier Leaders du troisième type – Pour redonner du sens à notre engagement.
Une approche créative : plus que jamais, le leader doit créer un environnement propice à l’innovation, en misant sur l’intelligence émotionnelle et la curiosité au détriment d’une hyperrationalité.
Une exemplarité irréprochable : le leader doit être source d’inspiration et valeur d’exemple pour les autres.
Une certaine dose d’humilité : le leader doit être accessible, empathique, à l’écoute des autres, ouvert et accepter qu’il ne peut réussir seul.
Un véritable esprit collaboratif : dans le monde d’aujourd’hui où les modèles organisationnels cloisonnent les unités opérationnelles et isolent les individus, la force du leader est de parvenir à créer une véritable cohésion.
Une capacité à déléguer : face à la complexité et à l’imprévisibilité actuelles, déléguer c’està- dire faire confiance, est un impératif. Savoir s’entourer est clé.
Une aptitude à donner du sens : répondre à la question du « pourquoi » n’est jamais simple. Les raisons qui nous ont poussés un jour à nous engager ne sont parfois plus très claires. Et pourtant, elles conditionnent notre motivation, notre bien-être et notre bonheur.
Une démarche centrée sur les clients et l’humain : une entreprise qui se préoccupe vraiment du bien-être de ses salariés a toutes les chances de satisfaire également son marché et ses clients. Le capital humain doit se trouver ou revenir au coeur de toute organisation.