DOSSIER SPÉCIAL JEUNES DIPLÔMÉS
Quiconque a fait l’exaltante expérience de l’expatriation a aussi attrapé le blues du come back. Le contre choc culturel dans son propre pays. Le déphasage dans son travail. Un phénomène que les entreprises entendent mais gèrent encore assez mal.
Gérer les changements
« La mobilité internationale coûte chère mais c’est un investissement. Pour attirer les talents et repérer nos cadres à haut potentiel. Le hic réside peut-être encore dans la gestion du retour de l’expatrié » reconnaît en demiteinte la responsable Mobilité internationale d’un grand groupe industriel. Un aveu que partagent les spécialistes de la question. A commencer par Jean Pautrot, Président du Cercle Magellan, le réseau professionnel des Ressources Humaines internationales. « Un retour réussi est un départ réussi. Il faut aborder le retour sans nier l’existence des émotions, en acceptant le changement. L’expatrié doit accepter le changement de son environnement mais l’entreprise doit intégrer les changements chez son collaborateur et reconnaître ses nouvelles compétences acquises durant son expatriation ». Selon lui, une des pistes à développer pour favoriser les retours et mieux gérer les changements, pourrait se trouver dans le coaching, encore assez peu en vogue en France. Dans des groupes comme PSA-Peugeot Citröen ou L’Oréal, un système de parrainage est mis en place pour baliser le retour de l’expatrié et l’accompagner dans sa « reprise de contact avec l’entreprise ».
Le blues « post-parti »
Le retour en France provoque dans quasiment tous les cas un contre choc culturel, une perte de repères, un décalage dont il est difficile de parler. L’expat doit faire le deuil d’une vie « de rêve », où il vivait souvent sur un grand pied (selon le niveau de vie du pays), était invité dans tous les cercles et réceptions de en tant « qu’ambassadeur de l’entreprise X ou Y », n’avait plus le poids de la hiérarchie mais était en contact direct avec la direction, bref, une « vie en or » selon l’expression souvent entendue dans ce contexte. Alors le choc du retour est d’autant plus grand si la DRH n’a pas suffisamment anticipé et mis en place un plan de carrière qui évite le sentiment « d’avoir rétrogradé ». « Une réintégration n’est jamais facile. Autant les modalités de départ sont aisées à clarifier autant celles du retour sont plus difficiles à garantir. Je ne peux pas promettre à un salarié que dans quatre ans il sera sur tel ou tel poste », explique Marylise Fleurquin, responsable expatriation chez un équipementier. « Je mets en avant les avantages qu’il en tirera pour sa carrière et surtout, je dois rassurer, en insistant que l’expatriation c’est un tremplin, pas une mise à l’écart ». Ceci dit, avec les moyens de communication actuels, les entreprises maintiennent autant que faire se peut, un contact régulier avec leurs expatriés via skype, intranet, vidéoconférence, plus un ou deux retours par an.
Fidéliser le salarié en valorisant ses nouvelles compétences
Les entreprises devraient mettre en valeur les compétences nouvellement acquises à l’étranger. Or, d’après les spécialistes, ce n’est pas toujours le cas, loin s’en faut. Jean-Luc Cerdin, professeur à l’Essec en gestion internationale des RH et auteur d’un excellent livre, « S’expatrier en toute connaissance de cause » (éditions Eyrolles), met en garde les entreprises sur le décalage qui peut surgir entre ambitions personnelles de celui qui revient et perspectives offertes par l’employeur. « Il faut que les entreprises tiennent compte que les expatriés s’affranchissent de plus en plus de leur organisation. C’est l’approche émergente de l’expatriation. La difficulté pour l’entreprise est de capitaliser sur l’expérience du salarié ». Ce qui éviterait les frustrations et leur conséquence à savoir qu’un quart des expatriés quittent leur employeur dans les deux ans qui suivent le retour. Soit ils partent créer leur propre entreprise, forts de leur expérience enrichissante à l’étranger, soit ils vont dans une autre entreprise, munis d’un carnet d’adresses « bankable ».
Les chiffres de l’expatriation
• Presque 2 millions de Français sont expatriés (dont 80 % salariés, 11 % entrepreneurs, 8 % professions libérales, 7 % étudiants).
• 25% quittent leur entreprise dans les deux années qui suivent leur retour
• 1 expatrié sur 2 repart pour une 2e expatriation au sein de son entreprise
• La durée moyenne des expatriations avoisine les 3 ans (contre 5 ans dans les années 1990)
• Les 24-35 ans représentent aujourd’hui + 30 % des expatriés.
• Plus de 32 % des expatriations se font en Europe, 25 % en Asie, 20 % en Amérique du nord.
S.G