Denis Gromb
Denis Gromb

Economie et Finance à l’INSEAD

A chacun son style. Dans le parking souterrain, je gare maguimbarde entre deux Porsches . A l ’étage, même combat. Bernard, star de la théorie financière, est déjà au taquet derrière son bureau. Dans le couloir, Pascal et Théo, spécialistes de macro-finance et de gouvernance d’etreprise, devisent en Flamand des déboires de l’Euro – c’est du moins ce qu’ils prétendent. Nul n’a vu Massimo depuis bun mois mais à travers sa porte on l’entend pester en Italien, sur des données retorses sans doute. C’est l’un des chercheurs les plus prolifiques de sa planète. Astrid a la banane : après une résistance acharnée, son modèle d’équilibre général vient de rendre les armes. Moi, je suis un économiste dit « de café » : c’est de conversations fumeuses devant un express que naissent mes meilleures idées. Les plus mauvaises aussi.

 

Denis Gromb
Denis Gromb, professeur de finance à l'INSEAD

Babel
Par chance, nous avons une sacrée bande de doctorants issus des meilleures écoles, bourrés de talent et assoiffés de café. Le bureau qu’ils partagent a des airs de Tour de Babel, comme l’INSEAD : Economie, Finance et Compta rassemblent cinquante profs et doctorants de vingt pays et quatre continents (tiens, pas d’océaniens) : Allemagne, Brésil, Chine, Etats- Unis, France… sans compter nos collègues de Marketing, Maths App, Stratégie, etc. C’est l’ONU, débats houleux inclus, in English please. Notre réseau est plus vaste encore. Primo, chacun collabore avec des collègues de par le monde. Pour moi, un grec de Londres, un suisse de Stockholm, un milanais… de Milan. Oiseaux migrateurs, nous sautons aussi d’une conférence à l’autre pour débattre de nos travaux entre volatiles: Stanford, Pékin, LSE… J’engrange idées et miles.

 

Friday Snipers
Côté café, ça urge: le séminaire démarre dans dix minutes. Chaque vendredi, un économiste différent venant d’une grande université passe la journée ici pour présenter ses recherches. Aujourd’hui, c’est un ponte de Princeton. Il va y avoir du sport : 90 minutes de questions intenses pour voir ce que sa théorie et ses stats ont dans le ventre. Lui se battra bec et ongles pour échapper aux snipers. Franchement impressionnant mais très utile. Nous comprenons mieux son étude et lui glane des idées pour l’affiner. Et comme chez les Gaulois, ça finit par un bon dîner sans chansons. Mais nous n’en sommes pas là.

 

Beau Linge
J’entre dans la salle. Que du beau linge et pour tous les goûts: micro, macro, finance d’entreprise et de marché, théorie, travaux empiriques, économie comportementale… Echantillon. A gauche, Joël étudie les relations media-bourse – travaux empiriques qui lui ont valu le prix de meilleur jeune économiste financier de France. Il a montré que la couverture médiatique d’une firme affecte son cours boursier. Ce fait plausible est très difficile à quantifier: Comment dire si un article cause une chute de prix ou s’il la reflète ? Joël use donc de techniques pointues d’analyse de texte et d’expériences naturelles (des grèves de la presse). Il travaille avec Lily, qu’on distingue d’ailleurs sur un grand écran télé avec d’autres collègues basés sur notre campus à Singapour. Les séminaires y sont retransmis en direct ! Au fond, Ana, fière ibère, s’intéresse au lien entre commerce international et activité économique. Son projet le plus récent ? Comprendre pourquoi durant la crise financière, les échanges internationaux ont chuté de façon si spectaculaire – bien plus que le commerce interne. Une piste est que les firmes exportatrices ont plus que les autres recours au financement externe (prêts, obligations, etc.). Or c’est justement le secteur financier qui a été frappé de plein fouet par la crise. A suivre… A droite, Théo est très remonté. La chute du cours des banques les a laissées avec des dettes énormes en comparaison. Pour éviter des faillites en masse, il a fallu les éponger aux frais du contribuable. Théo propose qu’à l’avenir les banques émettent des obligations automatiquement convertibles en actions en cas de détresse. Cette solution réduirait d’autant leurs dettes tout en évitant de négocier dans l’urgence. Plusieurs banques songent d’ailleurs à l’adopter.

Dans la salle, le silence s’est fait. Le ponte avale une dernière gorgée d’eau. Ça commence…

 

Contacts :
denis.gromb@insead.edu
http://www.denisgromb.com