Prospectiviste très demandée, Carine Dartiguepeyrou es t riche d’un parcours qui , mixant en continu études, expériences professionnelles et recherche, en a fait l’une des grandes spécialistes des rapports entre l’entreprise, le manager ou le simple citoyen et les nouvelles technologies. Rencontre…
Où en sont les entreprises françaises côté numérique ?
Si certaines entreprises que nous qualifierons d’ouvertes multiplient grâce à internet leurs liens avec le monde et renforcent ainsi leur créativité comme leur capacité à innover, les pratiques privées sont, en France, bien plus avancées que celles des entreprises. Sous couvert de confidentialité, beaucoup refusent encore l’accès à internet à leurs employés. Bien sûr, les nouveaux codes de comportements professionnels liés aux pratiques numériques restent en partie à définir : autodiscipline, respect, discernement, c’est un des enjeux du moment, mais en retardant leur ouverture sur le monde, ces entreprises se pénalisent elles-mêmes.
Le dirigeant d’aujourd’hui est devenu une sorte
de maître zen chargé d’équilibrer les paires d’opposés pour que
ce déploie ce que
nous appelons ‘‘la fleur des potentiels’’
En quoi le numérique bouleverse-t-il le management ?
Les NTIC sont un outil supplémentaire mis à la disposition du manager dont la vraie problématique est de trouver la juste distance par rapport au changement en général. Comment s’adapter sans se perdre ? Accélérer sans tomber dans l’hyper-instantanéité ou cette hyper-activité qui vous fait brasser mille choses et, comme le hamster dans sa roue, rester sur-place. Comment enfin ne pas se laisser dévorer par ces technologies chronophages ? Car à quoi bon changer si ce n’est pas pour aller vers plus d’épanouissement ? Le dirigeant d’aujourd’hui est devenu une sorte de maître zen chargé d’équilibrer les paires d’opposés pour que ce déploie ce que nous appelons « la fleur des potentiels ». Equilibrer le global et le local, l’individuel et le collectif (Alcatel-Lucent, très orientée collectif, tâche aujourd’hui de favoriser le développement individuel de ses collaborateurs tandis que chez Orange, c’est exactement le contraire). Equilibrer court et long terme, innovation et tradition (la grande problématique de l’industrie du luxe), etc. Le numérique démultiplie l’action sur ces curseurs, mais c’est le manager qui est aux commandes.
Existe-t-il vraiment une fracture numérique de génération ?
S’il existe un facteur générationnel : on est né avec internet, les réseaux et le mobile ou bien avant et, en conséquence, il a fallu s’y mettre (ou pas !), le seul vrai clivage reste celui, classique, du système de valeurs personnelles. Vous avez des seniors très « réseau et coopération » et des générations Y voire Z conventionnels qui ne s’impliquent nullement dans le grand brassage numérique collectif. Rien de nouveau, les gens qui font évoluer la société demeurant cette fameuse tranche des « créatifs-culturels » qui doit tourner autour des 30 %.
Un parcours aussi atypique qu ’enrichissant
Après l’ENS (littéraire) et un passage à la LSE Carine Dartiguepeyrou, enthousiasmée par la chute du mur de Berlin, part 3 ans en URSS puis en Pologne « aider aux privatisations ». 8 années supplémentaires à Londres et elle rentre achever son doctorat en Sciences Politiques à la Sorbonne. Aujourd’hui prospectiviste positionnée aux confins de plusieurs domaines pour mieux « se recentrer sur l’humain », elle est présidente du Club de Budapest, membre du think tank « Futur numérique » de l’Institut Mines Télécom, (entre autres !) et vient de cosigner « L a métamorphose numérique » aux éditions Alternatives.
Son conseil :
« Multiplier les expériences et les voyages. Le job passionnant, c’est souvent à l’étranger qu’il se trouve. Et si une chose est sûre, c’est qu’on est de plus en plus citoyen du monde »
JB