« Je souhaite que l’INSA devienne l’une des 10 meilleures universités d’ingénierie au niveau européen. »
Eric Maurincomme, Directeur général de l’INSA de Lyon
Quelle est la philosophie propre à l’INSA de Lyon ?
La philosophie de l’INSA de Lyon repose sur une vision de l’ingénieur humaniste dont la formation doit comporter des matières nonscientifiques qui constituent 20 % de nos enseignements. Elles comprennent le sport, les langues, des cours d’humanité en lien avec la connaissance de soi ainsi que des enseignements d’exploration des sciences humaines et sociales en lien avec l’entreprise. La diversité de notre recrutement permet de bénéficier d’une « multiculturalité » que privilégient les entreprises. Nous évitons ainsi de dériver vers la seule reproduction des élites. A l’INSA, 35 % d’élèves boursiers obtiennent sans difficultés leur diplôme. L’apprentissage permet également de toucher un public qui souhaite entrer plus rapidement dans la vie active. A noter que nous ouvrons cette année une quatrième filière d’apprentissage. Dès la première année, nous comptons 25 % d’étudiants étrangers avec un certain nombre d’élèves mineurs. Les 81 nationalités qui se trouvent sur notre campus, permettent aux étudiants français d’évoluer dans un univers international qu’ils rencontreront plus tard dans leur entreprise.
Quelles sont vos actions destinées à réduire le déficit d’élèves dans les filières scientifiques et notamment le déficit de femmes ?
En termes d’attractivité, le groupe INSA bénéficie d’un vivier de 14 000 candidats dans dont une majorité de garçons. Si les filles représentent le tiers de nos effectifs, je souhaite atteindre les 52 % dans la décennie à venir. En effet, on trouve 50 % de filles en Bac S dont la moitié obtient une mention « très bien ». Nous essayons de les attirer dans le cadre de l’association « Elles bougent » qui consiste à se rendre dans les lycées pour expliquer ce que représente le métier d’ingénieur. De plus, nous avons institué le « marrainage » : des personnalités féminines occupant des postes importants dans les entreprises expliquent aux jeunes filles les métiers de l’ingénieure et cassent les images archaïques. Enfin, notre recrutement post-Bac ainsi que nos filières musique-études, théâtre-études, sport-études, art plastique-études et danse-étude permettent également de les attirer en associant les matières scientifiques à des domaines tout à fait différents
Les ingénieurs que vous formez, sont-ils ouverts à d’autres cultures que la culture scientifique ?
Je souhaite contribuer à former des ingénieurs qui deviennent en priorité des acteurs scientifiques et technologiques. S’ils veulentse tourner vers d’autres aspects de l’entreprise plus commerciaux, ils seront équipés des bases pour le faire. Nous ouvrons nos élèves à l’étude de l’entreprise, aux thématiques sociales, et à la culture. Nous avons la chance d’avoir un campus intégré dont les nombreuses associations prennent en compte la culture en dehors du seul cursus scolaire.
L’ouverture à d’autres publics que les élèves ingénieurs est-elle mise en oeuvre par l’école ?
Nous comptons 650 doctorants ainsi que des étudiants non ingénieurs qui poursuivent des études en masters de recherche. De plus, dans le cadre de la découverte de nouvelles matières ou pour faciliter leur reconversion, Environ 150 étudiants suivent des mastères spécialisés de la Conférence des Grandes Ecoles. Enfin, notre ouverture vers la cité de Villeurbanne, sociologiquement, socialement et économiquement très diverse, se traduit par des conférences et des expositions où nous accueillons tous les publics. L’école bénéficie, en outre, de lieux d’exposition.
Pour quelles raisons le cycle doctoral intéresset- il aussi peu les élèves français ?
Si 12 % de nos ingénieurs diplômés poursuivent leurs études comme doctorants, je souhaite doubler ce pourcentage, car il s’agit d’un investissement personnel qui accroit leurs compétences pour l’entreprise. 54 % de nos doctorants sont des étrangers. Nous essayons de montrer à nos élèves que les ingénieurs- docteurs réussissent mieux que d’autres dans leur vie professionnelle. offrons d’apporter notre touche « INSA » au doctorat (nous en diplômons 150 par ans). Toutefois, on constate que les PME et les ETI ont parfois des réticences à embaucher les docteurs. A nous de les convaincre avec notre nouveau label « Docteur pour l’entreprise ».
L’ouverture à l’international constitue-t-elle une priorité stratégique de l’école ?
C’est une priorité stratégique qui permet à l’INSA de se classer première dans les palmarès des écoles post-Bac françaises. En effet, nous recrutons pour plus de 80 % des bacheliers ayant obtenu la mention « très bien » avec des moyennes de 17/18 en math/physique. Le défi consiste à former des ingénieurs capables d’évoluer dans une Europe qui, avec ses 500 millions d’habitants, n’a jamais été aussi riche et bénéficie du plus grand marché économique et industriel de la planète. D’ailleurs, les ingénieurs choisissant un parcours extra-européen auront aussi à travailler avec les européens. Si les ¾ de nos étudiants passent un semestre à l’étranger, certains, comme les sportifs de haut niveau, ne le peuvent parfois pas et nous ne les forçons pas. Avec nos 20 laboratoires et nos 500 enseignants-chercheurs, nous nous assurons que les entreprises internationales viennent puiser chez nous l’innovation dont elles ont besoin. Nous encourageons nos professeurs à se rendre à l’étranger en intégrant des laboratoires internationaux pour une durée de plus d’un an. A terme, nous souhaitons accroître la mobilité de nos personnels techniques et administratifs en les détachants à l’international. Cela nécessite de conclure des partenariats très forts avec un nombre limité d’établissements. De fait, nous faisons partie des réseaux Unitech et Cesaer dans lesquels je m’implique fortement pour nouer des liens privilégiés.
La loi Fioraso va-t-elle avoir une incidence importante pour votre stratégie ?
La transformation des PRES en Communautés d’Etablissements ne va pas transformer de façon significative notre stratégie car nous travaillons déjà avec nos partenaires de la place lyonnaise, notamment dansle cadre de laboratoires communs avec l’école Centrale et les universités de Lyon. J’ajoute que l’INSA propose des cours et des parcours en anglais depuis 40 ans, ce que la loi Fioraso vient de rendre légal… Les partenariats que vous entretenez avec les grands groupes ont-ils une incidence sur vos relations avec les PME ? Si 51 % de nos diplômés travaillentdans les grandes entreprises, 49 % intègrent des ETI, PME ou TPE. On constate aussi que plus de 40 % de nos ingénieurs travaillent en région Rhône-Alpes ou, à côté des grands groupes nationaux et internationaux, existent de nombreuses entreprises de tailles diverses. Notre filière entrepreneuriat a pour effet que 9 % de nos diplômés travaillent dans des TPE qu’ils ont euxmêmes créées. Nous poussons les ingénieurs à prendre des risques et à faire ce qu’ils aiment. François Gabart en est un exemple emblématique. Si notre fondation partenariale fonctionne avec de grands groupes, nous essayons d’y attirer d’autres types d’entreprises. Enfin, nous gérons annuellementprès de 20 millions de contrats avec des entreprises partenaires.
Quelle est votre ambition personnelle pour l’INSA ?
Je souhaite que l’INSA devienne l’une des 10 meilleures universités d’ingénierie au niveau européen. Nous devons attirer de grandes entreprises pour faire de la recherche sur le campus, Si nous disposons déjà de 10 000 mètres carrés de bureau à travers notre filiale INSAVALOR, je souhaite augmenter cette surface. Nous venons de signer un partenariat important avec la société suédoise SKF qui va soutenir fortement nos investissements. Des sociétés extraeuropéennes sont également intéressées à s’installer chez nous. Pour permettre une meilleure visibilité des recherches effectuées à l’INSA de Lyon, nous déclinons nos activités en enjeux sociétaux parmi lesquels l’énergie, la société numérique, l’environnement, les transports et la mobilité et l’ingénierie pour la santé. Enfin, dans le cadre du Programme « Investissements d’Avenir », le campus que nous partageons à part équivalente avec l’université Claude Bernard Lyon 1, s’est vu attribuer plus de 360 K€ de dotation, ce qui nous permettra de réhabiliter plus de la moitié de nos surfaces d’enseignement et de recherche, autour de quartiers scientifiques. A l’horizon 2020, nos étudiants, enseignants, enseignants chercheurs, chercheurs et personnels administratifs et techniques retrouveront des conditions de travail optimal.
Patrick Simon