Forte de son autonomie et de son implication dans le PRES Paris Sciences et Lettres, l’Université Paris-Dauphine s’est engagée dans une nouvelle dynamique d’excellence. Son président, Laurent Batsch, n’est pas avare d’ambitions pour ses personnels, ses étudiants et ses partenaires.
L’Université Paris-Dauphine vit une petite révolution intérieure, comment la menez-vous ?
Notre université a beaucoup progressé ces trois dernières années. Je dois rendre hommage à la volonté de nos équipes, 500 enseignants permanents, plus de 1 000 vacataires et 430 personnels administratifs. Leur engagement a été stimulé par le passage aux responsabilités et compétences élargies. Nous avons réalisé un effort considérable sur la partie organisationnelle, certes peu visible et pourtant essentielle, notamment par une amélioration des fonctions supports et du système d’information.
Un président d’université n’est pas un « patron »
Quels sont les enjeux de cette évolution pour les équipes ?
Notre défi est d’accompagner et de maîtriser l’évolution de l’enseignement supérieur, et donc des personnels enseignants ou non-enseignants. Le profil des enseignants-chercheurs évolue avec une pondération renforcée sur leurs activités de recherche et une compétitivité intensifiée pour leur recrutement. Les enjeux de réputation et classement se sont drastiquement accrus. Nos personnels ne doivent en aucun cas subir cette évolution mais en être acteurs. Mon rôle est de dire quels sont nos objectifs et de faire partager une ambition commune : jouer dans la compétition internationale. Dans notre univers, les personnels sont statutairement libres, ils ne sont pas soumis à la relation hiérarchique, je ne suis pas « leur patron ». C’est un fantasme de penser qu’un président d’université peut imposer. Il fait avancer son organisation grâce à la conviction. J’ai la chance que le sentiment d’appartenance à Dauphine soit fort, qu’il existe une certaine fierté et une ambition partagée de faire partie des meilleurs.
Dauphine est chroniquement sous dotée par l’État
Dauphine dispose d’un budget de 85 millions d’euros, dont 26 % issus de ressources propres. Quels sont les enjeux de la diversification de vos ressources ?
Dauphine est chroniquement sous dotée comme beaucoup d’établissements petits ou jeunes. Si nous étions dotés à la mesure de grand établissement de la rive gauche, nous disposerions de 20 millions d’euros de plus par an. Ce handicap de financements publics ne se résorbera jamais. Nous devons donc aller chercher d’autres financements.
La Fondation Dauphine créée en 2008 est donc un vecteur essentiel de votre développement ?
En l’espace de deux ans, nous avons créé 8 Chaires avec des entreprises. Nous les entendons telles des programmes d’activités qui vont des études et recherches en passant par le financement de bourses doctorales, jusqu’au montage de formations et à la diffusion de connaissances. Les Chaires permettent à nos chercheurs de disposer de revenus complémentaires et nécessaires compte tenu des rémunérations à l’université.
Une nouvelle dynamique d’excellence
Dauphine est-elle une université d’excellence ?
Je revendique l’excellence en tant que marque de notre exigence de qualité et de progression. Dauphine est membre fondateur du PRES Paris Sciences et Lettres (PSL), qui a été élu initiative d’excellence (IDEX) lors de la première vague d’attributions en juillet. Une alliance c’est formidable, surtout quand elle réussit ! Et je dois dire que le jury international ne s’y est pas trompé.
Est-ce à dire que la puissance du projet PSL n’a pas toujours été bien comprise localement ?
Je le pense. Chacun des membres a son périmètre d’excellence, et est particulièrement tourné vers la recherche. Malgré ses 14 000 étudiants, PSL présente un taux d’encadrement très élevé. Il se caractérise également par de fortes identités qui partagent une vision commune de leur mission. Il n’y a pas de conflit disciplinaire, car notre complémentarité est entière. C’est la raison pour laquelle nous avons écarté d’emblée l’idée d’une fusion. Ce PRES est avant tout fondé sur un objectif : développer en commun des programmes scientifiques et de recherche et des formations. Nous nous sommes concentrés sur la construction d’une gouvernance forte. Notre structure permet une homogénéité des décisions et de cibler la qualité scientifique. Je pense que cela explique notre succès, et que notre énorme potentiel ait été bien compris par le jury international, ce qui n’a pas toujours été aussi clair auprès de ceux qui ont les yeux rivés sur l’espace français. Monter un tel projet suppose une certaine humilité et de travailler avant tout sur le fond.
Qu’en est-il du rapprochement avec l’IAE de Paris ?
Nous avons fait une réponse favorable à cette demande venue de l’IAE avec qui nous travaillons en bonne intelligence depuis longtemps. Notre objectif est de fonder un grand institut de formation continue. Les personnels de l’IAE vont également trouver à Dauphine un nouvel espace où déployer leurs compétences. Leur arrivée est prévue pour 2013 alors que l’ESIT, rattachée à Paris 3 et hébergée à Dauphine, aura déménagé à l’été 2012 ; et que notre pôle finance est désormais installé à la Défense.
Une évolution historique
Quels sont les enjeux pour Dauphine ces prochaines années ?
Le premier est bien sûr la réussite de PSL, qui doit nous permettre de figurer parmi les 20 plus grandes universités dans le monde. Avec un fort impact sur le recrutement de nos étudiants et enseignantschercheurs, nos formations et notre recherche. Il faut aussi mesurer la portée historique du changement. Paris-Dauphine a été indépendante durant 40 ans et devient au travers de ce projet, quelque chose comme la « Dauphine school d’une research university ». Notre second enjeu est de renforcer notre ouverture internationale. En atteignant une mobilité de 100 % pour nos étudiants, en internationalisant notre corps enseignant, et en parvenant à des relations privilégiées avec quelques partenaires. Cela en cohérence avec l’ambition de PSL. Enfin, qui dit évolution, dit accompagnement de nos personnels. Dauphine possède un potentiel considérable, qu’elle sous-estime parfois, il est plus que temps de le déployer et de le valoriser.
Dauphine est sélective et attentive
Quels sont les sujets de préoccupation de vos étudiants en 2012 ?
Ils sont très soucieux d’insertion professionnelle. Leur demande de suivre un cursus en apprentissage est croissante. Ils sont près de 600 dans cette filière sur 2 650 élèves en Master. Ils sont également demandeurs de réaliser une année de césure entre le M1 et le M2, car conscients que ne pas avoir cette possibilité, serait un handicap par rapport à d’autres formations. Nous avons confié à l’APEC la mesure de leur insertion professionnelle, qui reste excellente malgré la crise. Si nous la réalisions en interne, ce serait comme demander à un directeur financier de certifier les comptes de son entreprise !
En quel sens Dauphine est-elle une université sélective ?
Nous choisissons nos étudiants et nos étudiants nous choisissent. Nos étudiants sont à la fois excellents d’un point de vue académique et ont envie d’être ici. Nous les sélectionnons sur dossier, et ils nous choisissent en faisant un arbitrage avec les classes préparatoires. Ils ont envie de suivre une voie universitaire dans nos filières tout en bénéficiant d’un accompagnement personnalisé.
Deux pas en avant, trois pas en arrière
Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’enseignement supérieur en France ?
La loi sur l’autonomie des universités de 2007 signe la prise de conscience de l’internationalisation de notre secteur, et permet des réformes propres à favoriser les regroupements tout en modifiant notre gouvernance et la gestion des ressources humaines. Je considère le grand emprunt comme une excellente politique publique indissociable de notre capacité à relever les nouveaux enjeux. Je reste néanmoins « étonné » par des marques de régression dans la logique de l’autonomie, notamment l’arrêté licence passé en force. Ce recul témoignant des soubresauts d’une administration centrale qui tente de reprendre la main, ou d’une concession politique aux organisations étudiantes.
A quoi rêve Laurent Batsch pour la France ?
Qu’elle affronte la crise de la dette publique sans faux-fuyant, en prenant à temps des mesures fortes sur les dépenses et les recettes. En se gardant de toute démagogie protectionniste, de mesures de repli, par des décisions aussi néfastes à l’attractivité de l’enseignement supérieur que pour nos entreprises, que la circulaire Guéant.
Pour l’enseignement supérieur ?
Que son rôle dans le développement de la société et dans la croissance économique soit bien compris. De ce point de vue, le grand emprunt est un tournant très positif. Quant au système lui-même, je souhaite qu’il assume la diversité de ses missions, et qu’il positive la différenciation de ses institutions, cessant enfin d’opposer les universités entre elles.
Pour Dauphine ?
Qu’elle soit un élément moteur de PSL.
Et pour ses étudiants ?
Je leur souhaite de réussir aussi bien que la génération précédente, d’avoir une ouverture intellectuelle et culturelle encore plus grande, de profiter des fertilisations croisées avec les établissements de PSL, et d’être encore plus diversifiés socialement grâce à notre programme d’égalité des chances.
A. D-F
Contacts :
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