(c) Pierre Jayet

[Dans mon cours] Détecter les champions avec une compétition de « Live Business Case »

Dans la salle de classe contemporaine, force est de constater que la capture de l’attention des étudiants « hyper-connectés » demeure un sujet laborieux. Entre toutes les nouvelles méthodes d’enseignement, et face à un public d’étudiants technophiles de plus en plus distraits, il reste un principe primordial : dispenser un enseignement centré sur les besoins de l’apprenant.L’auteur est Michelle Mielly, Professeur Associé, DFR Hommes Organisations Société (HOS) Grenoble Ecole de Management

 

A Grenoble Ecole de Management (GEM) nous avons décidé il y a maintenant six  ans de créer un parcours d’apprentissage unique, le parcours Ulysse, pour tester ces méthodes. L’idée clé : apprendre à échouer dans un environnement protégé pour renforcer la connaissance de soi et pour mieux identifier les ressources que l’on possède dans une équipe de travail. Pour cela, nous faisons plancher les étudiants sur des « live business cases » ou « cas fil rouge ». Menés avec des entrepreneurs, managers, et d’autres acteurs des secteurs publics et privés, ces cas sont souvent menés en anglais, avec des partie-prenantes dans plusieurs pays avec des problèmes et défis organisationnels extrêmement variés. Jusque-là, rien de très différent d’un Live Business Case traditionnel, un format d’enseignement très apprécié par de nombreux professeurs et étudiants dans les écoles de commerce mais…

Nouveauté 2018 : les 35 étudiants ont été mis en concurrence !

Par équipe de cinq, ils ont dû trouver et proposer des solutions opérationnelles, durables, et innovantes afin de développer la marque et l’activité d’une entreprise locale, Novacteur. Basée à Chambéry, Novacteur est spécialisée dans la vente et la distribution de vêtements écoresponsables. La mise en compétition entre 7 équipes a révélé des qualités et capacités chez les étudiants jusqu’alors ignorées.  Certains introvertis, par exemple, ont fait preuve de leadership d’équipe ou ont amené un sujet particulièrement intéressant dans le projet.  Les étudiants dits « passagers clandestins », ces membres d’équipe qui ne contribuent pas suffisamment au travail collectif mais qui profitent des efforts des autres, ont été plus rapidement détectés et mis sur les rails de leurs responsabilités individuelles.  Ceux qui maîtrisaient bien l’anglais ont pu transformer leur rôle habituel dans le groupe, leur permettant un changement de posture grâce au changement de langue de travail. La compétition a donné du sens au mot « équipe » par la solidarité qu’elle requiert et la coopération qu’elle stimule. Sans parler du « sens » que donne l’objectif commun : décrocher un prix ! Cela a aussi poussé les étudiants à chercher des sources d’information hors les murs (consultants, journalistes experts, chercheurs, entrepreneurs). Ils ont dû oser se mettre en contact direct avec des personnes capables de les aider dans la recherche de savoirs pratiques.

Finalement nous avons dû choisir, avec difficulté, 3 équipes gagnantes :

Une pour la valeur pratique potentielle créée pour l’entreprise : grâce à cette équipe, l’entreprise a des actions immédiates à mener qui devraient porter leurs fruits dans la valorisation de l’activité et de la marque.

Une pour la nature innovante du projet : grâce à cette équipe, l’entreprise pourra prendre des directions insoupçonnées et se poser des questions intéressantes, prendre en compte une diversité de perspectives jusque-là ignorées

Une pour la nature pragmatique et innovante : cette équipe mariait les deux caractéristiques ci-dessus parfaitement et a cherché à impacter positivement l’activité avec ces deux composantes

De gauche à droite : Marie Ducroux, Clarisse Neyret, Matthieu Nowak, Aubrey Leonard et Louis Demonclin, étudiants de Grenoble Ecole de Management au sein du parcours Ulysse en compétition pour le meilleure « Live business case » avec Fabien BERGERON, Fondateur de la société NOVACTEUR

Le résultat ?

Des étudiants jusque-là silencieux, introvertis, même démotivés se sont montrés influenceurs sur certains sujets (finance, logistique, achats, marketing, communication).  Des étudiants restés dans l’ombre lors des travaux de groupe se sont vus pousser des ailes pour faire preuve de leadership à des moments clés du projet, souvent lorsque l’équipe commençait à s’essouffler.  Finalement, même au sein des équipes dans lesquelles l’alchimie n’a pas pris (voir même des équipes conflictuelles), les évaluations par les paires et les auto-évaluations que l’on mène post-projet ont révélé un certain nombre de leçons pour nous :

– l’autonomie offerte au cours du projet a obligé les étudiants à tester leurs propres limites « d’autodiscipline » et leur a appris, pour la première fois dans leur scolarité, à faire face à la solitude et à l’exigence du travail hors la salle de classe et au temps parfois long avant l’aboutissement d’un projet.
– L’obligation de débrouillardise et d’improvisation, de devoir se tenir face à soi, face à d’autres membres de l’équipe et face à la possibilité d’échec collectif dans la compétition a servi de moteur et d’impulsion.
– L’adversité reste toujours un facteur clé de motivation dans l’apprentissage par problème.  La compétition a ajouté un degré supplémentaire de difficulté, mais au lieu de les inhiber, elle les a plutôt stimulés.

 

Si vous avez laissé passer cet article la semaine dernière, voici un cours de rattrapage !

[Dans mon cours] Pour construire son projet professionnel, GEM mise sur le jeu ancestral du TAO