En 2013, moins d’un recruté sur quatre est issu d’une filière universitaire selon l’IMS-Entreprendre. Les managers et responsables RH soulignent un manque de professionnalisation des étudiants, une mauvaise lisibilité de l’offre de formation et un système de stage inadapté. Les Universités de Cergy-Pontoise, Bourgogne et Lille 1 nous confient leurs astuces pour approcher les entreprises.
L’UNIVERSITÉ DE CERGY-PONTOISE
ANNIE BELLIER, VICE-PRÉSIDENTE PROFESSIONNALISATION ET RELATIONS ENTREPRISES
En 2005, l’UCP devance la loi LRU de deux ans en créant son Service Commun Relations Entreprises Professionnalisation. Quel était votre but en instaurant ce service ?
Nous voulions centraliser les liens qui se s’étaient tissés avec les entreprises pour chacune de nos formations. L’UCP a été créée par les collectivités territoriales dans le but d’améliorer l’insertion professionnelle dans la région. Les relations avec les entreprises ont été inscrites dès le départ dans notre ADN. Ce service a permis de mieux structurer notre rapport au milieu professionnel et de développer nos partenariats.
Il y a 3 ans, l’université a créé une fondation avec ses partenaires. Quelle est sa vocation ?
La fondation est une nouvelle étape dans notre collaboration avec les entreprises. Elle nous a permis de mettre en place des programmes de recherche et de nouvelles Chaires. Nous avons aussi pu créer un système de mentorat et de bourses d’études, qui complètent les aides du CROUS par exemple. Ainsi, un cadre d’entreprise prend sous son aile un étudiant et le conseille sur son parcours universitaire et professionnel. L’étudiant peut observer le fonctionnement d’une entreprise dès sa première année à l’université.
L’UCP compte 10 % d’étudiants en apprentissage et contrats professionnels pour une moyenne nationale de 7 %. Comment expliquez-vous ce chiffre ?
L’université est implantée dans un territoire avec une importante mixité sociale : plus de 30 % de nos étudiants sont boursiers. En encourageant les contrats d’apprentissage, nous répondons à un réel besoin en les aidant à financer leurs études. Il est aussi la clé de l’insertion professionnelle, de plus en plus d’entreprises se tournant vers l’apprentissage pour recruter. Enfin, nous souhaitons développer le Doctorat en apprentissage, formule qui séduit notamment les PME.
Quels sont vos projets pour vous rapprocher davantage des entreprises ?
Dès cette rentrée, nous mettons en place des formations de courte durée afin de pallier les besoins de certains secteurs qui connaissent une pénurie de recrutement à Bac +2/3 tel que l’Aéronautique. Nous ouvrons en parallèle une licence professionnelle « Conseiller clientèle et gestionnaire du patrimoine » pour le secteur bancaire.
L’UNIVERSITÉ LILLE 1
FRANCIS GUILBERT, VICE-PRÉSIDENT RELATIONS EXTÉRIEURES, ENTREPRISES ET COMMUNICATION
L’université Lille 1 propose plus de 100 formations en alternance, coordonne 4 500 stages chaque année et ouvre ses cours à de nombreux professionnels. Votre université a-t-elle toujours été aussi proche des entreprises ?
Nous développons des partenariats avec le monde professionnel depuis une vingtaine d’année. En tant qu’université de sciences et technologie, cela fait partie de notre vocation. Mais ces liens n’ont jamais été aussi intenses qu’aujourd’hui. Nous nous devons d’être le plus proches possible des entreprises pour maintenir le très bon taux d’embauche de nos étudiants. Pour répondre aux besoins des entreprises, nous n’hésitons pas à organiser différents événements comme des forums emploi, des conférences métiers ou même une semaine entrepreneuriale.
Depuis 2002, 40 start-up ont été créées avec le soutien de l’université. L’entrepreneuriat est-il au coeur de votre stratégie ?
En effet, nous pensons qu’il est fondamental d’encourager l’entrepreneuriat puisque c’est ce qui génère l’emploi de demain ! Nous avons noué un partenariat avec la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) Grand Lille. Ensemble, nous organisons tous les ans les soirées de « l’étudiant créateur ». Elles sont l’occasion pour des étudiants de toutes filières de découvrir les différentes contraintes du marché et de développer leurs capacités en management et en gestion. Les professionnels sont nombreux à nous faire l’honneur de venir partager leur expérience. De plus, nous définissons chaque année avec la CCI les secteurs à privilégier pour nos 40 laboratoires de recherche afin de toujours répondre à la demande de nos partenaires.
Quelles sont vos ambitions pour l’avenir ?
Le projet Learning Center Innovation initié cette année apportera une autre dimension à la recherche de notre université. En transformant nos bibliothèques à l’horizon 2016, ce projet a pour but de centraliser toutes les ressources numériques et acteurs de l’innovation. Il participera très certainement au renouveau du campus. Il est probable que les universités de Lille soient amenées à fusionner dans 3 ou 4 ans. Avec cette association, nous pourrons former un réseau de 500 000 anciens élèves. En mobilisant cette énergie, il sera possible d’obtenir un soutien financier et humain pour rapprocher l’université des entreprises et faciliter l’accès de nos étudiants au marché de l’emploi.
Les médias évoquent souvent une méfiance mutuelle entre les universités et les entreprises. Quel est votre point de vue ?
À Lille 1, nous ne pensons pas qu’il s’agisse de méfiance. Mais il y a une véritable nécessité d’apprendre à se connaître. Ces deux acteurs ne se sont pas encore totalement compris car ils n’ont ni les mêmes objectifs ni les mêmes attentes. Pourtant, universités et entreprises contribuent au bien être de l’individu et au développement économique et social de notre pays. Il est essentiel qu’elles deviennent progressivement complémentaires.
L’UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE
MURIEL HENRY, DIRECTRICE DU PÔLE FORMATION ET VIE UNIVERSITAIRE
Dès 2007, l’université de Bourgogne a mis en place une Plate-Forme Insertion Professionnelle faisant à l’époque figure de pionnière. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Cette dynamique s’inscrit dans un contexte dans lequel à l’uB, les équipes travaillent directement avec les entreprises bourguignonnes pour évaluer les secteurs d’activité clés, ceux qui embauchent aujourd’hui, ceux qui embaucheront demain. Nos formations sont construites avec les milieux professionnels. Par exemple, des responsables qualité sécurité environnement, un métier recherché, nous en formons depuis 20 ans avec notre Master consacré, QESIS ». Dans le secteur du nucléaire, un Master vient d’ouvrir en lien direct avec Areva: le Master professionnel Procédés, Contrôles, Matériaux Métalliques, Industrie du nucléaire (PC2M), unique en France, forme les futurs cadres dans l’ingénierie des composants pour l’industrie nucléaire. En outre, cette volonté de former les professionnels d’aujourd’hui et de demain se retrouve également dans les volets formation continue et en alternance de l’université. Plus de cinquante formations en alternance sont proposées accueillant plus de 1000 alternants, dont 500 en apprentissage entre bac + 2 et bac +5. 3000 salariés en poste font aussi un détour par l’Université chaque année. Enfin, plusieurs milliers d’étudiants font des stages dans les entreprises y compris en licence.
Quel est le rôle du Pôle Formation et Vie Universitaire ?
Ce service dirige un ensemble d’ateliers aidant nos étudiants à rédiger leurs CV, à mener un entretien d’embauche, à valoriser leurs compétences, à comprendre l’importance d’entretenir un réseau professionnel, etc. À ceci s’ajoutent des rencontres organisées avec des professionnels tout au long de l’année. Nos étudiants ont l’occasion d’échanger avec eux, d’apprendre à connaître des entreprises moins connues que d’autres et de prendre conscience des secteurs porteurs. À travers ce Pôle, nous offrons aussi la possibilité à nos étudiants en licence générale de suivre une Unité d’Enseignement (UE) « Comprendre un milieu de travail ». Elle leur permet d’intégrer une entreprise durant un mois en tant qu’observateurs et d’en découvrir le fonctionnement. Ensuite, ils doivent présenter un rapport d’étonnement devant un jury composé de professeurs et de professionnels. Ils sont très demandeurs de profiter de cette opportunité, surtout en 3e année.
L’an dernier, vous avez créé un réseau social propre à l’université : UbLink. Quel est votre objectif en proposant ce service ?
Nous voulons faciliter les échanges entre étudiants, anciens et entreprises tout en suivant l’évolution des pratiques de l’ensemble de la population. Avec le développement du Web 2.0 depuis 2009, nous avons jugé le moment approprié pour réaliser ce projet. Avec UbLink, nos étudiants ont l’occasion de demander des conseils aux anciens élèves pour mieux définir leurs projets professionnels. De leur côté, les entreprises peuvent déposer des offres de stages ou d’emplois dans un espace qui leur est dédié. C’est une autre façon pour elles de présenter leurs activités et de gagner en visibilité auprès de nos étudiants. Si UbLink est actuellement centré sur la recherche d’emploi, nous souhaitons l’ouvrir prochainement aux autres dimensions relatives au bien-être des étudiants comme la Vie étudiante.
Simon Sénot