En France, comme dans d’autres pays, les débats de la transition énergétique, polarisés sur le nucléaire et les renouvelables, tendent à réduire l’énergie à sa seule composante électrique. Certains enjeux majeurs sont ainsi masqués. Les entreprises ont à prendre des décisions vitales ; les jeunes ingénieurs sont confrontés à des choix d’orientation. Tous ont besoin d’une vision précise des mutations en cours, des opportunités ou des risques potentiels. – Par Bernard Bourges, professeur à l’école des Mines de Nantes
Les défis de la transition énergétique
Transformer à moyen terme nos sources d’énergie en abandonnant les énergies fossiles carbonées ! C’est le grand défi de l’effet de serre anthropique. Mais les énergies fossiles sont loin d’être épuisées : nous devons traiter l’urgence climatique malgré des ressources carbonées encore abondantes.
Les limites des solutions focalisées uniquement sur les sources d’énergie
Les énergies renouvelables vues comme solution unique ont cependant des limites :
• Face à la croissance des pays émergents, il faudrait multiplier par 25 ou 30 la production des énergies renouvelables
• Les renouvelables ne sont pas infinies ; faible densité et intermittence restent des contraintes fortes
• Outre l’électricité, les transports et les usages thermiques affrontent des défis de décarbonisation d’ampleur analogue
Des transitions énergétiques multiformes
Le déploiement massif des énergies renouvelables ne suffira pas pour diviser par 4 les émissions de CO2 des pays industrialisés (le « facteur 4 »). Une combinaison d’actions menées tout au long des chaines énergétiques, depuis les besoins jusqu’aux sources, à toutes les étapes de transformation, peut seule apporter des solutions pérennes. Les besoins constituent un puissant levier d’action à travers l’efficacité énergétique, la sobriété, la mutualisation et d’autres transformations des usages. Les pratiques collaboratives impulsées par la révolution numérique en donne une idée. Les technologies jouent un rôle clé mais ne peuvent pas tout. L’accent sur les usages met en exergue l’importance des comportements et le rôle central des consommateurs-citoyens.
Une forte dimension territoriale
Valorisation des ressources locales et actions sur les usages font ressurgir la dimension territoriale. Des solutions spécifiques sont à construire en fonction du contexte et de l’ensemble des enjeux énergétiques ou non d’un territoire. Mais l’existence de réseaux et de marchés intégrés à grande échelle et la dimension mondiale des technologies demeurent prégnantes ; de nouveaux mécanismes de subsidiarité sont à imaginer.
Le rôle de l’ingénieur dans la transition énergétique
Ce défi majeur des 40 prochaines années, ouvre des opportunités nombreuses aux jeunes ingénieures. Toutes les disciplines sont mobilisées, pour concevoir ou piloter les solutions technologiques. La transition énergétique s’inscrit dans une transition écologique plus vaste. Elle entre en résonance avec d’autres mutations en cours, comme le numérique ou la mondialisation. La capacité des jeunes ingénieurs à établir des ponts entre disciplines techniques parfois éloignées et à maîtriser les dimensions humaines et sociales des technologies seront des atouts essentiels.
Bernard Bourges coordonne actuellement la réalisation du Mooc Transitions énergétiques de l’Institut Mines-Télécom, dont la première session est prévue début 2017
Contact : bernard.bourges@mines-nantes.fr