Co-construction stratégie parties prenantes

Co-construction de la stratégie par toutes les parties prenantes de l’entreprise : dilution ou renforcement du rôle du leader ?

La co-construction de la stratégie par la prise en compte de toutes les parties prenantes fait évoluer le rôle du dirigeant. Il doit, à la fois, savoir intégrer les différents points de vue à sa réflexion et à sa prise de décision. Il doit aussi convaincre ces mêmes parties prenantes du bien-fondé de ses choix pour assurer la réussite de sa stratégie et de son organisation.

La notion de « co-construction » renvoie à l’idée de création conjointe, d’un projet collectif impliquant l’ensemble des parties prenantes. Ces dernières années, le terme est devenu à la mode et a pris une place importante dans le fonctionnement des organisations et des entreprises.

L’analogie avec la politique et la démocratie participative

Ce phénomène de co-construction n’est pas sans rappeler le concept politique de démocratie participative. A ce sujet, attardons-nous sur le cas de Benoit Hamon, candidat du parti socialiste à l’élection présidentielle de 2017. Lors de la campagne électorale, Hamon se positionne comme un candidat porte-parole de positions construites collectivement et vante une démocratie participative et citoyenne. Son approche semble dans l’air du temps et son positionnement parait répondre aux aspirations de la grande majorité des gens. Pourtant, il n’obtient finalement que 6,35 % des suffrages et est éliminé dès le 1er tour de l’élection présidentielle. Au-delà des éléments de programme et de dynamique qui peuvent expliquer cette issue, son échec semble montrer que les Français privilégient et plébiscitent avant tout des leaders qui sauront assumer leurs décisions et leurs responsabilités.

Ce paradoxe qui consiste à vouloir donner et prendre en compte l’ensemble des points de vue mais à s’en remettre à un chef inspirant et charismatique qui saura trancher et donner un cap quand les opinions divergent se retrouve assez logiquement en entreprise quand il s’agit de co-construire une stratégie impliquant l’ensemble des parties prenantes.

La principale différence avec la sphère politique réside dans le fait que le dirigeant n’est pas choisi par l’ensemble des parties prenantes. Ce qui lui donne au départ une légitimité moins affirmée. Cela lui permet aussi de ne pas avoir de compte à rendre à toutes les parties prenantes sur une stratégie à suivre et à appliquer dans la mesure où il ne s’est pas engagé vis-à-vis d’elles.

La co-construction de la stratégie en prenant en compte toutes les parties prenantes existe-t-elle vraiment ?

La principale clé consiste surtout à savoir si la co-construction de la stratégie par toutes les parties prenantes de l’entreprise débouche sur une dilution ou sur un renforcement du rôle du leader et du dirigeant. En réalité, les recherches ont démontré que ces exercices de co-construction reflètent généralement une vision idéalisée du fonctionnement des organisations qui s’apparente souvent plus à un travail de coopération principalement basé sur des consultations.

Au-delà de cet aspect qui n’est pas simple à résoudre et qui pose la question de la méthodologie à adopter et de l’existence même d’une véritable co-construction, le principal défi pour le ou les dirigeants de l’entreprise va aussi consister à bien identifier l’ensemble des parties prenantes et à s’assurer de la légitimité de leurs représentants. Entre parties prenantes internes et parties prenantes externes, l’exercice n’est pas simple. Surtout la diversité de ces parties prenantes et la complexité grandissante de l’ensemble des éco systèmes à appréhender, en particulier dans un monde globalisé et digitalisé et en proie à une pandémie mondiale, est à considérer et illustre les limites potentielles de ce type de pratique. D’autant plus s’il s’agit de stratégie, une discipline qui demande une compréhension de l’environnement et une prise de distance qui exige temps et expérience.

Evolution du rôle du leader

Finalement, cette aspiration à une construction collective de la stratégie n’a pas dilué ou renforcé le rôle du leader : elle l’a fait évoluer. Au-delà de sa capacité à entendre et à prendre en compte les messages des parties prenantes, c’est surtout celle de les convaincre du bien-fondé de ses choix et de son positionnement stratégique qui va déterminer la réussite de son organisation et de son action.

Co-construction stratégie parties prenantes

L’auteur est Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie, INSEEC Grande Ecole