ENQUÊTE LE POSITIONNEMENT D’UNE MARQUE
Directeur Général Marketing et communications consommateurs chez Nestlé depuis 2006, après une longue expérience chez Procter et Gamble, Jérôme François (ESCP Europe 88) est sans aucun doute expert en marketing de la marque. Il a répondu aux questions de Marketing Grandes Ecoles.
Qu’est-ce qu’une marque ?
C’est l’élément sur lequel s’attache la confiance du consommateur, au delà du produit. Au début, il n’y avait que les produits. Et puis, soucieux que la qualité du produit A soit reconnue par rapport à celle du produit B, les industriels ont donné naissance au concept de marque : ce qui distingue un produit d’un autre, et qui est propre à recueillir au minimum la confiance du consommateur, au maximum sa recommandation.
Quelles évolutions historiques le marketing de la marque a-t-il connues ?
La grande évolution, c’est le passage d’un marketing descendant à un marketing relationnel. Jusqu’il y a vingt ans, c’était la marque qui parlait au consommateur, c’était l’ère des mass media. Le diffuseur émettait son message et le consommateur ne donnait pas son avis. Or, de plus en plus, la marque et le consommateur parlent au même niveau : c’est le marketing relationnel. Aujourd’hui, ce n’est même plus relationnel, c’est conversationnel : le consommateur est appelé à commenter, dialoguer. La bonne marque, c’est celle qui entretient la conversation à son sujet, même si elle n’y participe pas, et qui surveille ce qui se dit. Certains se demandent même si le terme marketing est toujours adapté, parce qu’il est un peu agressif, et parlent donc de consumer intelligence.
Et quelles évolutions futures peut-on attendre ?
C’est difficile de prévoir parce que cela dépend beaucoup de la technologie. Mais je pense que les marques resteront importantes. Avec la crise, le stress (…) les consommateurs ont presque plus besoin qu’avant de cette confiance : avant elle venait du produit, il fallait que le café Nescafé ait toujours le même goût. Maintenant, elle découle de la personnalité de la marque, que l’on doit voir comme une amie.
Quels sont les défis auxquels Nestlé est confronté dans la gestion de ses marques ?
Nous avons 80 marques en France donc il faut faire des choix. Nous avons des moyens divers : nous ne pouvons pas amener les 80 marques en télévision, en presse… Et puis, nous sommes limités de façon financière, à la différence de ceux qui possèdent une seule marque sur laquelle ils peuvent tout miser. De plus, se pose la question du retour sur investissement en termes d’argent ou de temps. Par exemple, si nous créons une page Facebook, est-ce que nous aurons le temps de nous en occuper ?
Quelle différence entre Nestlé et les autres marques du groupe ?
Nestlé est la marque mère, les autres sont les marques filles. Si une marque appartient au groupe Nestlé, sont plus proches de l’ADN de Nestlé comme celles qui contiennent Nestlé dans leur nom (Nestlé dessert, Nestlé bébé…) ou celles qui ont récupéré le préfixe de Nestlé (Nespresso, Nesquik…). Et puis il y en a qui sont plus éloignées : Ricoré, Maggi, Perrier, Herta…
Dans quelle situation est-il plus intéressant d’apparaître sous la marque mère Nestlé, ou à l’inverse de mettre davantage en avant la marque fille ?
Cela dépend de la place de la marque fille dans la photo de famille, et de l’influence des valeurs Nestlé sur l’acte d’achat. Par exemple, sur les paquets de Buitoni, Nestlé est inscrit derrière, parce que la nutrition équilibrée n’est pas un argument premier quand on achète une pizza. En revanche, Nestlé apparaît devant sur les paquets de Nesquik parce que cela peut rassurer la maman qui se dira que certes, c’est une poudre chocolatée, mais c’est bon pour la santé.
En conclusion, pour vous, qu’évoque la marque Nestlé ?
C’est la nutrition qui ne nie pas le plaisir, qui dit qu’il faut manger de tout, de façon équilibrée. Et il se trouve que c’est très d’actualité. Mais si Nestlé avait pris le parti du tout plaisir, nous aurions peut-être perdu en crédibilité. Par ailleurs, Nestlé, c’est aussi la proximité. Nous accompagnons les familles tout au long de leur vie avec les petits pots quand ils ont un bébé, le Nesquik quand ils sont enfants, les céréales quand ils sont ados (etc.), le tout avec une vraie discrétion.
Claire Bouleau