Expert en géopolitique, fondateur de l’Observatoire Européen de Géopolitique, enseignant passionné de transmission ayant créé dans ce but l’émission-phare « L e dessous des cartes » sur Arte, Jean-Christophe Victor évoque sa passion et nous donne quelques (bonnes) nouvelles du monde…
Qu’est-ce qui vous a insufflé cet amour des cartes et de la géopolitique ?
C’est vrai qu’au départ, j’ai une formation d’ethnologue et non de géographe. Mais il se trouve que, très jeune encore, j’ai pas mal voyagé et dans des pays pas forcément « faciles » comme le Népal et l’Afghanistan où la géographie détermine bien des choses. Et puis, je suis un marcheur qui traverse donc l’espace en restant relié au temps humain, local ; une approche à hauteur d’homme qui vous pousse à vouloir en savoir davantage. Enfin, fils de l’explorateur Paul-Emile Victor, j’ai été élevé dans un univers peuplé de mappemondes et de cartes ; cela vous marque, vous inspire…
Quel est le but de cet ouvrage, déclinaison papier de la passionnante émission que vous avez créée et animez sur Arte depuis 10 ans ?
Le but est de permettre aux gens de découvrir une perspective de ce qui se passe dans le monde sur le long terme. On vit aveuglé par une information quotidienne qui part dans tous les sens et n’en n’a aucun. En s’intéressant aux mouvements longs, on tire en revanche des conclusions essentielles à notre devenir, comme le fait que le basculement de l’hégémonie du monde occidental vers l’Asie s’est déjà opéré et nous vivons désormais dans un monde asiatico-centré comme le rappelle actuellement taux de croissance ou données sur l’énergie. On nous fait confondre l’immédiat et l’important quand il est capital que les jeunes générations ouvrent les yeux sur le monde réel.
Vous connaissez forcément le vieil adage : « la carte n’est pas le terrain ». Que nous révèlent les cartes et que nous cachent-elles ?
Les cartes servent à se déplacer et à spacialiser les données, à comprendre le fonctionnement des choses à différentes échelles, mais elles demeurent, en effet, une traduction de la réalité. Ce qu’elles cachent ?, La dimension temporelle, bien entendu : l’Histoire ! second élément du passionnant couple fondateur Histoire-Géographie. Et c’est pour cette raison (parce que les cartes ne disent pas tout) qu’il est si important de faire aussi du terrain.
Vous dites qu’il est temps de se poser la question de savoir si le monde ne va pas mieux. Qu’est-ce qui vous rend si optimiste ?
Il ne s’agit pas d’optimisme, mais, au-delà de l’avalanche de mauvaises nouvelles qu’on déploie sous nos yeux, d’arriver à percevoir la réalité de ce qui va bien sur le long terme et qui donc, n’étant pas de « l’actualité », reste ignoré des médias : des faits, chiffres, constats. Pour ne citer que les plus importants : la diminution du nombre et de l’importance des conflits ; idem, depuis 15 ans ! du nombre de « pauvres » vivant avec moins de 2$/jour ; l’augmentation continue, au contraire, du nombre d’enfants scolarisés, même les fillettes ; les budgets de santé publique et l’espérance de vie qui ne cessent de croître et, comme petit dernier, l’accès à la connaissance démultiplié, le monde étant devenue une bibliothèque en ligne ouverte à tous et… gratuite !
« Le dessous des cartes »
Dans cet ouvrage inspiré de son émission, Jean-Christophe Victor nous invite à saisir la complexité du monde. Face au redéploiement des rapports de force par l’économie, la crise de l’environnement et une mondialisation qui n’a rien de mondiale, cet ouvrage offre un tableau intelligent et… intelligible du monde. Passionnant.
Chez Taillandier. 224 pages, + de 150 cartes et graphiques. 14,90 €