Quels sont les rouages de la quête immuable du meilleur candidat ou poste ? Si le taux de chômage des cadres est faible, le dernier baromètre APEC est nuancé. En effet, l’insertion des jeunes est en amélioration sans toutefois rattraper le niveau d’avant la crise. La relation emploi recruteur serait-elle réduite à un rapport de force ? Le socle temps, compétences et besoins offre un éclairage sur un recrutement réussi.
S’adapter à leur rapport au temps
Le temps de l’étudiant est asynchrone à celui du recruteur. Il vit à un rythme étudiant qui lui appartient et qui rime avec immédiateté. Le recruteur vit un temps autre, celui de l’entreprise, de ses obligations et de ses cycles. Si les étudiants ont été assidus aux événements carrières en 2020 et 2021, ils ne le sont plus en 2022. Lors des rencontres étudiantes, les professionnels observent des taux de désistements atteignant 60 %. Les futurs diplômés examineraient-ils le mouvement de « la grande démission » constatée aux Etats-Unis ? Chercheraient-ils un sens à leur futur emploi, en s’inspirant de David Graeber qui décrit dans son livre « bullshit jobs » la superficialité des emplois de bureau ? Serait-ce la perte de sens analysée par Jean-Laurent Cassely dans « La révolte des premiers de la classe » ? Pourtant, les études montrent qu’ils s’insèrent et sont satisfaits. 94 % diplômés d’une grande école le disent (enquête emploi ESSEC). Les entreprises les convainquent lorsqu’ils sont prêts. L’enjeu serait donc de s’adapter à leur rapport au temps.
Le pouvoir de la compétence transférable
Les compétences constituent la seconde base du triptyque recrutement. La compétence naît de l’expérience qui ancre les connaissances, les intérêts, les motivations, les potentialités, les traits de personnalité et les valeurs. Si les compétences techniques (liées à des tâches) sont facilement identifiables et évaluables, il est plus ardu de définir et d’évaluer les compétences comportementales autrement appelées « soft skills ». Ce sont celles qui différentient les candidats. Les réformes successives engagées par les pouvoirs publics renforcent le pouvoir de la compétence en imposant notamment l’inscription des diplômes de l’enseignement supérieur au RNCP.
Côté recruteur, certaines entreprises ou secteurs dont la finance et le conseil ont défini des processus de recrutements précis. D’autres secteurs améliorent leurs processus pour fluidifier le temps du recrutement et pour offrir plus de clarté. A l’entreprise de décrire précisément les compétences recherchées avec des verbes d’action et un contexte de mise en œuvre. A nous écoles et universités d’éduquer les étudiants afin qu’ils caractérisent précisément leurs compétences. Car celles-ci sont transférables et permettent à l’entreprise d’élargir son vivier.
Réconcilier des besoins pour un recrutement réussi
Enfin, un recrutement c’est réconcilier deux besoins. Celui de l’entreprise et celui du candidat. La recherche du candidat idéal et de l’entreprise idéale sont – à condition de transparence et d’honnêteté – les objectifs de tous les acteurs. Les besoins de l’entreprise doivent se conjuguer avec les attentes et les besoins des candidats. Les études montrent qu’ils sont à la recherche de sens, d’équilibre et d’autonomie. Pour satisfaire ces envies certains jeunes cherchent ailleurs leur avenir professionnel. Le documentaire « Ruptures » réalisé par Arthur Gosset présente des jeunes qui reprennent leur temps et leur liberté pour vivre une autre expérience loin des cursus tracés par leurs études. Les entreprises rivalisent d’idées pour montrer le meilleur d’elles-mêmes. En intégrant l’autonomie, le sens et l’équilibre, les entreprises retiendront ces profils qualifiés qui n’hésitent pas à changer d’emploi ou à « slasher » pour vivre plusieurs expériences en parallèle. Enfin, les établissements supérieurs se mobilisent pour incarner l’ouverture, l’égalité des chances, le respect d’autrui et des actions environnementales. Les entreprises sont également engagées cependant, elles doivent désormais apporter des preuves tangibles qui dépassent les campagnes de recrutement.
Plus que le pouvoir et le rapport de force, la clé d’un recrutement réussi est sans doute la recherche de l’équilibre entre le triptyque temps, compétences et besoins. Les écoles et les universités ainsi que les entreprises ont une grande responsabilité dans la formation et l’accueil des nouvelles générations qui cherchent à trouver leur place.
L’auteur est Claire Tagand Battard, Director Career Services ESSEC – Alumni Talent Maganer in residence ESSEC Ventures – ESSEC Business School
Avant de rejoindre l’ESSEC en qualité de Directeur des Career Services, Claire a créé et dirigé un cabinet de conseil après avoir travaillé en qualité de Directeur des Ressources Humaines et Directeur régional de la formation dans le secteur des services et de la gestion immobilière. Son expérience lui permet d’évaluer, d’identifier et d’accompagner les managers. Son engagement professionnel dans une entreprise internationale et dans des entreprises de tailles moyennes lui permet d’intervenir en prenant en compte la dimension stratégique et managériale de chaque entité. Claire accompagne et travaille aux côtés d’entrepreneurs innovants depuis 15 ans. Sa connaissance des étapes de la création d’entreprise, la vision transversale et globale de l’entreprise innovante lui ont permis d’évaluer et d’accompagner plus de 600 startups. Elle intervient auprès des fondateurs et de l’équipe. Claire est passionnée par le positionnement professionnel, le travail en équipe, l’entrepreneuriat et l’innovation.