Le président de la CGE défend la place des grandes écoles dans les COMUE

Philippe Jamet, président de la CGE

Alors que les Communautés d’Universités et d’Etablissements (COMUE) issues de la loi du 22 juillet 2013 dite « Fioraso », sont en formation, le président de la Conférence des Grandes Ecoles Philippe Jamet a adressé le 6 juin un courrier à la Secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche. Il exprime les préoccupations de nombreux directeurs d’écoles qui, depuis les consultations en vue de la loi sur l’enseignement supérieur et aujourd’hui son application, ont le sentiment de ne pas être consultés voire inclus dans les discussions sur la formation des COMUE de leurs territoires. La loi affiche pourtant l’objectif de faire émerger « des projets partagés ».  Le détail dans la lettre adressée par M. Jamet à Mme Fioraso, en prévision de leur entretien prévu le 1er juillet prochain.

Madame la Ministre,

Le processus de mise en place des regroupements de sites instauré par la loi du 22 juillet 2013, notamment les Communautés d’Universités et d’Etablissements (COMUE), a été suivi avec grande attention par les Grandes Écoles, à travers leurs représentations nationale (CGE) et régionales.

Plusieurs projets de statuts de COMUE ont été récemment adressés à votre Ministère. Ils présentent des différences significatives, tant dans la lettre des textes que dans l’esprit collaboratif qu’ils traduisent. Alors que le législateur et vous-même avez souhaité laisser une grande latitude aux acteurs, il apparaît que certaines des interprétations de la loi conduisent à ériger des structures peu propices à l’émergence de projets partagés et ambitieux associant le plus grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur.

Tout d’abord, la méthode adoptée pour la rédaction des statuts semble contestable. Un sondage récent indique que plus des trois-quarts des Écoles membres de la CGE souhaitent participer à ces regroupements. En revanche, plus de la moitié d’entre elles estime ne pas avoir été consultée. Pour elles, le processus d’élaboration des statuts n’était ni fédérateur, ni transparent.

L’analyse de douze projets portés à notre connaissance illustre bien le traitement variable réservé aux Écoles dans cette phase de concertation. En région parisienne, elles ont été parties prenantes des débats ; ailleurs, les réalités sont contrastées. Alors que les PRES avaient permis à des établissements divers d’acquérir une culture de travail commune, la dynamique actuelle s’apparente à une régression. Des questions de forme prennent le pas sur les débats de fond, notamment sur les périmètres des regroupements, ceci au détriment de l’élaboration concrète du « projet partagé ».

Dans ces conditions, le processus d’élaboration des statuts de COMUE a principalement consisté à échafauder des organisations complexes, dont la principale justification, selon nous discutable, réside dans l’espoir que taille et structure sont des conditions suffisantes de l’efficacité et de la visibilité. Notre conviction est qu’une des clés du succès des regroupements de sites, se trouve dans des statuts permettant de valoriser la diversité des établissements et d’instaurer des modes d’organisation et de représentation garantissant réactivité, cohérence et pérennité des décisions, des principes qui inspirent avec succès les gouvernances des Écoles.

Certaines dispositions et formulations relevées dans les projets de statuts nous éloignent pour l’instant de cette cible. A titre d’illustration, alors qu’agilité et adaptabilité apparaissent nécessaires pour que les regroupements de sites prennent toute leur place dans un environnement mondialisé, les règles d’unanimité ou de veto parfois proposées pour les régir renforceront leur inertie.

De même, il est déraisonnable de stipuler qu’une « COMUE s’organise autour des six universités [….] qui portent l’ensemble des missions de la communauté », qui plus est dans une région où les autres établissements sont puissants et renommés. Un tel principe n’est ni conforme à la loi, ni propice à l’intérêt général que celle-ci veut justement promouvoir.

Enfin, un autre projet de statut prévoit que « seuls des établissements publics peuvent être membres de la COMUE ». Cette exclusion revendiquée des structures de droit associatif, consulaire ou privé semble contraire à l’esprit de la loi du 22 juillet 2013 qui instaure les Établissements d’Enseignement Supérieur Privés d’Intérêt Général. L’absence d’acteurs de premier plan au motif de leur seul statut, est contraire aux intérêts mêmes du site et semble contredire les fondements du droit européen.

Ces quelques exemples montrent qu’un travail en profondeur, conduit dans un cadre collectif enfin approprié, doit être encore entrepris pour parvenir à des projets de statuts permettant aux regroupements de sites de constituer une réelle valeur ajoutée.Les établissements de la CGE sont pleinement mobilisés pour contribuer à ce travail. L’urgence ne saurait être invoquée sur des questions aussi importantes pour l’avenir de notre enseignement supérieur. Il serait au contraire à redouter que toute précipitation dans la conclusion de la dynamique collective ouverte par la loi du 22 juillet 2013 ne produise à terme des effets contreproductifs.

Il nous semble donc souhaitable que votre Ministère desserre la contrainte temporelle qu’il a fixée pour la définition des projets de regroupements et rappelle les acteurs à l’exigence d’une véritable démarche collective de réflexion et d’élaboration de ces projets.

Nous transmettons parallèlement à votre Cabinet une note de synthèse technique issue d’une revue plus précise des projets de statuts particuliers. Nous ne manquerons pas d’évoquer ces sujets à l’occasion de l’entretien que vous nous accordez le mardi 1er juillet prochain.

Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

Philippe JAMET
Président de la Conférence des Grandes Ecoles