« Suivant les normes internationales de l’OMS, le handicap concerne 15 % de la population mondiale soit un milliard d’individus, 80 % des personnes handicapées vivant dans les pays en développement. »
Jean-Baptiste Richardier, Directeur Général et co-fondateur de Handicap International
Quels sont les types de handicaps que vous rencontrez le plus souvent dans votre action ?
Multiples, ils concernent des populations et des risques très différents. Les chiffres sont éloquents. 200 millions d’enfants de moins de cinq ans n’atteignent pas leur potentiel sur le plan cognitif et socio-affectif. Si 30 % des enfants des rues sont handicapés, on note une mortalité de 80 % des enfants handicapés. Les conflits de la décennie passée ont tué 2 millions d’enfants, laissant 10 millions d’enfants handicapés sans compter les adultes. 350 millions de personnes éprouvent des troubles de la vue. Chaque année, 20 millions de femmes connaissent un handicap à la suite d’une grossesse ou d’une naissance. On compte plus d’un million de nouvelles amputations dues au diabète chaque, 366 millions de personnes étant diabétiques. Si plus d’un million de personnes sont tuées sur les routes tous les ans, entre 20 et 50 millions de personnes subissent un handicap à la suite de leurs blessures, dont au moins 10 millions d’enfants. Il existe également une violence liée au statut de handicap, les enfants handicapés subissant trois à cinq fois plus de violences que les autres.
Quelles sont les zones actuelles à risque majeur ?
La géographie des risques de handicap suit l’implantation des zones de conflit mais aussi de la grande pauvreté qui prévaut dans les pays en développement et parmi ces pays, celle des communautés les moins favorisées. Elle suit également l’implantation des zones de risques naturels telles que les zones sismiques (Haïti) ou inondables. Il existe également une cartographie assez précise de la prévalence des catastrophes naturelles suscitées par les dérèglements climatiques.
Les catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique augmentent- elles les risques de handicap et dans quelle proportion ?
Toute catastrophe naturelle, des lors qu’elle génère des blessures, est potentiellement facteur de handicap. Même si ces blessures apparaissent plus légères que celles provenant des séismes ou des conflits, on constate que leur violence a augmenté ces dernières années. De plus, l’ampleur des déferlements entraîne une absence d’accès aux services de santé, les infrastructures étant détruites, le matériel perdu ou les services publics débordés sinon disloqués. Handicap International essaie d’intervenir au plus vite et au plus près de ces populations pour contribuer à remettre en ordre les dispositifs de soin. Cet enjeu se trouve placé au coeur du projet de Handicap International.
Aidez-vous les personnes au-delà de leur handicap, par de la réinsertion professionnelle par exemple ou par d’autres types d’actions ?
Nous aidons ainsi les personnes handicapées à renouer avec une activité économique pour éviter les stigmates de l’exclusion familiale ou sociale. En effet, un système de prise en charge étant le plus souvent inexistant, la survenue du handicap devient synonyme d’effondrement d’un équilibre fragile. Nous essayons de promouvoir le développement local inclusif à partir de microprojets, de microcrédits, de banques alimentaires ou de banques d’animaux qui constituent des leviers permettant de relancer une économie au niveau communautaire.
Pensez-vous que les risques pris par les représentants des O.N.G. lors de leurs interventions dans des pays à risque vont modifier votre façon d’agir ?
Il s’agit d’un vrai problème à la hauteur de la radicalisation et, dans une certaine mesure la « diabolisation » à laquelle on assiste à l’échelon international. Depuis la guerre en Irak et la déstabilisation survenue dans les relations entre « un certain Islam et un certain Occident », nous avons assisté à une montée en puissance de la méfiance, un durcissement des positions et un recul de la perception de neutralité de l’action humanitaire. Ceci a parfois pour conséquence la prise en otage des humanitaires qui deviennent un enjeu. Toutefois, nous essayons de nous prémunir de ces dangers par l’acquisition de nouvelles compétences, dans la gestion des déplacements, par exemple. Il faut accepter l’idée qu’à bien des égards, l’action humanitaire est une aventure qui comporte des niveaux de risques significatifs. Il existe aussi d’autres dangers (accident de la route, insécurité sanitaire…).
Le droit international doit-il encore évoluer pour limiter les risques de handicaps liés à des actions humaines et menez-vous des actions au niveau des organisations internationales, mondiales ou régionales de type Union européenne ?
Avant d’évoluer, il faudrait que les droits existants, issus des Conventions de Genève, qui offrent protection et accès aux soins aux populations les plus vulnérables, soient appliqués et respectés. Parmi les acquis récents en matière de droit international, Handicap International se félicite d’avoir joué un rôle déterminant dans la genèse du traité d’Oslo contre les bombes à sous-munitions et du traité d’Ottawa contre les mines antipersonnel. Incontestablement depuis, les handicaps liés à l’utilisation de ces armes ont été divisé par cinq. La convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, qui compte 158 signataires, constitue également une formidable avancée pour replacer les personnes handicapées au centre des préoccupations des différents acteurs de l’aide. Même s’il y a encore beaucoup de travail pour convaincre les bailleurs et les décideurs de l’impérieuse pertinence de se mobiliser, dès l’émergence d’une crise, aux côtés des plus vulnérables en réponse à leurs besoins spécifiques. C’est un enjeu d’équité autant que d’humanité, et c’est la noblesse de la mission de Handicap International d’incarner avec obstination cette exigence.
Les élèves des Grandes Écoles et les étudiants des Universités appartiennent à des associations dont beaucoup sont tournées vers l’humanitaire. De quelles manières peuvent-ils soutenir votre action ?
Il n’est pas inutile de rappeler que l’engagement humanitaire est avant tout un cheminement personnel qui se nourrit de recherches, de rencontres, de voyages et de réflexions sur soi. Chacun doit savoir se mettre « en danger d’incompétence » en acceptant de partir, seul ou en groupe, pour aller voir de plus près à quoi il pourrait bien être utile. Les O.N.G., qui se sont fortement professionnalisées ces dernières décennies, n’ont pas pour vocation première de former des jeunes volontaires à l’issue de leurs études. Nécessairement inexpérimentés, ils doivent démontrer leur capacité à acquérir par eux-mêmes ce genre d’expérience. En revanche, leurs compétences et leurs motivations valent de l’or en termes de mobilisation événementielle, une excellente façon de se familiariser avec l’O.N.G de leur choix et de se faire connaître d’elle. Et plus largement, j’invite toutes les associations des Grandes Écoles et des Universités qui voudraient nous aider, à nous contacter pour explorer les termes d’une possible alliance. Avec leur complicité nous pourrions franchir un nouveau cap dans la réussite de certains événements déjà bien établis comme les « Pyramides de chaussures » ou « Courir ensemble » en renforçant leur capacité de collecte. Les étudiants des Grandes Écoles et des Universités ont l’habitude de se lancer des défis ; les enjeux de solidarité internationale s’y prêtent tout particulièrement !
Patrick Simon
Pour s’informer et soutenir l’association :
www.handicap-international.fr