Guyane aventures en Amazonie française

Imaginez le jeune héros d’« Un Indien dans la ville » levant la tête pour voir décoller une fusée emportant au ciel le must de la technologie humaine. C’est ça, la Guyane : le plus sauvage et préservé, l’Amazonie, la vraie, mais… en France ! Un fabuleux cocktail de sensations fortes. Compte à rebours…

Cayenne, la porte d’entrée
On a vite fait le tour de Cayenne, en grande partie détruite par un vaste incendie en 1888 : quelques belles maisons coloniales tout en bois poussées à l’époque de la fièvre de l’or, un musée qui représente une bonne introduction à la mosaïque historique et culturelle, le quartier populaire de la Crique pour s’imprégner du melting-pot humain local, le marché, bien sûr, pour ses couleurs, fruits, épices et ambiance, la place des Palmistes à l’heure de l’apéro et puis… sus à l’aventure ! Sauf… sauf si l’on est en période de carnaval. De mi-janvier à début mars, ici, il n’est plus question que de cela. Si, chaque week-end, les différentes communautés défilent dans la rue en grande parade, dans les dancings, les légendaires Touloulous mettent le feu. Qui sont-elles, ces femmes déguisées et masquées qui invitent les hommes dans des danses aussi endiablées que lascives ? Telle est la grande question. Qui reste sans réponse et chatouille délicieusement l’imagination. Une tradition unique au monde.

Le centre spatial de Kourou
Vous avez tort de penser que la visite du Centre Spatial Guyanais (et néanmoins européen) ne vous intéressera pas. Dès qu’on a franchi les grilles, qu’on assiste au ballet des véhicules sur l’asphalte, voit les éléments de fusée s’assembler, met le pied dans le Centre de Commandes Jupiter, on se prend au jeu et n’a plus qu’une idée en tête : assister à un décollage ! Ariane ou Soyouz (les Russes lancent ici désormais), peu importe : le compte à rebours, la seconde de silence absolu où tout bascule, le fracas soudain, les flammes, et cette masse de plusieurs centaines de tonnes d’acier qui s’arrrrrache inexorablement du sol pour tracer son sillon de lumière dans le ciel constitue une expérience i-nou-bli-a-ble. Pour la vivre dans le centre de commandes, il faut une invitation, c’est vrai. Pas évident, mais néanmoins jouable (demande par l’école, contacts, dossier à l’ESA avant de partir… c’est surtout une question de motivation) ; le calendrier des lancements étant connu des mois à l’avance. Sinon : on assiste au spectacle depuis le mont Carapa ou la plage des Roches, au milieu de tous. Une excellente occasion de sympathiser.

 

Les îles du Salut
A 17 km de la côte, face à Kourou, il était là, le célèbre bagne, celui de Dreyfus et de Papillon, défendu par ses forts courants et ses… requins ! L’île du Diable où étaient les détenus, l’île Royale où se trouvaient l’hôpital et les bâtiments administratifs et l’île Saint-Joseph, enfin, la plus sauvage et celle pourtant où demeurent le plus grand nombre de vestiges de ce lieu de réclusion légendaire. L’idéal est d’y effectuer une croisière à voile qui commence à l’heure café-croissants et s’achève à celle du ti-punch. Ou bien de passer la nuit dans l’unique hôtel de l’île Royale, sur la plage, à méditer sur ce petit paradis qui fut jadis un enfer. Un passé qui déteint encore beaucoup sur l’image qu’on se fait de cette contrée magnifique.

 

Les marais de Kaw
Mais vous avez envie de voir la nature, l’Amazonie ! Et vous avez raison. Toutefois, avant de vous immerger dans la grande verte, apprenez à connaître ses habitants. La réserve naturelle des marais de Kaw est idéale pour cela. Faites un tour avec un guide naturaliste, passez la nuit sur un « hôtel » flottant (celui de JAL est très bien), traquez le caïman à la torche, sillonnez le marais en pirogue à l’aube parmi les oiseaux… vous allez adorer. Surtout sachant qu’il ne s’agit là que d’un apéritif…

 


La forêt !
« Dans la jungleu, paisible jungleu… » (air connu). Alors, vous tordrez le cou à un ou deux préjugés. Les moustiques ? Il y en a très peu ; caïmans et piranhas n’habitent pas ce coin-là, bref : les fleuves conduisant au cœur de la forêt sont vos amis : Maroni, Approuague, Mana, Saint-Laurent… Comme dans un film, dans la pirogue, adossé à votre sac, vous regardez défiler les berges, cette forêt majuscule qui mange tout. Vous repérez les singes, papillons, oiseaux, admirez les arbres-cathédrales, vous accrochez et tremblez, puis riez au passage des « sauts » (rapides). Le temps s’étire au fil de votre sillage et une vraie magie s’installe ; vous êtes… bien ! Enfin, vous voici rendus au « carbet » (cabane) : campement en dur, plate-forme dans les arbres (extra) ou simple bivouac selon le degré d’immersion et de rusticité choisi, votre lit étant presque toujours un… hamac et la berceuse locale, une symphonie pour crapaud buffles et singes hurleurs. Au programme : trek de quelques jours en forêt, initiation à la survie, descente du fleuve en se laissant flotter (en maillot de bain, oui, c’est génial et hyper safe), tour sur la canopée, visite de villages « indiens », orpaillage (on ne trouve pas de pépites, mais des paillettes, oui)… Et si on poussait plus loin ? Comme ça 2, 3… 10 jours. Une chose est sûre : vous en ressortirez avec une tout autre idée de « l’enfer vert » et ne manquerez plus jamais de signer aucune pétition sur la protection de l’Amazonie !
Bonus : de mars à août, à Yalimapo, les tortues Luth, les plus grosses du monde, carrossées comme des Ferrari, viennent pondre. L’éclosion des œufs et la course à la mer des petits a lieu à partir de
juillet. A bon entendeur…

 

Le Surinam, connaissez ?…
Peut-être pas la première fois, mais comme vous aurez adoré la Guyane, vous y retournerez et louerez, cette fois, une voiture pour pousser jusqu’à Saint-Laurent du Maroni, à l’Ouest toute. Puis, vous franchirez la frontière du Surinam, le pays voisin. Vous rappelez-vous les aventures de Candide dans ce pays ?… A Paramaribo, capitale multiculturelle bouillonnante, le quartier colonial hollandais superbement conservé vous épatera ; idem l’humour des habitants (ils en ont tant vu) et la cuisine indonésienne (!) à tomber par terre. Avec ça, des fleuves aux plages de sable aménagées et des excursions programmées dans des paysages superbes. Seul hic : après révolutions et contre-révolutions, le pays expérimente sa phase ultralibérale : voitures luxueuses et… routes désastreuses. Si vous n’avez jamais fait l’expérience des pistes « tape-cul » en latérite rouge, vous allez rattraper votre retard. Mais vous vous sentirez vraiment Ailleurs !

 

Bienvenue chez les Hmongs !
Vous voulez jouer un bon tour à l’un de vos compagnons d’équipée ? Bandez-lui les yeux et roulez jusqu’à Cacao, petit village situé à 50 km de Cayenne. Il se demandera longtemps comment vous l’avez télé-transporté en Asie du sud-est, en pleine communauté Hmong ! Transplantés du Laos en 1977 par le gouvernement français pour échapper aux représailles des Vietcongs, les Hmongs furent aussi mal accueillis en Guyane que vite oubliés, le site choisi étant alors à peine relié à Cayenne par une piste digne de ce nom.Quand… quelques mois plus tard, apparurent sur le marché des légumes frais comme on n’en avait jamais vus, ou alors à des prix impossibles, car importés par avion. En un rien de temps, les Hmongs avaient bâti un village, défriché des hectares de forêt, vaincus fourmis, chenilles et crues, planté et récolté ! Dépaysement garanti, surtout le dimanche où les habitants revêtent leurs tenues traditionnelles.

 

JB