Eco-anxiété : suis-je atteint de ce nouveau mal du siècle ?
Eco-anxiété : suis-je atteint de ce nouveau mal du siècle ? ©Pexels Photos

Eco-anxiété : suis-je atteint de ce nouveau mal du siècle ?

80 % des Français se disent inquiets des conséquences du dérèglement climatique et affirment que minimiser leur impact personnel est important pour eux (Rapport du CESE sur l’état de la France en 2023). Eco-anxiété, solastalgie et éco-dépression : quels en sont les causes, les symptômes et comment réagir si ce nouveau mal du siècle vous touche ?

Arrêtons-nous d’abord sur un point sémantique. L’historien américain Théodore Roszak théorise le concept d’éco-anxiété comme « une peur par anticipation d’un événement catastrophique environnemental ». Mais il semble plus juste de parler d’éco-émotions, un terme plus vaste permettant d’englober l’ensemble des émotions désagréables (comme l’impuissance ou le désespoir) mais aussi agréables (comme l’engagement, la motivation, l’espoir ou la joie) générées par les bouleversements environnementaux.

L’importance de mettre les mots justes sur l’éco-anxiété

« Parler d’éco-anxiété est assez pathologisant et surtout, pas tout à fait juste. Car au-delà des manifestations anxieuses et dépressives, celle-ci peut engendrer d’autres types de symptômes ayant des répercussions sur la vie privée (addictions, troubles du sommeil ou du comportement alimentaire, remise en cause d’un désir d’enfant etc.), sur la vie professionnelle (perte de sens et de motivation), mais aussi sur la vie sociale (isolement, troubles relationnels). Voire des symptômes conatifs qui se manifestent par une anxiété liée à ses actions et son impact » explique Charline Schmerber, praticienne en psychothérapie spécialisée sur les éco-émotions et autrice du Petit guide de survie pour éco-anxieux (Ed. Philippe Rey). L’experte utilise également le terme de solastalgie, un néologisme désignant « la douleur ressentie par la perte ou la dégradation de son lieu de réconfort, le deuil d’un lieu que l’on n’a pas quitté, un mal du pays sans exil. »

Quel impact ?

Mais quel que soit le terme formalisé pour la désigner, l’éco-anxiété est bien une réalité.  En effet, « 15 % des Français se déclarant moyennement éco-anxieux commencent à ressentir des symptômes qu’il convient de ne pas laisser s’aggraver. Les formes les plus aiguës d’éco-anxiété se manifestent par des ruminations permanentes quant à la crise environnementale et à ses conséquences existentielles, des symptômes affectifs intenses, tels que l’inquiétude, la peur, le sentiment de ne pas en faire suffisamment pour la planète et, pour les cas les plus extrêmes, un isolement social, une difficulté à dormir et à vivre sereinement » (Etude sur l’impact de l’éco-anxiété sur la santé mentale des Français, Observatoire de l’Eco-anxiété / ADEME, avril 2025).

L’éco-anxiété, c’est une maladie ?

De fait, si l’éco-anxiété n’est pas une maladie en soi, elle peut toutefois rendre malade. Selon cette même étude, « 5 % des Français sont fortement éco-anxieux et 5 % (soit environ 2,1 millions de Français tout de même), sont très fortement éco-anxieux, au point de devoir bénéficier d’un suivi psychologique. Avec pour 1 % d’entre eux (soit environ 420 000 Français), un risque sévère de basculer vers une psychopathologie (dépression réactionnelle ou trouble anxieux). »

Eco-anxiété : les signaux qui doivent vous alerter

Mais alors quels sont les signaux d’alerte à repérer pour éviter de tomber profondément dans l’éco-anxiété. « En premier lieu, les idées noires et le trop-plein de culpabilité. Si vous vous mettez tellement de responsabilités sur les épaules que vous n’arrivez plus à voir que les bouleversements environnementaux sont un problème collectif. Si vous êtes enfermé dans trop de tristesse ou d’anxiété et que vous n’arrivez plus à connecter avec de la joie au quotidien. Si vous êtes trop dans le jugement des comportements de vos proches et que vous n’arrivez plus à passer de bons moments avec eux » prévient Charline Schmerber.

Comment mieux vivre avec son éco-anxiété ?

Pour autant, dépasser la charge émotionnelle liée à ses inquiétudes environnementales requiert de ne pas confondre vitesse et précipitation, même (surtout !), si l’envie de passer à l’action se fait pressente. « Je préconise généralement à mes patients de ne pas agir tout de suite, de se laisser le temps de sentir quelle action est bonne pour eux. C’est une opportunité d’aller à la rencontre de ses émotions, de faire un plan des actions qui ont du sens pour soi. Aller trop vite dans l’action, c’est une manière de fuir sans respecter ses propres limites » analyse-t-elle, avant de dresser quelques pistes (à personnaliser selon votre propre fil rouge) pour mieux vivre avec son éco-anxiété :

Prendre soin de soi. « La base de la base, c’est vous.  Reconnectez à votre corps et vos émotions grâce au yoga ou à la méditation ou mettez-vous en mouvement en réalisant votre bilan carbone sur le site de l’ADEME ou faire des activités légères et qui font du bien, comme aller au théâtre par exemple. »

S’engager dans le collectif. Rejoindre un parti politique, une association ou un collectif qui prône des actions écologiques et la non-violence. Attention à respecter le bon équilibre pour vous, pour éviter le burn-out militant.

S’engager dans la sphère professionnelle. Devenir ambassadeur du changement dans son entreprise, mener des actions de sensibilisation (atelier 2tonnes ou Fresque du climat).

S’informer, sensibiliser, éduquer. « En acceptant que nous avons tous une temporalité différente et qu’on ne peut pas changer les autres. »

Prendre soin du monde vivant. Et si vous redeveniez un cohabitant de la Terre, en passant du temps dans la nature ou en vous engageant dans des actions concrètes (nettoyage de site naturel, permaculture) pour en voir les résultats immédiats.

Transformez l’angoisse en engagement !

Oui, vivre avec l’éco-anxiété peut être difficile. Mais cela peut aussi devenir un levier de transformation personnelle et collective. À condition de s’écouter, de s’entourer, et de ne pas s’enfermer dans la solitude. Prêts à faire de vos émotions un moteur d’action ?