Alors que le directeur exécutif de la Qatar Islamic Bank a annoncé avoir signé un accord avec le groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne afin, selon les dernières informations, de donner naissance à une banque islamique en France, l’année 2011 semble être placée sous le signe de la finance islamique.
A l’aube des années 1970 et du premier choc pétrolier, la Dubai Islamic Bank dessine les linéaments de ce qui deviendra, avec son développement, la « finance islamique », et affirme les principes, tirés du Coran, qui guideront cette pratique : prohibition du taux d’intérêt et de la spéculation, interdiction d’investir dans des secteurs jugés impurs (jeu, industrie porcine, alcool, armement…). Les produits financiers, validés par un comité d’oulémas, doivent par ailleurs reposer sur des actifs tangibles et les investisseurs reçoivent des coupons (les sukuk) correspondant à une part des profits générés par le sous-jacent. En lieu et place du taux d’intérêt, le partage des pertes et profits devient donc tant un principe cardinal qu’un outil de rémunération de la banque islamique et de l’investisseur.
Aux côtés des banques historiques (Al Rajhi Bank, Kuwait Finance House, Dubai Islamic Bank), des banques occidentales ont commencé à proposer des « produits islamiques », à l’instar de Citigroup ou d’HSBC. La place londonienne a par ailleurs vu naître récemment deux banques islamiques, la Islamic Bank of Britain et la European Islamic Investment Bank. La finance islamique, dont les encours avoisinent aujourd’hui les 1 000 milliards de dollars, essentiellement dans le Golfe Persique et en Asie du Sud, représente incontestablement une source conséquente de liquidités pour les marchés financiers. Cependant, il semblerait que la finance islamique soit condamnée à se développer en priorité au Moyen-Orient et en Asie. En effet, cette tendance timorée du développement de la finance islamique en Europe est ternie par une myriade d’obstacles et de défis de taille.
Le premier de ces défis est juridique. Tout produit financier islamique, avant d’être mis en circulation, doit être approuvé par un Sharia Board, un comité d’érudits indépendants. Il existe toutefois des divergences d’interprétation selon les pays, résultant de l’existence de plusieurs écoles de pensée juridique musulmane, mais aussi d’un besoin de double validation par les oulémas qui doivent faire la passerelle entre droit musulman et droit national. L’essor de la finance islamique en Europe mènerait à un affrontement avec les banques conventionnelles. Effectivement, une offre de produits attractifs pour les usagers, éthiques et moins risqués, l’engagement participatif de la banque islamique qui se doit de partager les pertes et les profits, et l’utilisation systématique de la majeure partie de leurs propres actifs semblent être autant d’arguments justifiant la réticence de certaines banques conventionnelles à l’implantation de banques islamiques en Europe.
Enfin, la finance islamique est porteuse d’un défi de communication. Dans un contexte de « lutte contre le communautarisme » qui prend parfois l’apparence d’une chasse aux sorcières, la finance dite « islamique » reste mal connotée.
Si à l’exception de la Grande-Bretagne, la finance islamique semble être au point mort en Europe, ce n’est pas un hasard. 2011 ne sera surement pas l’année de l’essor de la finance islamique en Europe continentale, mais elle sera, avec un peu de chance, une année de discussion et de réflexion sur le sujet, prémisses nécessaires pour un avenir européen de la finance islamique de meilleur augure.
W.M et S.B
Membres de l’Association des Étudiants du Master Finance et Stratégie
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