Bonjour à tous,
La végétation d’Abidjan et sa paisible lagune contrastent dès notre arrivée avec l’élancée de sable dans l’océan qu’était Dakar. Malgré les années de conflits et de guerre civile récemment traversées par le pays, le sourire, le sens de l’accueil et la joie de vivre n’ont pas quitté la population ivoirienne. La Côte d’Ivoire est d’ailleurs un modèle de tolérance et d’intégration, où se mêlent harmonieusement les cultures des 60 ethnies qui la composent. Une terre d’accueil également pour de nombreuses communautés des pays voisins qui trouvent asile dans le pays.
Depuis maintenant 5 ans, le pays est reparti de l’avant et fait preuve d’un formidable dynamisme économique, en pariant notamment sur le secteur des techs et sur ses exportations agricoles. 1er producteur mondial de cacao, 3ème exportateur de café et grand producteur de coco et de banane, la Côte d’Ivoire a des atouts à faire valoir et se positionne en leader de la région. Dans ce pays où l’on crée une startup en 48h, le taux de croissance frise les 10% et la Côte d’Ivoire entend bien rejoindre le groupe des pays émergents à l’horizon 2020.
Mais les chiffres en trompe l’œil ne doivent pas faire oublier que croissance et développement ne sont pas synonymes. Et si le sol de la Côte d’Ivoire est riche, c’est encore loin d’être le cas de sa population. L’Etat a la mainmise sur les exportations agricoles, mais aussi sur les ressources minières et pétrolières du pays. Comme c’est le cas dans de nombreux pays d’Afrique, une petite fraction de la population contrôle les richesses, pilote les investissements, et de l’argent s’évapore par millions chaque année. La corruption fait partie du décor et freine durablement le développement.
Malgré ces freins et problèmes, les entrepreneurs circulaires que nous avons rencontrés n’ont pas décidé d’attendre que les solutions viennent d’en haut pour faire bouger les lignes. Chaque contrainte ne représente pour eux qu’une nouvelle occasion d’innover, à l’image de Yao et Raphiath dont les solutions renforcent la chaîne de valeur des cultures de banane et de coco, ou encore d’Evariste et de Daniel qui favorisent l’emploi rural et les débouchés locaux. Ressources nouvelles, savoir-faire locaux, nouvelles technologies, les entrepreneurs que nous avons rencontrés ne voient pas des problèmes mais des solutions. Bonne dégustation !
Travail avec les entrepreneurs
PARO CI – Formaliser les filières de recyclage
Chaque année, nous produisons et envoyons en Afrique de l’Ouest des centaines de milliers de tonnes de déchets électroniques (D3E). Face à une absence totale de filière de recyclage, des réseaux informels s’organisent et brûlent le matériel électronique pour en extraire d’infimes fractions de métaux précieux. La vaporisation de ces métaux lourds génère de faibles bénéfices économiques et constitue une véritable catastrophe sanitaire et environnementale.
C’est dans ce contexte qu’Evariste Aohoui, un entrepreneur ivoirien, a structuré la première plateforme nationale de traitement des D3E, qui trie et valorise 35 tonnes d’équipements par mois en s’appuyant sur le travail de plus de 500 collecteurs des rues. En sortie, des nouveaux produits reconditionnés et des matières premières revendues en Côte d’Ivoire à des prix très compétitifs. Environ 20% des matériaux, trop difficiles à traiter localement, sont renvoyés en Europe par conteneur. Quant aux déchets non valorisables (plastique…), ils sont en partie utilisés pour réaliser des œuvres d’art et sensibiliser.
Découvrez en plus en lisant notre étude de cas et sur la page facebook de ParoCI
Paro CI et ReCube :
Après une première rencontre avec Evariste pour découvrir la plateforme de démantèlement des déchets électroniques, nous avons organisé deux demi-journées de travail et de formation avec ses collaborateurs pour de retravailler leurs supports de sensibilisation et les rendre plus impactant. Merci au Jokkolabs Abidjan de nous avoir accueillis!
Avec PARO CI, les composants électroniques sont démantelés puis réutilisés dans de nouveaux équipements ou recyclés plutôt que d’être brûlés. Cette activité s’accompagne d’un certain nombre d’impacts que les différents échanges avec l’entrepreneur nous ont permis d’identifier et d’évaluer :
- Environnementaux : Les appareils électroniques sont composés d’un mélange de matériaux contenant des substances toxiques générant une forte pollution (mercure, plomb, cadmium, chrome, inhibiteurs de flammes…) Chaque élément collecté par PARO CI ne finit ni brûlé dans la décharge, ni dans la lagune d’Abidjan.
- Sociaux : PARO CI améliore les conditions de vie des collecteurs informels (santé, revenus réguliers…). La sensibilisation des populations est également au cœur des préoccupations de l’entreprise qui multiplie les actions allant dans ce sens (nettoyage du littoral, œuvres d’art…)
Ecofind – Une application industrielle pour les déchets de coco
L’histoire commence dans un salon agronome en 1996, quand l’ivoirien Yao Kouadio rencontre des hollandais à la recherche de fournisseurs de fibre naturelle de coco. Cette matière première est alors très recherchée par l’industrie automobile en Europe et les gisements en Afrique sont nombreux et encore totalement inexploités.
En 2007, Yao se lance à la poursuite de son rêve : transformer les immenses quantités de déchets issus de l’exploitation de la noix de coco en ces fameuses fibres. En 2014, une unité de production semi-industrielle de fibres à partir de déchets voit le jour. Les machines, construites en Côte d’Ivoire à partir de matériel de récupération, peuvent produire jusque 300 kg de fibres par jour.
Prochaine étape pour Ecofind, multiplier la production par 10 en investissant dans de nouvelles machines et en se raccordant au réseau haute tension. Une initiative qui plait et qui a remporté le second prix du concours « Investir en Côte d’Ivoire ». Le président Alassane Ouattara a également offert personnellement à Yao un tracteur pour faciliter la collecte des enveloppes de coco.
Découvrez en plus en lisant notre étude de cas et dans notre interview de Yao (prochainement disponible sur notre chaîne Vimeo).
Ecofind et ReCube :
Nous avons rencontré Yao sur le site de transformation à Bassam, à une dizaine de km d’Abidjan. L’entrepreneur est également intervenu pour présenter sa solution et ses impacts lors du meetup « économie circulaire » que nous avons organisé à l’incubateur Jokkolabs. Yao est à la recherche de financements pour développer son initiative et nous l’avons mis en relation avec plusieurs réseaux d’entrepreneurs basés en France et agissant à l’international comme notre partenaire Future of Waste.
Nous avons également identifié ensemble les principaux impacts de sa solution. Quand les enveloppes de coco ne sont pas valorisées par le process d’Ecofind, celles-ci sont laissées à l’abandon par les producteurs qui ne récupèrent que la partie blanche de la noix. Le process développé par l’entreprise génère simultanément des bénéfices environnementaux et économiques :
- En l’absence de filière de valorisation spécifique de ces déchets, les enveloppes externes des noix de coco sont simplement regroupées et pourrissent à même le sol. Cette pratique néfaste pour les sols cause également de nombreux problèmes sanitaires en offrant un lieu propice à la prolifération de parasites (termites, moustiques…).
- La fibre naturelle de coco se substitue dans les applications industrielles aux fibres synthétiques à base de pétrole. Pour chaque tonne de fibres fabriquée, c’est près de 3 tonnes de CO2 qui ne sont pas émises.
- La ligne de production d’Ecofind génère de l’emploi local ainsi qu’un revenu supplémentaire pour les agriculteurs, chaque tonne d’enveloppe de coco étant rachetée 20 000 Francs CFA (environ 30€) par Ecofind.
ReCube à Abidjan, c’était aussi :
13 Mai 2016 : Découverte du Jerry, un ordinateur pas si bidon qu’il en a l’air!
Ce vendredi, nous rencontrons Florent Youzan dans la petite salle de O’village. C’est ici qu’on peut rencontrer des membres du Jerryclan, cette communauté de passionnés, de bidouilleurs et bricoleurs qui se réunissent plusieurs fois par mois pour résoudre un problème social avec ingéniosité. Le concept : un atelier d’une journée pendant laquelle il s’agit d’assembler des pièces informatiques reconditionnées dans un jerrycan vide puis de développer un programme informatique qui réponde au défi à résoudre. Découvrez en plus sur le site http://www.youandjerrycan.org/
18 Mai 2016 : Rendez-vous au ministère de l’environnement
Nous avons rencontré Alain Serge Kouado, directeur de l’économie verte et de la responsabilité sociétale ainsi que ses collaborateurs chargés de l’économie circulaire au ministère du de l’environnement ivoirien. A la clef, un échange constructif sur les différents projets repérés dans le pays et les synergies envisageables entre nos travaux ainsi qu’une généreuse proposition d’accueil au ministère, où nous une salle a été mise à notre disposition pour que nous puissions travailler.
23 mai 2016 : Intervention devant le club Abidjan ville durable
Ce lundi matin, nous avons la chance d’intervenir devant les dirigeants Côte d’Ivoire et Afrique de Bouygues Construction, Engie, Shneider Electrics, Colas… L’objectif du tout récent club ville durable est d’impliquer les entreprises françaises dans les projets de développement d’un Abidjan plus durable et moderne. Nous avons présenté le projet ReCube et quelques initiatives étudiées sur notre parcours pour proposer des pistes de réflexion liées à l’économie circulaire. Un moment de partage aussi intense qu’intéressant, devant un public à convaincre !
26 mai 2016 : Xilohé, des fibres textile à partir de troncs de bananier
Vous vous souvenez de Regina Tchelly, qui cuisinait les peaux de bananes à Rio? Nous avons rencontré Xilohé, une jeune start-up ivoirienne qui transforme le tronc de bananier en fibre textile. La Côte d’Ivoire produit chaque année plus de 250 000 tonnes de bananes, en grande partie destinées à l’export en Europe. Cette production massive et intensive génère de nombreux déchets, au premier rang desquels figurent les troncs de bananiers.
Simplement abandonnés, ils sont source de nombreuses nuisances environnementales. Xilohé exploite ce gisement gratuit et presque illimité pour transformer les troncs de bananiers en fibres végétales très résistantes pour réaliser des sacs, chaussures et autres accessoires… Un excellent projet qui a permis à l’entreprise de remporter l’année dernière à Nairobi le prix de la meilleure start-up africaine.
31 Mai 2016 : Rencontre avec Yaya Koné, cofondateur de Coliba
L’aventure commence début 2015 lorsque Yaya Koné embarque pour un voyage particulier. Le concept : un hackaton d’une semaine dans un bus reliant Abidjan à Lagos en 7 jours, qui s’arrête en chemin dans les incubateurs des principales villes traversées. Les passagers quant à eux, sont tous des entrepreneurs dont l’objectif est mettre sur pied une start-up pendant ce laps de temps. Lors du trajet, Yaya et ses associés ne peuvent que constater les amas de déchets et les décharges informelles qui se multiplient dans les métropoles d’Afrique de l’Ouest.
La gestion des déchets est une réelle problématique dans les villes traversées et l’équipe décide de ne pas considérer cela comme une fatalité. Leur idée : instaurer le tri sélectif dans les mentalités en récompensant les citoyens via une application mobile. Un projet pilote a déjà vu le jour à Accra en février et un second test verra le jour dans quelques mois à Abidjan. Pour en savoir plus sur l’initiative et suivre son évolution, rendez-vous sur la page facebook de Coliba.
3 Juin 2016 : Conférence économie circulaire à l’espace jokkolabs
Ce vendredi nous avions le plaisir d’organiser la première table ronde «économie circulaire » à Abidjan. Un événement où intervenaient plusieurs des entrepreneurs rencontrés pour présenter leur activité et partager leur vision de l’économie circulaire en Côte d’Ivoire. Un débat intéressant auquel les invités, novices ou experts du sujet, ont pris part.
Merci à tous pour votre présence et à Jokkolabs pour l’accueil!
4-5-6 Juin 2016 : Expédition à Tonkpi pour découvrir le travail de l’ONG Kuadio
Daniel Oulaï, un jeune ivoirien convaincu par le travail collaboratif accompagne les projets de l’ONG Kuadio, notamment la mise en place d’une bibliothèque collaborative de semences et d’un centre de formation à l’agro-écologie que nous avons eu la chance de visiter. L’objectif : permettre aux paysans d’avoir gratuitement accès à des semences et d’acquérir des connaissances pratiques pour développer une agriculture vivrière productive.
Un enjeu d’autant plus important en milieu rural où la plupart des jeunes, même diplômés, sont désœuvrés.
7 Juin 2016 : Rencontre avec M.Tessoungue, la sandale ça rapporte!
Les sandales, peu chères et très pratiques les jours de pluie, sont les chaussures préférées des ivoiriens. Une paire ne fait pas long feu et finit bien souvent dans le caniveau une fois hors d’usage. Une véritable aubaine pour Mamadou qui rachète près de 30 tonnes de sandales en plastique hors d’usage chaque semaine et les revend ensuite à des industriels. Collecteur des rues il y a à peine 10 ans de cela, Mamadou Tessoungue a monté son business pas à pas avec l’accompagnement de l’institut de microcrédit Microcred. Une véritable réussite entrepreneuriale aux nombreuses retombées environnementales positives, le tout dans un environnement 100% informel. Un grand merci aux équipes de Microcred d’avoir rendu cette rencontre possible!
ReCubistics :
- 17 800 grains d’Attiéké (semoule de manioc) dégustés, avec les mains!
- 2 demi-journées de formation organisées pour des employés de PARO CI.
- 29 heures de bus et quelques pannes pour l’aller-retour à Tonkpi.
Avec l’accueil, l’aide, le temps, les conseils, mises en relations… Yaya, Mustapha, Yao, Kevin, Quentin, Maxime, Evariste, Kany, Florent, Alain-Serges, Raphiath, Henri-Damien, Alex, Justin, Daniel, Mamita, Alexandre, Mamouïna, Pauline, Ghislain, Obin, Georges, Yoyolajolie,… Un IMMENSE merci!
A très vite depuis Bangalore !
Un grand merci à nos généreux partenaires et KissKissBankers