Hélène Risser
Hélène Risser

Quand Hélène Risser déshabille les candidats…

DAUPHINE, UNIVERSITÉ D’EXCELLENCE

 

Diplômée de Dauphine et de l’Ecole du Louvre, Hélène Risser a commencé sa carrière dans le journalisme économique, avant de bifurquer par la suite vers le décryptage de l’image. Aujourd’hui animatrice de l’émission Déshabillons-les sur Public Sénat, elle a publié en novembre 2011 l’ouvrage Dans la tête des candidats co-écrit avec Pascal de Sutter.

 

 

Pouvez-vous expliquer brièvement la méthode utilisée pour ce livre ?

L’idée c’était de marier deux regards :
– le mien qui est celui d’une journaliste politique avec une émission vraiment focalisée sur le décryptage, la mise à distance, l’analyse du discours.
– celui d’un psychologue, Pascal de Sutter, qui a beaucoup travaillé sur le profiling politique, une méthode américaine comportementaliste. Pour écrire notre livre, nous avons adapté cette méthode aux candidats à la présidentielle en faisant leur profil psychologique. Nous voulions comprendre comment ils fonctionnent vis à vis des autres, comment ils gèrent les rapports de force, comment ils prennent des décisions, etc.

 

Hélène Risser
Hélène Risser

Les résultats de l’enquête sont en partie fondés sur des questionnaires donnés aux proches des politiques.
Ces derniers ne sont-ils pas tentés, lorsqu’ils sont interrogés, de donner une bonne image des candidats qu’ils connaissent bien ?

Non, parce que Pascal de Sutter a soumis son questionnaire à des personnes qui étaient favorables à chaque candidat mais aussi à des proches qui leur étaient défavorables. Par ailleurs, ce sont des questions précises qui sont ensuite recoupées par d’autres questions pour justement essayer d’avoir un résultat le plus objectif possible. Et ce qui m’a surprise, moi qui connais un peu les politiques, c’est que finalement on arrive à des constats qui valident pas mal les intuitions que je pouvais avoir.

 

Pouvez-vous nous donner un ou deux résultats surprenants de l’enquête ?
Ce qui nous a amusés, c’est que lorsque l’on a bouclé le livre, Jean-Louis Borloo venait de retirer sa candidature. On l’a quand même gardé parce que son profil était assez intéressant : en effet, c’était quelqu’un qui, en théorie, avait tout pour gagner. C’était vraiment LE candidat idéal d’après les profils psychologiques parce qu’il a un côté intrépide, hyper extraverti, extrêmement séducteur avec un côté « gentiment je t’embrouille », un côté un peu cambrioleur de cerveau. Et puis il y a un autre profil que je trouvais amusant, c’était François Hollande. Il a évidemment des qualités de synthèse, c’est une personnalité extrêmement conciliante mais c’est aussi quelqu’un qui a un côté très solitaire, qui n’est pas du tout dominant. Et quand Pascal de Sutter a soumis le recueil des questionnaires à des profilers américains, ils ont dit « Il doit y avoir une erreur, ce n’est pas possible que cet homme soit candidat à la présidentielle avec cette personnalité ! », parce qu’effectivement il n’a pas le côté dominateur auquel on pourrait s’attendre.

 

Voyez-vous dans le succès de cette méthode du profiling le symbole d’une nouvelle manière d’analyser la sphère politique ?
Oui parce qu’aujourd’hui on est dans un contexte assez mouvant, il n’y a plus forcément d’idéologie aussi puissante qu’avant et souvent, entre l’aile gauche et l’aile droite, les points de divergence ne sont pas évidents. Par conséquent, la dimension personnelle est quand même considérable. On est dans une société où la communication, la médiatisation, l’image télévision ont pris une place tellement importante que cela nous donne envie de savoir qui sont véritablement les hommes politiques derrière leur image médiatique. Moi, j’essaie d’être originale en n’étant ni dans le people, ni dans le politique. je m’intéresse aux personnalités pas seulement pour m’intéresser aux personnalités, mais pour les mettre en écho avec ce qu’elles ont fait, leur parcours, leur manière de faire de la politique…

 

Quand on est journaliste, comment s’approcher de la sphère politique tout en réussissant à garder des distances ?
Déjà, j’évite de demander aux politiques ce qu’ils pensent de mon travail. Je pense que le gros problème des journalistes politiques en France, c’est qu’ils vivent beaucoup sous le regard des politiques alors que l’idée est de s’en affranchir autant que possible. Moi je ne passe pas tant de temps que ça avec les politiques et, par ailleurs, je ne suis pas un parti en particulier. J’ai souvent constaté que le journaliste qui suit l’Elysée toute la journée, à la fin il a tellement entendu les argumentaires et les contre argumentaires qu’il finit par voir le monde à travers les lunettes de l’Elysée. L’intérêt de faire un émission comme la mienne qui est ultra transversale, c’est que je m’intéresse un jour aux arguments des uns, un jour aux arguments des autres, ce qui m’oblige à prendre des distances.

 

Propos recueillis par Claire Bouleau