Nous avons rencontré François Taquet, Professeur de Droit social auprès de l’IESEG, Skema Business School et l’ESCEM, Avocat, Conseil en droit social
Existe-t-il une définition du télétravail ?
On sait que le télétravail correspond une organisation du travail permettant aux salariés d’exercer leur activité en dehors des locaux professionnels grâce aux technologies de l’information et de la communication (Internet, téléphonie mobile, etc.). Cette organisation peut s’effectuer depuis le domicile, un télécentre ou encore de manière nomade (lieux de travail différents selon l’activité à réaliser). Les avantages de ce système ne sont plus à démontrer : moins de temps dans les transports, diminution du stress, baisse de la fatigue, davantage de moments à consacrer à sa famille, diminution de la pollution et des émissions de CO². Toutefois, ce système demande également à être balisée afin d’éviter tout abus.
Quel est l’état des lieux en France ?
Ce que l’on constate en France, c’est le très faible taux de télétravailleurs en France (6 %) à mettre en parallèle avec des pourcentages beaucoup plus importants dans d’autres pays européens : 25,4 % aux Pays Bas 22,8 % en Allemagne, Finlande et Danemark, plus de 15 % en Italie et Royaume Uni. Or, cette forme d’activité ne demande qu’à être développée en France, sachant que 90 % des chefs d’entreprises français disent ne pas connaitre les possibilités offertes par cette organisation du travail.
Y a-t-il une réglementation en la matière ?
Le 16 juillet 2002, un accord-cadre sur le télétravail a été signé par tous les partenaires sociaux européens. Les partenaires sociaux avaient souhaité la transposition de ces dispositions dans les différents ordres juridiques internes dans les trois ans de la signature de l’accord. C’est chose faite en France par l’accord national interprofessionnel du 17 juillet 2005. On a pu dire de cet accord : « pour la première fois dans l’histoire du droit social français, un accord européen est transcrit par le biais de l’accord collectif ».
De son côté, la jurisprudence française a également eu à connaître de contentieux en matière de télétravail. Dans un arrêt du 2 octobre 2001, la cour de cassation a décidé que « le salarié n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, n’y d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail ». Dans une décision du 31 mai 2006, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a considéré que l’employeur ne pouvait unilatéralement imposer au travailleur à domicile d’exécuter sa prestation au siège de la société, une telle décision modifiant l’organisation contractuelle du travail. L’accord du salarié est ainsi requis quand bien même son contrat de travail comporterait une clause de mobilité. Enfin, dans une décision du 7 avril 2010, il a été décidé que « si le salarié, qui n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l’indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile. »
Jusqu’à présent le Code du travail français restait muet sur cette question. Toutefois, suite à l’important travail du député du Nord Jean Pierre Decool et de l’association française du télétravail, ce mode d’organisation va heureusement trouver sa place dans le Code du travail (nouveaux articles L1222-9 à L1222-11). Ainsi sera précisé que le télétravail est basé sur le volontariat, nécessite la rédaction d’un avenant au contrat de travail prévoyant les obligations de l’employeur vis-à-vis du salarié. En outre, sera précisé dans la loi qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure (ex : intempérie), la mise en oeuvre du télétravail sera considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. En d’autres termes, un tel aménagement ne nécessitera pas l’accord préalable du salarié. Le cadre juridique est désormais posé. Reste aux acteurs économiques à faire que ce mode d’organisation du travail devienne un succès.