Gérard Leclerc, chef d’orchestre de LCP – Assemblée nationale

Avec 12,4 millions de spectateurs cumulés par semaine, une trentaine de journalistes, un budget de 16,5 millions d’euro, une « diversité des écritures télévisuelles », La Chaîne Parlementaire – Assemblée nationale représente, avec Public Sénat, l’une des deux chaînes politiques de référence françaises. Rencontre avec son président Gérard Leclerc (Sciences Po 76), nommé à ce poste en mai 2009 et reconduit en juin dernier.

 

LCP – Assemblée nationale en quelques mots ?
LCP – Assemblée nationale est une chaîne parlementaire, politique et citoyenne. Parlementaire parce qu’on suit ce qui se passe à l’Assemblée nationale, mais plus généralement la politique en grand, c’est-à-dire pas seulement le petit jeu de pouvoir entre les partis mais la vie de la cité. Et enfin citoyenne parce qu’on a une vocation de pédagogie, d’instruction civique et de participation des citoyens.

Votre dépendance envers l’Assemblée nationale est-elle un obstacle à votre liberté d’expression ?
L’actionnaire unique est l’Assemblée nationale mais tous les groupes parlementaires sont représentés dans mon conseil d’administration. C’est sûr que plus je fais du parlementaire, plus ils aiment, mais je leur explique qu’il faut que la chaîne soit regardée, qu’il faut faire des programmes attractifs.

Quels sont les objectifs que vous vous fixez pour votre deuxième mandat ?
1. Cette chaîne a pris petit à petit sa place dans le paysage audiovisuel français : nous sommes dans la TNT aux côtés des grandes chaînes, nous avons notre identité, nous sommes une chaîne politique de référence. L’idée maintenant c’est d’augmenter l’audience et surtout de l’élargir, d’aller vers les jeunes, les quartiers. A un moment où la politique n’a pas très bonne presse, notre idée c’est d’essayer de montrer qu’elle concerne tout le monde, que c’est passionnant et donc il faut qu’on aille à la rencontre de publics qui pour l’instant ne connaissent pas la politique ou sont fâchés avec elle.
2. Notre grand rendez-vous technologique avec la télévision connectée. Il y a toute une série d’innovations technologiques qui sont intéressantes pour nous et je pense qu’on a beaucoup à y gagner. Cela suppose donc qu’on adapte notre technique et nos programmes.
3. Les relations avec Public Sénat, d’une part pour des questions de visibilité et de contraintes économiques, et d’autre part parce qu’on partage le même canal TNT.
Il faut qu’on se rapproche davantage, qu’on réduise les bascules d’une chaîne à l’autre, qu’on finisse de mutualiser tous les programmes.

Justement, à quand une fusion avec Public Sénat ?
La fusion dépend des actionnaires et à mon avis Public Sénat ne veut pas en entendre parler ! Mais déjà, on couvre tous les grands événements politiques ensemble, on a deux émissions en commun, ce qui n’est pas assez certes, mais c’est déjà bien. Les choses ont changé avec l’arrivée de Gilles* et moi. Avant les deux chaînes se détestaient, se faisaient la guerre, notamment les fondateurs. Nous, on se connaît depuis plus de trente ans et on s’entend bien, même si chacun défend les idées de sa chaîne.

Président et journaliste en même temps, c’est supportable ?
C’est vrai que je suis passé à une étape supplémentaire en devenant PDG parce que ce n’est pas un service ou une rédaction à gérer, mais toute une chaîne. Il faut que je m’intéresse à tout, que je m’occupe de tout, que je sache tout… Je suis un peu le chef d’orchestre. Je n’avais pas du tout un plan de carrière, je n’avais pas prévu de devenir président de chaîne mais ça s’est fait. Cependant, j’ai mis un point d’honneur à toujours garder une activité de journaliste et notamment d’antenne, ce que d’autres ne font pas.

Une anecdote de votre carrière ?
Un de mes premiers scoops : j’étais tout jeune journaliste, on m’avait envoyé le 10 mai 81 au siège du PS à Solferino. A l’époque il n’y avait pas internet et tout le reste, et j’ai été l’un des premiers à savoir que Mitterrand était élu. Fabius l’a dit à quelqu’un, j’ai entendu, et j’ai tout de suite appelé ma rédaction. Une autre fois, alors que John Major venait de quitter son poste de Premier ministre en Angleterre, j’arrive à avoir Tony Blair, son successeur, en invité, ce qui n’était vraiment pas mal. L’interview se passe très bien, et à la fin je termine en disant « John Major, merci beaucoup ! »

Et on se ne fait pas virer pour une erreur comme celle-là ?
Non ! Je lui ai fait une belle lettre en anglais en m’excusant bêtement. (rires)

 

Claire Bouleau
Twitter @ClaireBouleau

*NDLR : Gilles Leclerc, président de Public Sénat