La levée de fonds auprès de donateurs privés se développe et se professionnalise dans l’enseignement supérieur. Pionnière du fundraising en France, Marie-Stéphane Maradeix, Présidente de l’Association Française des Fundraisers et Directrice de la Campagne pour l’École Polytechnique, nous livre son regard sur cette petite révolution culturelle.
Quels sont les enjeux du fundraising pour les établissements d’enseignement supérieur ?
Il s’agit d’un enjeu de moyens qui est le corollaire du positionnement stratégique des universités et grandes écoles à l’international. Un Mercato des enseignants-chercheurs s’est mis en place dans le monde. Les transferts de talents se font à coup de packages. De la même façon, les étudiants considèrent les établissements en fonction de leurs compétences académiques et de la renommée de leur recherche, mais aussi du package qui leur sera offert.
Comment se développe le fundraising ?
Les grandes écoles ont été les premières à faire du fundraising, rejointes par les universités depuis la loi sur leur autonomie. On peut imaginer qu’à terme le mécénat pourrait constituer de 10 à 20 % du budget des établissements. Pour l’instant, il serait irréaliste de penser que ce soit beaucoup plus en France. Le financement privé est un levier privilégié, mais il dépend de la volonté d’individus et entreprises. Le plus professionnel et compétitif, celui qui a le meilleur projet à faire partager fait la différence.
Les stratégies de fundraising des établissements français sont-elles abouties ?
La montée en compétences du fundraising est en cours. Les campagnes les plus abouties sont menées par des professionnels et adossées à des stratégies institutionnelles. Elles développent une approche personnalisée des grands donateurs, qui à de tels niveaux de dons sont à considérer tels des partenaires. Il faut également convaincre des gens de haut niveau de la pertinence de la stratégie à laquelle ils contribuent. On est donc sur un mode interpersonnel et un système de reconnaissance afin de fidéliser, c’est un peu la haute couture du fundraising.
www.fundraisers.fr
Cas d’école : Sciences Po
Sarah Huisman-Coradian du cabinet Philantrôpia, accompagne Sciences Po dans sa stratégie de collecte auprès des grands donateurs « diplômés de Sciences Po, mais aussi d’autres philanthropes qui contribuent à des niveaux importants. L’objectif de la campagne 2008-2013 est de lever 100 M€, dont 20 % proviennent de ces grands donateurs. Aujourd’hui nous avons atteint la moitié de cet objectif. » La première étape a été la construction du discours vis-à-vis des grands donateurs. « Il s’agit de faire part de l’ambition de Sciences Po : faire partie du top 25 des universités mondiales en sciences sociales. Pour opérer ce rayonnement international, l’établissement a besoin de nouvelles ressources de manière à jouer dans la même cour que ses concurrents. Les donateurs doivent savoir pourquoi on s’adresse à eux, et être en mesure d’évaluer la part de leur investissement dans la réussite de Sciences Po. » La seconde étape a été le ciblage des donateurs, « des personnes en mesure d’accompagner Sciences Po de manière exceptionnelle. Cela a permis à Sciences Po de se rendre compte de l’ampleur de la réussite de ses diplômés et à l’égal de celle des diplômés des institutions d’élite mondiale dont il entend faire partie. » Enfin, l’équipe est allée solliciter les donateurs, en commençant par un noyau de proches de l’Institut auxquels elle a proposé d’investir à titre personnel et de participer à la campagne en rejoignant le comité de développement. « Nous avons travaillé ainsi en France, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Forts de cette première phase réussie, nous avons élargi notre cible de grands donateurs. » L’équipe songe désormais à ouvrir la campagne à d’autres pays européens voire asiatiques.
www.optimus.fr
www.philanthropia.net
Les Universités aussi
Depuis la loi sur l’autonomie des universités il y a deux ans, 39 fondations ont vu le jour et ont levé 70 millions d’€ auprès de bailleurs privés.
A. D-F