Le 11 mars dernier, pour la première fois dans l’histoire du rugby féminin, le service public retransmettait un match à la télévision. Un symbole lourd de sens pour une discipline en pleine explosion.
Les amazones à l’attaque des grandes écoles
A ESCP Europe, l’équipe de rugby féminin est encore toute jeune : née en 2006, époque où les joueuses ne disposaient ni d’un coach, ni d’un terrain mais de leur seule volonté, c’est en 2007 qu’elle s’est véritablement structurée. Alexandra Favard, qui l’avait intégrée à ce moment-là et qui en est aujourd’hui la capitaine pour la deuxième fois de sa scolarité, se remémore cette ascension fulgurante : « On a énormément développé les moyens pour l’équipe : quand j’ai commencé, on payait tous les déplacements pour les matchs. Et il y avait vraiment très peu de filles (on était 10), alors qu’au début de cette année il y avait 50 filles inscrites et qu’au second semestre on est encore 25 à être là à tous les entraînements. En 5 ans, l’équipe a explosé. » Un constat propre à ESCP Europe ? Non ! La preuve, à Centrale Lille, le bilan est identique. « Cette année, on a eu 10 nouvelles joueuses de première année. L’année où je suis arrivée, on était à peine 7 et on avait du mal à former notre équipe. Les filles commencent à se dire que le rugby, ce n’est pas que pour les garçons. Les deux dernières années on a gagné le challenge Centrale Lyon et l’Intercentrales alors que les garçons n’ont gagné ni l’un ni l’autre donc ça a contribué à changer le regard qu’on porte sur nous », remarque Chloé Pelle, élève en troisième année à Centrale Lille, qui a joué pour l’équipe de France. « Le rugby féminin s’est développé dans toute la France : à l’heure actuelle, dans le top 10, il y a cinq clubs au nord de Paris et cinq au sud. »
Les raisons d’un tel engouement pour le rugby féminin sont probablement nombreuses
Pour Chloé Pelle, « cela commence à changer parce que le football féminin a mis la lumière sur tous les sports masculins qui ne sont pas pratiqués par les femmes ». Elle ajoute : « Et puis, quand le rugby masculin a commencé à être médiatisé, les filles l’ont regardé et se sont dit : « Pourquoi pas moi ? ». Les gens arrêtent de se dire que le rugby n’est fait que pour les brutes parce que oui, c’est un sport de combat, mais il y a énormément de règles ! » Monica, co-responsable de l’équipe de Centrale Lille met quant à elle l’accent sur l’accessibilité de ce sport : « On a des filles qui sont très petites, très maigres mais qui arrivent vraiment bien à jouer parce qu’elles ont la motivation. Je crois que c’est un sport que tout le monde peut faire et qui permet de libérer beaucoup d’énergie. Pendant l’Intercentrales une fille vraiment petite s’est révélée être l’une des meilleures parce qu’elle a vraiment tout donné : tout le monde peut réussir à faire un essai, un placage. » Alexandra enfin évoque « le rejet du foot avec tous les scandales qu’il y a pu avoir » ajoutant avec malice qu’« au rugby, déjà, l’équipe de France, elle est bonne… »
La success story de Chloé Pelle, 22 ans
« Je me suis mise un peu par hasard à jouer au rugby, après la prépa. Arrivée à Centrale Lille, une fille m’a proposé de venir jouer à la journée des associations. » C’est là que tout s’accélère. Chloé intègre l’équipe de rugby de l’école, et, quelques mois plus tard seulement, lors d’un tournoi universitaire, un professeur de l’option rugby de STAPS la repère et lui propose de rejoindre le club de Villeneuve d’Ascq. Elle accepte. Près de deux ans et demi après, Chloé appartient toujours à l’équipe 1 de Villeneuve d’Ascq, qui fait désormais partie du top 10. En parallèle, depuis le début de l’année 2011-2012, il lui arrive de jouer pour l’Equipe de France, comme lors de la tournée d’automne ou encore du tournoi des 6 nations. Ce succès fulgurant, pour une jeune fille qui, rappelons-le, il y a trois ans seulement ne touchait pas le ballon ovale, Chloé l’explique avec simplicité et modestie : « Comme ils préparent la coupe du monde 2014, ils essaient de trouver beaucoup de nouvelles têtes. Et j’en faisais partie. J’ai la chance d’avoir une très bonne condition physique, même si techniquement, il faut que je progresse. » Sa devise ? « Il n’y a vraiment rien d’impossible. C’est ce qu’on s’est dit au premier match de la saison. On a réussi à battre Perpignan alors qu’elles étaient à domicile uniquement parce qu’on s’était dit qu’on allait gagner. Pourtant, nos adversaires étaient championnes de France du top 10 et au vu de notre classement, on étaient censées être les dernières du top 10. »
Claire Bouleau
Twitter @ClaireBouleau