De Georges Soros à Michael Bloomberg en passant par l’éphémère vedette qu’a été Jérôme Kerviel, le domaine de la finance est invariablement associé à des personnalités masculines. Quel est le féminin pour « un financier » ? A vrai dire peu de personnes sauraient répondre, tout simplement parce que la question ne se pose presque jamais.
Dans l’imaginaire collectif, le financier est un homme, avec un petit « h », un être de genre masculin. Pour autant, si en 1986 se produit le « Big Bang » (cet ensemble de mesures de libéralisation des marchés financiers britanniques qui fera progressivement de la City de Londres, le centre névralgique de la finance de marché mondiale), c’est avant tout par l’impulsion de Margaret Thatcher, une femme… La question se pose donc encore aujourd’hui : quelle est la place des femmes dans la finance ?
Dans le secteur financier, les femmes sont davantage présentes que les hommespuisqu’elles occupent 60 % des postes. Néanmoins, elles sont sous-représentées parmi les cadres et elles perçoivent des salaires (hors prime) en moyenne inférieurs de 55 % à ceux des hommes. C’est afin de lutter contre ces inégalités que différentes associations ont vu le jour ces dernières années, la création de SG au Féminin par exemple ou encore de la Mix City à la BNP Paribas. Plus récemment, les Financi’elles ont vu le jour début 2011 et regroupent déjà plus de 1 500 membres afin de lutter contre les inégalités de ce genre dans le domaine de la finance.
Si les femmes sont présentes en back et middle office, elles sont le plus souvent absentes du front office ou du private equity (20 % des effectifs uniquement). Les hommes occupent majoritairement les postes à hautes responsabilités et ce pour plusieurs raisons. Les femmes craignent tout d’abord ce secteur car 85 % d’entre elles ont peur de subir des discriminations et s’autocensurent en se retirant de la course aux postes à responsabilités.
D’autre part, la vie familiale semble être une contrainte de taille pour pouvoir occuper un poste haut placé. Malgré une certaine évolution des mœurs les femmes passent davantage de temps que les hommes au foyer familial. Si le congé maternité reste une étape très fréquente dans beaucoup de carrière féminines les moyens de communication de plus en plus évolués (ordinateurs, smartphones…) leur permettent désormais d’honorer leurs obligations professionnelles à distance.Le véritable problème des femmes semble être l’autocensure, la plupart d’entre elles en effet s’érigent des barrières infondées en n’osant pas demander d’augmentation salariale ou une promotion alors qu’elles en ont les compétences et fournissent le travail nécessaire pour que leurs requêtes aboutissent. Il est vrai cependant que la plupart des hommes attendent davantage des femmes, comme si elles avaient quelque chose en plus à prouver avant de leur faire confiance. Ce climat de travail ne favorise donc pas l’émancipation des femmes dans le domaine de la finance.
Afin de remédier à cette forme de discrimination, l’une des idées les plus citées actuellement est la fixation de quotas au sein des entreprises dans la finance. Les quotas, particulièrement dans les conseils d’administration et de surveillance aideraient les femmes à s’insérer. En imposant la parité par sanction, cela pourrait forcer les mentalités à évoluer et donner aux femmes l’opportunité qui leur manque souvent, d’assumer leurs responsabilités.
Néanmoins, il serait préférable que les femmes parviennent à s’imposer dans le monde financier en mettant en avant leurs compétences et atouts au sein de ce secteur. La recherche perpétuelle du profit ne semble pas être une de leur qualité mais la persévérance, l’empathie ou encore leur point de vue différent peuvent apporter considérablement à une équipe. C’est en effet la diversité, la confrontation des points de vue et donc une réflexion commune au sein d’une équipe qui permettent de progresser. C’est d’ailleurs en période de crise que les femmes ont une carte à jouer car les personnes en place sont souvent jugées responsables de la mauvaise situation. C’est donc aux femmes de saisir cette opportunité pour montrer qu’elles savent, faire au moins aussi bien que leurs homologues masculins.
Aujourd’hui, le monde de la finance, empêtré dans la toile tissée par ses propres excès ne semble guère avoir le temps de se soucier des femmes qui le peuplent reléguant les questions d’équité au rang d’accessoire. Pour autant, la conjoncture ne semble pas être la raison principale d’un tel immobilisme. Il serait même illusoire d’attendre qu’un domaine majoritairement masculin se remette en cause dans l’intérêt de sa minorité féminine. Celle-ci a peut-être devant elle une « révolution féminine » nécessaire selon Auguste Comte, qui doit être effectuée pour bouleverser les mentalités. « On ne nait pas femme, on le devient », avançait Simone de Beauvoir. C’est probablement vrai pour la finance qui n’est pas née féminine mais qui doit apprendre à le devenir.
Louis Toussaint, membre d’OPA
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