Céline Del Bucchia © F Sénard, Audencia Business School

ZOOM SUR L’ENFANT CONSOMMATEUR

Le statut de l’enfant au sein de la famille s’est grandement transformé au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, l’enfant est un consommateur à part entière. Il est impliqué et consulté dans les décisions familiales d’achat comme la voiture, les vacances et même le repas quotidien. – Par Céline Del Bucchia, Responsable du département marketing, Audencia Business School

 

 

La consommation familiale est devenue une négociation permanente entre les souhaits des parents, les besoins de l’enfant et le plaisir de l’enfant. A titre d’exemple, un parent sera prêt à ne pas proposer de légumes à l’heure du repas pour atteindre un moment de plénitude où tout le monde est heureux autour de la table familiale. En tant que consommateur à part entière au sein de la famille, l’enfant n’a plus une relation d’autorité mais d’égalité avec ses parents. Qu’est-ce que cette évolution de l’enfant implique pour les marketers, pour la famille et notre société ?

 

UN PEU D’HISTOIRE

L’enfant n’a pas toujours été au centre de la famille. Ce n’est qu’au 20è siècle qu’il commence à y prendre une place dans la famille. Avec la contraception, l’enfant est désiré, le parent se sent responsable de son bonheur. En parallèle, l’industrie et le commerce ont participé à la transformation de l’enfant en tant que consommateur. Le caddie de supermarché donne du pouvoir à l’enfant qui, assis à la hauteur de ses parents peut exprimer ses souhaits et se servir. L’industrie du vêtement s’est transformée. Au cours du 20è siècle les vêtements bébés et enfant deviennent genrés, avec des lignes pour filles et pour garçons. Aujourd’hui, les enfants portent des vêtements très proches de la mode adulte. L’enfant devient une personne à part entière.

© Philippe Cauneau
© Philippe Cauneau

IMPACTS POUR LA PUBLICITÉ ET LE MARKETING

L’enfant consommateur devient prescripteur au sein de la famille. Aujourd’hui, Youtube est un terrain de jeu très prometteur pour les marketeurs qui insérèrent des vidéos au sein des programmes des enfants ou introduisent des produits de marque auprès de leurs bloggeurs préférés. L’enfant introduit ainsi des nouveaux produits au sein du foyer qu’il fait découvrir à ses parents. C’est la socialisation inversée. La publicité qui vise les enfants est extrêmement réglementée et les marketers ont pris conscience qu’il est dans leur intérêt de se comporter de façon responsable au risque d’être boycotté par des consommateurs rendus plus puissants avec les réseaux sociaux. Cependant, aujourd’hui, les parents sont assez fiers que leur enfant sache se débrouiller sur le net, qu’il introduise de nouveaux produits dans le foyer familial. Ceci laisse un large terrain de jeu aux marketers.

 

IMPACT SUR LA SOCIÉTÉ

Le marketing et la publicité, en voulant séduire l’enfant ont contribué au développement de l’enfant consommateur. Ce ne sont pas les parents, mais plutôt McDo, Kellog’s et d’autres qui ont introduit le fun dans le repas familial avec des jouets et cadeaux devenus aujourd’hui un standard. Les parents se retrouvent en concurrence avec les marques qui séduisent bien mieux les enfants que leur production « maison ». Ils essayent donc à leur tour de séduire leur enfant, soit en consommant les marques qu’il demande, soit en transformant leurs pratiques à la maison : plus de choix, plus d’amusement, plus d’implication des enfants dans les repas. Pas étonnant qu’on assiste au burn out maternel.
Comment ces enfants formés à exprimer leurs goûts, faire des choix, faire preuve de créativité et satisfaire leurs désirs très jeunes évolueront-ils en tant qu’adultes ? En tant que parent ? Nous assistons à une véritable transformation de la société impulsée par la consommation.

 

Contact : cdelbucchia@audencia.com