Zahia Ziouani a fondé et dirige son orchestre symphonique, Divertimento. Composé de 70 musiciens, il réalise 70 concerts par an. Elle a livré un témoignage inspirant lors de la conférence 2015 du Cercle InterElles, portant un regard lucide et teinté d’humour sur la place des femmes dans cet univers masculin.
La passion de la musique classique habite Zahia Ziouani. « Mes parents étaient mélomanes et épris de culture, la musique a toujours fait partie de ma vie. » Elle pratique la guitare puis l’alto et intègre l’orchestre des élèves de son conservatoire. Lorsqu’elle découvre le métier de chef d’orchestre c’est une révélation mais « aussi surréaliste d’imaginer devenir chef d’orchestre pour une fille que de se dire je serai présidente de la république ou astronaute ! »
« J’ai souvent entendu, une femme ne dirige pas »
A 8 ans, sa maîtresse lui fait diriger la chorale et voit chez elle « une capacité naturelle à diriger. » Même si elle n‘imagine pas pouvoir devenir chef d’orchestre, passionnée, elle se plonge dans ses partitions. Elle assiste au cours public du maestro roumain Sergiù Celibidache (directeur du philarmonique de Munich). Elle est heureuse et surprise lorsqu’il lui demande « qui t’a appris à diriger ainsi ? » « Il m’a dit que j’avais de bonnes dispositions et que je devais diriger. Il m’a aussi prévenue qu’une femme n’avait jamais tenu plus de 15 jours dans sa classe ! » Elle étudie la direction d’orchestre au lycée Racine où seules les filles restent lorsqu’elle dirige, « je réglais mes comptes avec les garçons à la récré ! » Elle remporte des concours de direction d’orchestre qui la confortent dans son projet de vie. Zahia Ziouani crée sa propre formation, Divertimento, « consciente de la réticence à confier la direction à une femme. » Elle veut « montrer qu’une femme peut diriger et mener un projet artistique et entrepreneurial. »
Fermeté et exigence
Dans ce monde, les musiciens vivent entre eux, entre hommes. En tant que femme chef « je fais face à des exigences plus importantes que pour un homme. Face au groupe je n’exprime pas de doutes. » La chef d’orchestre sait qu’elle se doit d’être « hyper performante. La première répétition est stratégique. Les musiciens vous jugent sur vos qualités à créer un collectif, une unité ; votre capacité à asseoir votre autorité. Vous avez 100 personnes face à vous et autant de conceptions artistiques de l’œuvre ! Je me montre très exigeante et ferme. »
Une chef d’entreprise engagée
En tant que directrice musicale de l’orchestre, Zahia Ziouani opère le choix de la programmation. Elle est aussi la gestionnaire de l’ensemble et va chercher les financements. « Avoir une identité artistique, des projets différents, permet de décrocher les financements. » Le budget de Divertimento s’élève à 1 M€ par an. Il provient des recettes, du mécénat, de subventions des collectivités et de l’Etat. Tous les orchestres sont subventionnés à 80 %. « Le nôtre l’est très peu en comparaison. J’applique donc une règle bien connue des chefs d’entreprise : ne pas dépendre d’une seule source de revenus. » La chef de Divertimento est très engagée en matière d’accès à la culture pour tous. Elle a installé son orchestre à Stains en Seine-Saint-Denis. « Mes parents ont suscité chez moi la curiosité. Tout le monde n’a pas cette chance. C’est pourquoi je suis engagée à produire Divertimento sur les grandes scènes mais aussi auprès de publics moins initiés dans les quartiers, les prisons. » La chef est particulièrement attachée à transmettre aux enfants, qui se sentent discriminés, sa conviction que l’on peut avoir de grandes ambitions. Elle considère aussi la musique comme un vecteur d’intégration entre les cultures, milieux, genres et âges.
Le message de Zahia Ziouani aux jeunes
« Mon père a été le premier à être très exigeant avec moi. Il m’a toujours dit “ Si tu ne veux pas que l’on décide pour toi, tu dois foncer, décider toi-même jusqu’où tu veux aller.” Je suis convaincue qu’il faut y croire, que rien n’est impossible. »
A. D-F
Contact : www.orchestredivertimento.com