Partir faire le tour du monde ? Oui, mais pas n’importe comment : c’est sur le thème du voyage solidaire que Danone.communities, Le Noise, Sparknews et Travel4Change organisaient conjointement une conférence le 20 juin dernier à ESCP Europe. On pouvait y écouter quelques voyageurs endurcis, conviés à présenter leur périple. Dans la salle, les jeunes participants venaient chercher l’inspiration et les conseils pour sauter le pas à leur tour, couvant chacun des projets de voyage plus ou moins aboutis…
Repenser notre manière de vivre ensemble
A la demande des intervenants, c’est sous le signe de la convivialité que débute immédiatement la conférence : « Pour commencer, demandez à votre voisin quel sera son prochain voyage », enjoint Maeva Tordo, présidente du NOISE. Car finalement, à quoi bon chercher des relations authentiques à l’autre bout du monde si l’on ne brise pas la glace à côté de chez soi ? L’engouement pour les voyages solidaires semble en effet trouver sa source dans les interrogations de la génération Y, dans le désir de partager davantage avec son prochain et de passer outre l’individualisme méfiant de notre temps.
Parmi les quatre intervenants principaux invités à raconter leur voyage, on distinguait en effet un invariant : le désir d’aller d’avantage à la rencontre de l’Autre.
C’est ainsi que Mathieu Le Roux, ancien HEC et co-auteur de Best-seller 80 Hommes pour changer le monde, raconte son périple avec son ami Sylvain Darnil, il y a dix ans. Pendant un an, les deux hommes ont interviewé 80 entrepreneurs d’exception à travers le monde, tel que Muhammad Yunus, figure emblématique de la micro finance, en passant par d’autres personnages méconnus ayant changé le monde à leur échelle -comme cet agriculteur japonais, parvenu à augmenter son rendement sans produits chimiques. « Nous avons voulu aller à la rencontre des Yunus du monde », confie-t-il. Pour lui, le trait commun à ces auto-entrepreneurs est à la fois le génie créatif et la capacité à prendre du recul, sans tomber dans le cynisme ni l’excès de confiance.
Trouver un fil directeur
Le succès du livre de M. Le Roux a inspiré d’autres voyageurs, qui ont décidé de sauter le pas et d’entreprendre leur propre projet de voyage. Car voyager pour voyager, sans objectif ni fil directeur, peut se transformer en errance un peu vaine, surtout sur des périodes si longues. C’est ainsi que Christian Vanizette, jeune fondateur de Make Sense, est parti avec quelques compagnons dans le but d’interviewer les entrepreneurs du monde et de publier leurs projets sur le web. Passionnée par le jeu, Maria Kostova a entrepris un voyage pour découvrir la richesse du monde à travers les jeux, une activité interculturelle permettant selon elle de dépasser la barrière de la langue. Enfin, Christian de Boisredon, dernier intervenant, se démarque comme le pionnier du voyage solidaire ; c’est en 1997 qu’il part avec des amis pour un tour du monde, et publie un livre à son retour : « On en avait assez d’entendre tout le temps parler de catastrophes dans les média », explique-t-il. Aussi intitule-t-il son projet L’espérance autour du monde, dans le but de prouver que si certains détruisent le monde, d’autres le font avancer.
Des projets de voyages ambitieux qui, bien sûr, ne se sont pas faits en un jour : « La préparation du voyage est à la fois la partie la plus difficile et la plus passionnante », atteste M. Le Roux. « Le plus compliqué, c’est de trouver des partenaires financiers, qui souvent vous claquent la porte au nez en vous expliquant qu’ils ne sont pas là pour financer vos vacances ». Mais les quatre groupes sont partis entre six mois et un an après le début de leur démarche. De toute façon, on ne peut pas tout planifier, précisent-ils : c’est d’ailleurs l’imprévu qui rend ce type d’expérience inoubliable.
Les nouvelles technologies, alliées des voyageurs solidaires
« Vous êtes une génération incroyable où tout est techniquement plus facile », fait remarquer M. Le Roux. A l’ère d’internet, chacun peut en effet donner et prendre la parole sur le net, créer son blog, son site web…Or, « l’enjeu est autant à bien comprendre les problèmes qu’à médiatiser les solutions », précise-t-il. Quelque chose que Christian de Boisredon a lui-même bien compris : « On s’est rendu compte qu’en parlant des initiatives, ça donnait aux gens l’envie d’agir ». Aussi a-t-il créé avec l’Unesco le prix concours Reporter d’Espoir, une fois revenu en France. Le but ? Changer la vision des médias et attirer leur regard sur des enjeux planétaires plus positifs. Il a aujourd’hui fondé Sparknews, une plateforme médiatique sur le web sponsorisant des projets de voyage : « je vais faire mon prochain tour du monde par procuration », plaisante-t-il.
Un voyage avant tout pour soi-même
Pour M. Le Roux, inutile de se voiler la face : un tel voyage, on l’entreprend avant tout pour soi-même. Maria Kostova explique qu’elle avait besoin de faire une pause dans une vie “un peu folle” : « Ce genre de voyage ouvre un champ des possibles démesuré, confie-t-elle. Les gens ont été tellement généreux qu’on éprouve l’envie de donner en retour ».
Dans l’assistance, une auditrice rappelle cependant que, si l’on a évoqué tout au long du débat des destinations très lointaines, les pays du pourtour méditerranéen, en pleine effervescence, méritent également l’attention des voyageurs solidaires. Peu après, les témoignages et projets d’autres membres de l’auditoire fusent, alliant curiosité, talent sportif, artistique…Témoins d’une jeunesse, elle aussi, en pleine ébullition.
Alizée Gau