Parler de la place des femmes dans l’entreprise implique nécessairement de faire entrer dans le débat la question de l’équilibre entre travail et vie privée. Comme si cet équilibre ne concernait que les femmes. Et pourtant, il est bel et bien devenu un critère déterminant pour les jeunes diplômés, hommes ou femmes, en quête de leur premier job. Que recouvre cet équilibre ? Comment l’atteindre sans rien sacrifier ? Éléments de réponse.
La charge mentale, le mal du siècle de la femme active ?
Récemment mis en lumière par la bloggeuse et dessinatrice Emma, le syndrome des femmes épuisées de devoir penser à tout dans le foyer touche aussi les femmes épuisées de toujours devoir faire plus ou faire mieux au travail. « Les féministes qui ont précédé ma génération ont obtenu péniblement une égalité de droit, encore relative. Cette égalité a impliqué l’émancipation des femmes par l’accession au marché du travail, ce qui leur garantissait d’avoir leurs propres revenus, donc une certaine autonomie financière. Mais au moment où elles ont accédé à l’emploi, les hommes n’y ont pas cédé de la place. Ils n’ont pas profité de l’occasion pour réduire leurs journées de travail et consacrer plus de temps aux tâches parentales et ménagères. Les femmes n’ont pas pu se délester de leurs responsabilités ménagères et cumulent maintenant leur journée d’emploi et leur journée de responsable du foyer. Les femmes ne pourront pas tenir ce rythme dans la durée », indique-t-elle.
3 questions à Emma, bloggeuse féministe et auteure de la web BD sur la charge mentale
« Je suis une féministe révolutionnaire ! »
Sur Facebook, son histoire a été likée 76 000 fois, partagée 215 000 fois et commentée par 21 000 internautes. Depuis plus d’un an, Emma, ingénieure informaticienne et « dessinatrice du dimanche » livre ses réflexions sur des sujets sociaux et féministes à travers une web BD détonante. Rencontre.
Être féministe c’est lutter contre les stéréotypes de genre ?
Bien sûr ! Mais il est compliqué de lutter contre ces stéréotypes issus de comportements liés à des conditionnements mis en place dès l’enfance. Difficile pour une femme de ne pas se sentir concernée quand on critique son intérieur, alors qu’on lui a mis de la dinette dans les mains depuis son plus jeune âge. Difficile pour un homme de se sentir concerné alors qu’on lui a dit au même âge qu’il était humiliant pour lui de toucher à ces jouets là ! Il peut être utile, si et quand on décide de vivre à deux, de définir les règles à l’avance. Car une fois dans le bain c’est beaucoup plus compliqué de négocier la répartition des tâches. Idem avant un projet d’enfant : discuter de qui fera les nuits, qui prendra des congés… Sinon ça se fait par défaut, et par défaut, ce sont les femmes qui récupèrent ces tâches.
On vous dit féministe et révolutionnaire : ces deux notions sont-elles toujours indissociables aujourd’hui ?
« Toujours » sous entendrait qu’elles l’ont déjà été ! J’aimerais bien mais je ne pense pas. Il y a toujours eu plusieurs courants féministes. Il n’est pas possible de discuter des inégalités de genre sans aborder celles de classe et de race : toutes les femmes subissent des discriminations, mais ça ne sera pas la même chose pour la patronne d’une grosse boîte et pour une habitante d’un quartier populaire obligée de cumuler trois boulots pour gagner même pas un SMIC.
Vous dites-vous parfois « si j’étais un homme les choses se passeraient autrement » ?
A peu près tous les jours ! Quand on m’interpelle dans la rue, quand on me coupe la parole en réunion, quand après une intervention filmée je reçois des dizaines de mails commentant ma tenue et / ou mon maquillage, quand on me reproche d’être trop agressive alors que je n’ai même pas élevé le ton… je continue ?