Vers des nouveaux standards en marketing

Les nouvelles technologies révolutionnent non seulement le monde des consommateurs mais aussi celui de ceux qui étudient leur comportement. Alors que la vague de nouvelles interfaces numériques submerge le consommateur sous une masse de communications marketing, le marketeur fait de son côté fait face à une démocratisation accélérée d’outils d’analyse de pointe, dont l’eye-tracking, la cardiométrie et physiométrie, la neuro-analyse, la spectrométrie, l’EEG et l’IRM . Développés en force depuis les années 2000 en neurosciences, psychologie et ergonomie, ces outils permettent un détail d’analyse encore jamais atteint avant en marketing, où, après près d’un siècle d’études trop macroscopiques ou trop spécifiques pour produire des résultats tangibles, cette nouvelle profondeur d’analyse semble nécessaire pour adapter le métier du marketeur à la réalité actuelle d’une économie incertaine et pour faire du marketing une science exacte.

Les détails qui font la différence
L’apport des nouvelles technologies d’études en marketing peut être illustré par le simple exemple d’une affiche publicitaire : nous savons qu’un mannequin attractif permettra d’augmenter les ventes, mais de combien ? Et pourquoi l’augmentation est-elle plus importante avec une affiche plutôt qu’avec une autre ? De combien changer de mannequin impactera les ventes ? Une étude marketing classique permettrait dans ce cas de comparer différentes affiches et de constater qu’elles influencent différemment l’attitude envers l’affiche et la marque ou encore la mémorisation. Cependant, cette étude ne répondra pas aux questions opérationnelles du marketeur, qui souhaite savoir ce qu’il doit faire pour maximiser le retour sur investissement avant même de concevoir l’affiche.
Une étude du LARA de l’ICD Paris et du PRISM de l’Université Paris1
démontre comment des recherches combinant l’eye-tracking, des mesures spectrométriques et tests psychologiques permettent de mettre en évidence des détails dans une communication marketing qui échappent aujourd’hui encore trop souvent aux marketeurs : en analysant l’influence du niveau de la rougeur de peau d’un mannequin dans une série d’affiches publicitaires pour de la lingerie, les chercheurs ont démontré que la préférence d’un modèle de lingerie dépendait à 11 % de la rougeur de peau du mannequin chez les femmes et à 18 % chez les hommes. Cet à dire, cette appréciation en apparence rationnelle d’un produit, était en réalité fortement influencée par une réaction inconsciente à un signal biologique, car la rougeur de la peau est un indicateur pour la fertilité chez une femme, qui incite un fort intérêt chez les femmes et surtout chez les hommes. La conclusion alarmante pour les praticiens : surant un photoshooting, la variation dans la lumière ambiante peut changer légèrement cette rougeur de peau et donc fortement influencer la perception des consommateurs.

 

La cuisine des agences experts
L’absence des nouvelles technologies d’études dans la vaste majorité des formations marketing aujourd’hui fait que les experts actuels de ses outils complexes sont issues de disciplines éloignées des sciences de la gestion. Faire étudier une communication marketing ou un nouveau site web par des agences dites « d’experts », employant des psychologistes et des ingénieurs, revient alors à demander à un chef de cuisine du Sichuan d’évaluer l’influence d’une nouvelle recette de pizza sur les consommateurs en Ilede- France. Certes, le chef de cuisine a les compétence pour évaluer des réactions gustatives mais comment pourra-t-il évaluer l’impact de cette recette sur les variables d’action marketing qui permettent de produire du retour sur investissement ? Ce sera alors aux chanceux étudiants formés dans une des rares facultés ou écoles de commerce ayant un laboratoire de recherche équipé de ces nouveaux outils de faire évoluer le métier du marketeur vers un nouveau standard.

 

Par Frederick T. Wehrle,
Responsable du Laboratoire Eye-Tracking du LARA ICD, ICD International Business
School, Doctorant, PRISM – Université Paris 1 Panthéon – SorbonneNanterre