Najat Vallaud-Belkacem
Najat Vallaud-Belkacem

Un ministère hyperactif

Les femmes ne sont pas oubliées par le Gouvernement Ayrault ; bien au contraire… Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, développe pour nous l’ensemble des avancées législatives faites en leur direction et nous précise quels vont être ses axes de travail pour 2014.

 

Najat Vallaud-Belkacem
Najat Vallaud-Belkacem

Pensez-vous que les mesures prises par le Gouvernement pour rétablir une fois pour toute l’égalité salariale entre les hommes et les femmes constituent le dernier round de cette forme de discrimination ?
J’ai fixé une échéance ambitieuse mais réaliste : 2025. C’est la date à laquelle, à l’aide des mesures du projet de loi pour l’égalité femmes-hommes, nous avons l’ambition de parvenir à l’égalité dans toutes les sphères de la société. Bien sûr, ce parcours se heurtera à certains conservatismes persistants. Mais nous nous donnons les moyens de mettre un terme à ces discriminations. Vous savez, pendant trop longtemps, on s’est contenté de la loi pour fixer des principes, sans chercher ni à l’accompagner dans les territoires ni à la faire appliquer effectivement. Nous devons donc utiliser tous les levierspour y parvenir. Premier levier : pour aider les entreprises à remplir leurs obligations légales, j’ai mis à leur disposition une plateforme internet de conseil (http://www.ega-pro.fr/) qui assure la mutualisation des meilleures pratiques que nous ayons mises en place avec les partenaires sociaux et les conseils régionaux dans neuf territoires d’excellence en matière d’égalité professionnelle depuis 1 an. Cet accompagnement est d’autant plus important pour les TPE et PME. 16 grandes entreprises françaises se sont engagées avec moi pour les accompagner en leur faisant bénéficier de leur expertise. Je crois beaucoup à cette approche. Deuxième levier :  le contrôle et, lorsque cela devient nécessaire, la sanction. Dès mon arrivée au ministère, j’ai pris à bras le corps ce dossier et fait adopter un décret qui rend effectif le dispositif de pénalités de 1 % de la masse salariale. Les résultats en montrent l’efficacité : 4 entreprises ont été sanctionnées, 402 mises en demeure et 2700 accords ont été signés depuis le début de l’année. Enfin, désormais, les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle ne pourront pas être retenues à des marchés publics. C’est une mesure inédite, forte, mais légitime car porteuse d’un signal essentiel : les dispositions du code du travail sur l’égalité ne peuvent demeurer inappliquées.

 

Les 40 mesures concernant l’instauration de la parité dans les instances des universités et de l’enseignement supérieur pourraient-elles également s’appliquer aux grandes écoles ?
Pour l’Université, la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche portée par Geneviève Fioraso a effectivement prévu des mesures fortes, en particulier pour inscrire la parité aux élections des instances universitaires. C’est une mesure à la fois historique et symbolique car nous marquerons une rupture dans l’histoire des Universités. Mais il y a d’autres mesures : l’intégration systématique de l’égalité femmes-hommes dans le dialogue contractuel entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et les établissements ; la promotion d’enseignements sur l’égalité dans toutes les filières ; des actions de prévention et de lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes dont le harcèlement sexuel ; le soutien aux recherches sur le genre dans les axes prioritaires de la programmation de la recherche.

 

Le problème des crèches concerne de nombreuses femmes au travail. Avez-vous des projets pour réduire le déficit de places ?
Hélas, vous avez raison : ce problème, bien réel, concerne en majorité les mères. Aujourd’hui encore, l’implication dans la vie familiale les pénalise trop dans leurs carrières professionnelles. Il s’agit d’une véritable injustice, car cela explique en grande partie les inégalités entre les femmes et les hommes en termes de salaires, de promotion ou d’accès aux responsabilités. Aider les femmes à s’éloigner moins durablement du marché du travail passe à la fois par une meilleure conciliation des temps de vie – c’est tout le sens de la réforme du congé parental que je propose –, et par la création de 275 000 nouvelles solutions d’accueil dont 100 000 places en crèches d’ici 2017. Le gouvernement s’est donné les moyens d’un programme ambitieux de création de places jusqu’en 2017, dont les trois quarts seront déployées dans les territoires où la tension est la plus forte. Notre priorité, c’est aussi la qualité et l’adaptation aux besoins des familles, en particulier les familles monoparentales. Un fonds d’accompagnement de plus de 600 millions d’euros permettra de répondre aux besoins d’accueil spécifiques, comme des horaires atypiques. Nous réserverons des places pour accueillir dans les crèches 10 % d’enfants issus de familles pauvres. Enfin, pour soulager les familles, j’ai fait adopter une mesure pour expérimenter la dispense pour les familles modestes d’avance du Complément de mode de garde qu’elles perçoivent de la CAF pour rémunérer leur assistant maternel ou leur garde à domicile. Cela concernera 140 000 familles pendant deux ans puis nous l’étendrons.

 

Que répondez-vous à ceux qui contestent la théorie du genre en estimant qu’elle est scientifiquement contraire à l’ordre naturel ?
La théorie du genre n’existe pas. C’est un ennemi imaginaire que se sont inventés certains opposants au mariage pour tous en mal de nouveau combat à mener. Quand on parle de genre, ce qui existe, ce sont les études de genre par exemple en sociologie ou en psychologie. La France a d’ailleurs du retard dans la structuration de cette recherche que tous les grands pays ont développé. De nombreux chercheurs s’intéressent à la façon dont la société organise une relation d’inégalité entre les femmes et les hommes. Leurs études sont très souvent pertinentes, éclairantes pour les pouvoirs publics et je soutiens volontiers les chercheurs qui s’intéressent à ce sujet.

 

Que recouvre concrètement cette formule : « Le 8 mars, c’est toute l’année ! » ?
Vous faites référence au slogan que nous avons adopté pour la dernière journée internationale des Droits des femmes, le 8 mars 2013.  Avec le président de la République, nous avons fait un choix : inscrire l’égalité tout au long de l’année en faisant de ce 8 mars non pas une journée sans lendemain mais bien davantage un tremplin pour valoriser toutes les actions locales ou nationales qui, tout au long de l’année, font avancer les droits des femmes et l’égalité. Nous avons donc référencé plusieurs les initiatives de centaines d’associations, d’entreprises, d’élus, d’administrations ou d’artistes qui nourrissent cette réflexion et agissent pour faire évoluer les mentalités, pour faire reculer les inégalités, chaque jour, partout en France. Dès que j’en ai la possibilité, je participe volontiers à ces manifestations.

 

Quelles réformes phares envisagez-vous de mettre en œuvre pour l’année à venir ?
Nous sommes entièrement tournés vers la mise en œuvre du projet de loi pour l’égalité femmes-hommes qui, après avoir été adopté par le Sénat sera en discussion à l’Assemblée nationale au début du mois de décembre. Cette loi porte quatre axes majeurs : l’égalité professionnelle, la lutte contre la précarité des femmes à travers l’expérimentation d’une garantie face aux impayés de pensions alimentaires, la lutte contre les violences faites aux femmes et la parité dans l’ensemble des sphères de la société. Parmi les mesures sur lesquelles nous serons très attentifs, revenons un instant sur l’expérimentation d’une garantie face aux impayés de pensions alimentaires, la lutte contre les violences faites aux femmes et la parité dans l’ensemble des sphères de la société. Parmi les mesures sur lesquelles nous serons très attentifs, revenons un instant sur l’expérimentation de la garantie d’impayés alimentaires. 10 Caisses d’allocations familiales mettront en place l’année prochaine cette mesure. Avec elles, nous regardons concrètement l’application du dispositif afin de vérifier son bon fonctionnement, s’assurer que le versement de la pension alimentaire se fera dès le premier mois d’impayés et anticiper les éventuels problèmes administratifs avant une généralisation du projet. Je voudrais aussi insister sur la question des violences faites aux femmes dont trop d’exemples nous montrent encore l’acuité dans notre société. Nous généraliserons dans tous les départementsà partir du 1er janvier le téléphone d’alerte pour les femmes victimes de violences. C’est une mesure concrète qui peut sauver des vies mais qui aide aussi tous les acteurs à s’organiser sur le terrain pour protéger et accompagner les femmes victimes de violences. Par ailleurs, nous travaillons avec tous les ministères à des mesures qui seront regroupées dans le plan interministériel de lutte contre les violences, arbitré à l’automne.

 

Patrick Simon