Par quels moyens la recherche publique et privée peuvent-elles contribuer à l’émergence de nouveaux modèles de croissance dans le cadre d’une économie en recherche continue d’innovation ? Toute la difficulté réside dans ce challenge décisif pour l’économie française que les pouvoirs publics et notamment le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a décidé de relever comme nous l’explique Ronan Stephan, Directeur général pour la recherche et l’innovation (DGRI)
Comment s’est réorganisée la recherche en France ?
L’idée trop longtemps répandue que la recherche publique travaillait repliée sur elle-même sans s’intéresser aux besoins par trop terre à terre de la société civile d’une part et aux formidables synergies qu’elle pouvait tirer à travailler de concert avec la recherche privée d’autre part, estobsolète. Pour y parvenir, la recherche publique a dû se transformer profondément avec pour objectif notamment de libérer la créativité des chercheurs et favoriser l’innovation.
Pour ne citer que les réformes les plus structurantes, je retiendrai trois dates : La loi programme pour la recherche d’avril 2006 a organisé le décloisonnement entre établissements d’enseignement supérieur et organismes de recherche autour de quelques grands sites universitaires. Elle a ainsi créé les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) et les réseaux thématiques de recherche en santé (RTRS). 21 PRES sont aujourd’hui opérationnels. Cette loi visait aussi à dynamiser l’innovation, sous l’angle, en particulier, d’un rapprochement mieux accompagné entre la recherche publique et la recherche privée.
La loi libertés et responsabilités des universités d’août 2007 constitue le socle de la réforme des universités françaises. Cette loi leur transfère une plus grande liberté dans la gestion de leurs moyens humains, financiers et immobiliers ; 73 des 83 universités sont autonomes depuis le 1er janvier 2011.
Et enfin, la réorganisation du ministère lui-même en mars 2009 a redéfini les relations du ministère avec les établissements d’enseignement supérieur et de recherche : Un ministère plus « stratège », mieux armé pour anticiper et proposer des initiatives d’évolution de notre système et de nos priorités scientifiques, Un ministère innovant qui privilégie une approche transversale de l’enseignement supérieur et de la recherche avec l’université au coeur du système, Un ministère agissant en toute transparence, avec des règles claires d’allocation des moyens et une contractualisation avec les établissements d’enseignement supérieur. Depuis, les derniers verrous qui freinaient l’activité inventive de nos chercheurs sont levés et les conditions sont réunies pour libérer pleinement notre potentiel d’innovation. La recherche partenariale a été développée avec les pôles de compétitivité, les instituts Carnot, les laboratoires communs de recherche, les Conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) et le doublement du crédit impôt recherche en cas de recherche confiée à un laboratoire public ; Avec le crédit impôt recherche, nous disposons d’un outil puissant pour renforcer l’effort de R&D privé et pour accroître l’attractivité du territoire français.
Quel est désormais le rôle du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ?
Si les capacités créatrices de nos chercheurs se trouvent renforcées par les importantes réformes entreprises, le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche n’en garde pas moins un rôle stratège. En 2009, l’élaboration de la Stratégie nationale pour la recherche et l’innovation (SNRI), fruit d’une large concertation, a permis de :
• fixer les grandes orientations de la France en fonction de choix éclairés,
• identifier les technologies clés,
• remettre la science au coeur de la société.
Trois axes prioritaires ont ainsiété définis :
Axe n°1 : La santé, le bien-être, l’alimentation et les biotechnologies
Axe n°2 : L’urgence environnementale et les écotechnologies
Axe n°3 : L’information, la communication et les nanotechnologies
La SNRI a conduit les grands organismes de recherche, d’une part, à se réorganiser autour d’instituts thématiques à forte visibilité et, d’autre part, à construire des alliances autour de grands thèmes de recherche porteurs d’avenir (Informatique et communication, sciences de la vie et de la santé, énergies du futur, environnement et développement durable). Si la créativité naît souvent de la liberté de chercher sans forcément viser d’applications concrètes (50% des financements de l’ANR restent dédiés à des programmes blancs), il est également essentiel de consacrer une part de ce potentiel d’innovation aux besoins prioritaires de la société civile. Avec la SNRI, nous disposons pour la première fois d’un outil qui oriente la programmation de nos opérateurs de recherche et de nos agences de financement vers les enjeux d’avenir qui seront aussi des domaines générateurs d’emplois.
Quels sont les objectifs des investissements d’avenir et les premiers résultats ?
Au-delà de ces réformes structurelles, dans lesquelles il convient également d’intégrer la création des Alliances (regroupement d’organismes de recherche autour de thématiques transversales) et de ces dispositifs de soutien à l’innovation (CIR, JEI…), le plan d’investissements d’avenir va nous permettre de réaliser un effort sans précédent pour soutenir la recherche et l’innovation. 22 milliards d’euros sur 35 sont d’ailleurs dédiés à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce plan se fonde sur une certitude majeure : le renforcement de la puissance de notre recherche et de notre capacité à innover permettra d’assurer l’avenir et la croissance de notre économie.
C’est pour cela qu’il a été décidé non seulement de miser sur notre exceptionnel potentiel de recherche scientifique, mais aussi de mettre en place les outils pour que cette force se traduise également au travers de l’innovation. Pour ce faire, des moyens considérables seront mis en oeuvre pour que la recherche française soit en pointe dans de nombreux domaines. Et pour y parvenir, un nouveau pacte entre la recherche publique et l’industrie, déjà expérimenté dans le cadre des 71 pôles de compétitivité, va être érigé comme modèle de fonctionnement.
C’est ainsi qu’un grand nombre d’appels à projets incitent voire nécessitent la participation d’entreprises privées. Et c’est là, une formidable opportunité d’échanges entre la recherche publique, l’enseignement supérieur et la recherche privée. C’est le cas notamment des Instituts de recherche technologique (IRT), dont les 6 premiers lauréats ont été annoncés le 9 mai pour un financement global de 2 milliards d’euros. C’est le cas également des 5 premières Sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) sélectionnées, qui bénéficieront d’un financement de 900 millions d’euros.
D’autres appels à projets des investissements d’avenir ont déjà permis de sélectionner des projets ambitieux, à l’instar des 52 équipements d’excellence, des 100 laboratoires d’excellence ou encore par exemple des 6 instituts Hospitalo-universitaires. Ces lauréats permettront à n’en pas douter de maintenir la France parmi les toutes premières nations en matière de recherche scientifique et de la hisser en matière d’innovation dans ce même peloton de tête.
Patrick Simon