Sinomed : l’innovation, méthode ENS

Des Cours Florent à Sinomed, il n’y a qu’un pas ! Acteur, chercheur, entrepreneur et inventeur de nombreuses technologies brevetées, Christophe Bureau (ENS 94), Vice-Président stratégie innovation du groupe est un touche-à-tout. Un passionné de R&D qui a trouvé dans cette société en passe de devenir leader mondial des dispositifs médicaux, un incroyable terrain d’innovation. Rencontre.

 

Les Cours Florent, une étape peu commune dans un parcours de VP ?

J’avais 27 ans et sortais de ma thèse de doctorat en physique quantique quand j’ai remporté le concours de la Classe Libre. Je faisais déjà du théâtre avec une troupe d’amateurs que j’avais créée à l’ENS. Nous étions allés jouer dans un festival Universitaire à Casablanca, avec Gad Elmaleh, alors éclairagiste d’Elie Kakou. Gad était à Florent, m’a poussé à passer le concours et m’a donné la réplique. J’ai joué avec Guillaume Gallienne, Laurent Laffitte, Thierry Neuvic. Pour la première fois de ma vie, j’ai foncé sans réfléchir et j’ai adoré ce sentiment de l’instant. Je me suis découvert un vrai goût pour cet art. J’ai eu mon premier et seul contrat d’intermittent à la sortie.

Pourquoi ce virage vers l’entrepreneuriat ?

Je suis d’abord retourné à la recherche, au CEA. J’y ai inventé une technologie de revêtements nanométriques. J’étais à fond dans la chimie quantique. Le CEA a poussé – à l’époque – l’essaimage de ses technologies prometteuses, et c’est la découverte du programme Challenge Plus d’HEC qui m’a donné le déclic. J’ai profondément hésité à me lancer, et mon épouse – normalienne également – a eu le mot juste : sauras-tu vivre avec l’échec ou le regret ? Je me suis lancé. En un an j’ai appris à parler business plan seconde langue, et tout s’est assemblé : l’expérience théâtrale qui me permettait de faire quelque chose de mes peurs en toute circonstance, le contenu scientifique que je maîtrisais évidemment et le sentiment de comprendre le gap entre technologie et business. Quand vous créez une startup, vous êtes un maillon entre une solution potentielle et un besoin, vous êtes régulièrement en représentation et vous devez savoir convaincre un investisseur que vous êtes ce lien. Les codes « non verbaux » ne sont pas les mêmes entre les technologues et les clients, vous devez vous faire caméléon.

Vos débuts dans l’entrepreneuriat ?

Je suis entré au CEA avant la fin de ma thèse et j’ai pris la direction du laboratoire quelques années plus tard. J’ai ensuite créé ma première startup, Alchimer, spécialisée dans les revêtements nanométriques de polymères pour le semi-conducteur. Alchimedics est née ensuite, sur la même technologie mais pour le revêtement d’endoprothèses vasculaires (stents) afin d’améliorer leur biocompatibilité. En 2012, j’ai vendu AlchiMedics à la société Sinomed.

Vos expertises étaient complémentaires ?

Effectivement. SINOMED développe des dispositifs médicaux en cardiologie interventionnelle. Le coating d’AlchiMedics lui a apporté une différentiation décisive en résolvant le problème dramatique de la cicatrisation des artères post-implantation. Nous avons donc allié nos expertises pour créer un produit phare, le BuMA , un stent à coating biodégradable optimisant la sécurité des patients tout en réduisant les coûts de santé. Aujourd’hui, plus de 780 000 patients portent ce stent dans 7 pays. Le BuMA a reçu récemment le marquage CE et sera commercialisé en Europe dans les années à venir. Il a également terminé son essai clinique aux Etats-Unis. Nous avons remporté le Prix de l’Innovation du Comité France Chine.

Pourquoi vous êtes-vous tourné vers une entreprise chinoise ?

Je me suis tourné vers la terre entière ! J’ai rencontré toutes les entreprises du stent, en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Inde… Quand vous êtes une startup, c’est le parcours du combattant d’arriver à convaincre des sociétés qui ont des implants sur lesquels appliquer votre technologie, que les distraits prennent pour un « simple vernis ». Sinomed a été plus visionnaire que les autres et m’a fait confiance. Dans la culture chinoise, la relation avec le risque n’est pas du tout la même qu’aux Etats Unis ou en Europe.

Quelles ont été les étapes de la stratégie de développement de Sinomed ?

Quand je l’ai connue, c’était une petite société de cinq personnes. La première étape a été de développer des produits médicaux avec des standards de qualité internationaux. Le focus a été de développer un produit unique apportant un fort bénéfice clinique et de le mettre sur le marché, démontrant ainsi une capacité à intégrer des technologies innovantes. Ce fut un succès puisque Sinomed s’est introduite sur le STAR market de Shanghai sur une valorisation de plus d’un milliard d’Euros. Le marché a reconnu le talent d’innovation de Sinomed, qui a maintenant pour objectif de développer son portefeuille de produits et de le déployer à l’international. C’est pour cet objectif que j’ai rejoint Sinomed récemment. Le chemin accompli, du CEA jusqu’à maintenant, a été long et tortueux, mais correspond assez bien à l’idée que je me faisais d’une vie professionnelle réussie.

Selon vous, quelles innovations vont bousculer la médecine du futur ?

Je pense tout d’abord que soigner le corps en minimisant le caractère invasif des opérations, se poursuivra de façon globale. Dans la cardiologie comme dans la neuro ou le périphérique, voire la chirurgie, on sait aujourd’hui intervenir de façon hyper ciblée pour minimiser l’impact sur les patients, tant physiologique que psychologique. On soignera mieux en faisant moins mal. Sinomed sera un des acteurs de premier plan dans cette tendance.

En dehors de ce segment, la médecine personnalisée, qui consiste à adapter les traitements en fonction des caractéristiques des patients et de leurs maladies, est promise à un grand avenir. Les cellules CAR-T constituent par exemple une nouvelle forme d’immunothérapie en plein développement : on adapte les cellules du patient pour les aider à reconnaître et détruire des cellules précises, cancéreuses notamment. Plus de « médicaments » à proprement parler, c’est notre propre système immunitaire qui fait le boulot.

Le métier sur lequel vous recrutez cette année ?

Du fait de notre segment d’activité, orienté sur les dispositifs médicaux, le domaine des matériaux, polymères ou métalliques, avec une forte culture « nano » reste un secteur où nous recrutons. De nouvelles innovations nous conduisent également à recruter dans le digital et la deep tech. Je m’intéresse aussi beaucoup aux profils plus atypiques qui sauront gérer des innovations de rupture.

Le moment de votre parcours à l’ENS que vous n’oublierez jamais ?

Le concours d’entrée reste un moment particulièrement fort. On ne réalise pas tout de suite la barrière qu’on a franchie. L’ENS est une école qui ouvre sur tous les possibles et apprend à apprendre, très vite. Elle construit des Jedi plus que des Storm Troopers. On en ressort avec tous les outils, pour devenir l’expert de ce qu’on veut, du théâtre à la cardiologie interventionnelle, de la pharma à l’automobile – où je suis passé également. Mais la voie reste (évidemment) à construire.

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