Responsabilité des politiques vis à vis de la marque Kärcher

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L’entreprise allemande Kärcher a diffusé un communiqué de presse en janvier dernier pour demander aux acteurs politiques français de cesser d’utiliser son nom dans les débats publics. Il ont, pour la société Kärcher, une responsabilité vis à vis de l’image véhiculée auprès du grand public. Certains s’étonnent de cette réaction alors que le nom de l’entreprise est mis sur le devant de la scène et que, d’une certaine manière, elle en profite. C’est fort mal connaître les problématiques des entreprises aujourd’hui et, en particulier, les efforts qu’elles doivent fournir en matière de responsabilité sociétale.

Une expression ancrée dans le paysage politique

La réaction de Kärcher fait suite à la sortie médiatique de Valérie Pécresse qui a dit vouloir « ressortir le Kärcher de la cave » pour « nettoyer les quartiers » et « remettre de l’ordre dans la rue », ces expressions étant issues d’une autre sortie médiatique : celle de Nicolas Sarkozy en 2005. A l’époque, alors ministre de l’intérieur mais dans les starting-blocks de l’élection présidentielle de 2007, il emploie le terme de « recours au Kärcher » pour évoquer le « nettoyage des cités ». Cette expression, qui a fait couler beaucoup d’encre, est devenu une sorte d’aimant pour la classe politique, attirant à la fois ceux qui cherchent une légitimité dans une certaine manière de traiter les problèmes des banlieues et ceux qui y voient un discours dénué de toute action concrète. La marque Kärcher est ainsi devenue, malgré elle, un symbole de lutte violente contre les problèmes gangrénant les cités.

La réponse de Kärcher

Le communiqué de presse publié le 11 janvier 2022 demande « aux personnalités politiques et aux médias de cesser immédiatement tout usage de sa marque dans la sphère politique », ajoutant que le groupe « se bat, depuis des années, pour que sa marque ne soit pas exploitée sur la scène politique française ». Kärcher fait valoir des éléments de droit qui concernent l’utilisation que l’on peut faire d’une marque qui ne nous appartient pas. Le groupe fait référence explicitement au droit : « la marque Kärcher est la propriété exclusive des sociétés Kärcher ». En effet, même si Kärcher est devenue une marque générique pour parler des nettoyeurs haute pression (comme Kleenex avec les mouchoirs en papier ou Zodiac avec les bateaux pneumatiques), elle reste une propriété privée. Son utilisation est donc soumise au mieux à ses propres autorisations. Mais le droit n’est pas le seul motif de réaction de Kärcher. Depuis plusieurs années, les entreprises déploient beaucoup d’efforts pour développer leur responsabilité sociétale. Or, en utilisant le mot Kärcher de façon inappropriée, les acteurs politiques sapent le travail d’institutionnalisation des pratiques responsables de l’entreprise.

La RSE de Kärcher

La plupart des sociétés de grande taille ont une politique de Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE). Cela signifie, pour faire simple, qu’elles attribuent des ressources et mettent en place des actions pour certaines causes : écologiques, humanitaires, égalitaires, etc. Les politiques RSE ont émergé au tout début des années 2000 à la suite notamment de l’affaire Enron. Elles se sont progressivement institutionnalisées jusqu’à la loi Pacte en 2019 qui a modifié la responsabilité des entreprises dans le code civil en intégrant les enjeux sociaux et environnementaux. Par ailleurs, elles vont de pair avec les changements de comportements des individus, notamment des jeunes, qui sont sensibles aux entreprises à mission. Dans le cas de Kärcher, la politique RSE est axée sur le développement durable et la neutralité carbone, le mécénat culturel (restauration de monuments) ainsi que les œuvres caritatives (financement de l’association SOS Villages d’enfants). Autant d’initiatives qui ne méritent pas d’être ternies par des polémiques stériles sur la manière de traiter les problèmes dans certains quartiers de grandes villes françaises.

Une réaction nécessaire

Sur le plan des actions figurant dans le rapport RSE de la société, il s’avère que les polémiques actuelles ont finalement assez peu d’impact. SOS Village d’enfants ne va pas s’arrêter de collaborer avec Kärcher parce que des candidats à l’élection présidentielle usent de sa marque. De plus, l’image négative renvoyée par l’utilisation détournée de la marque ne ternit pas l’image verte de l’entreprise. Sur ce plan, la réaction de Kärcher peut donc être jugée inutile. Mais sur le plan des valeurs et de l’image véhiculée, la situation est toute autre. En effet, les propos des politiques renvoient à des images de violence qui sont contraires aux valeurs de l’entreprise. Il faut rappeler qu’il s’agit d’une entreprise familiale allemande, ayant certaines valeurs sociales. Par ailleurs, comme toute entreprise, elle recherche des talents : elle a donc besoin de renvoyer une image positive et pacifiste auprès des jeunes générations, ses futures recrues. Elle a également des engagements vis-à-vis de ses clients qui eux-mêmes sont engagés dans une politique RSE. L’entreprise devait donc réagir pour montrer qu’elle était en désaccord avec les représentations de brutalité associées à ses nettoyeurs haute pression. Les entreprises ont des obligations sociétales et leur responsabilité est de veiller au respect de leur image.

Nulle entreprise n’a intérêt à soutenir la violence. La réaction de Kärcher est donc légitime et censée. La surprise vient plutôt des politiques qui ignorent cette responsabilité sociétale qui incombe aux entreprises.

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l’auteur est Roland Condor, PhD, professeur associé en entrepreneuriat, Titulaire de la Chaire Modèles Entrepreneuriaux en Agriculture EM Normandie, a déjà publié sur www.mondedesgrandesecoles.fr : La viande cellulaire va-t-elle remplacer elle de l’élevage ?

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