Marie-Hélène Therre

Représentativité : quels sont les enjeux ?

LES ENJEUX DE LA REPRÉSENTATIVITÉ DES FEMMES EN ENTREPRISE

 

La logique de performance est le moteur de l’entreprise, mais aussi le vrai moteur pour permettre la mise en oeuvre concrète d’une politique de mixité et d’égalité professionnelle homme-femme.

 

Marie-Hélène Therre

Les enjeux et donc les risques pour les entreprises dans une logique de performance sont de trois ordres :
• légaux : sommes-nous en conformité avec les lois ?
• ressources humaines : captons et retenons- nous les talents dont nous avons besoin ?
• économique : sommes-nous en phase avec notre marché et lisibles ? Répondonsnous aux attentes et besoins de nos clients et clientes ?

Les femmes ont investi le monde du travail depuis 40 ans. Elles sont globalement plus diplômées, et pourtant elles obtiennent des salaires inférieurs1, ont du mal à accéder aux instances de décisions et à diriger des projets ou programmes importants et stratégiques pour l’entreprise. Pourtant alors que l’augmentation de la représentativité des femmes, rend plus visible ces inégalités, encore peu d’entreprises sont exemplaires, preuve que les lois sur l’égalité2, qui sont bien sur parfaitement légitimes, ne suffisent pas à promouvoir l’égalité dans les faits. Par ailleurs, elles n’imposent pas de chiffres en matière de mixité, à l’exception de la loi Coppé-Zimmerman dans les conseils d’administration.

Les réseaux de femmes d’entreprises se sont développés et travaillent à attirer les talents féminins, mais aussi à les aider à se rendre visibles et à progresser dans l’entreprise. Des programmes de mentoring, coaching et tutorat se développent, qu’ils soient organisés par l’entreprise ou mis en oeuvre par les femmes elles-mêmes, qui s’organisent et s’entraident. Les talents potentiels ou affirmés choisissent de préférence des entreprises dans lesquelles elles peuvent évoluer et où, non seulement l’engagement de la direction en matière d’égalité est affirmé, mais aussi où le middle management est engagé, actif. Ainsi l’augmentation de la représentativité des femmes dans toutes les fonctions, y compris les plus hautes, peut favoriser la mixité dans un contexte d’égalité professionnelle.

De plus en plus d’entreprises cherchent à développer la mixité homme-femme pour des raisons de performances des projets et dans le fonctionnement des équipes. Les études économiques qui démontrent la corrélation entre la féminisation des équipes* et la performance économique sont maintenant nombreuses et homogènes dans leurs conclusions, quelques soient les critères d’évaluation de la performance. Par exemple, Mc Kinsey avec son étude « Women matter » montre une différence de rentabilité positive des capitaux employés de plus de 40 % pour les entreprises qui ont une forte proportion de femmes dans les comités de direction, mettant en valeur ainsi la mixité homme femme3.

Les plus grandes entreprises l’ont compris et c’est sans doute ce qui justifie leur politique affichée en faveur de la progression des femmes dans la hiérarchie. Rien n’est gagné cependant, car Mc Kinsey signale également que si 62 % des dirigeants de directions générales sont convaincus qu’avoir des équipes de direction mixtes a un impact positif sur la performance financière des entreprises, cette opinion n’est toutefois partagée que par 50 % des hommes du middle management seulement.3 Cette incompréhension et cette résistance passive ou active, les femmes la vivent au quotidien dans l’entreprise, ce qui explique qu’elles continuent à se heurter au plafond de verre, même si la direction générale de l’entreprise croit l’avoir supprimé et ne le voit pas. Cet enjeu est tel qu’une entreprise comme Accenture affiche et oeuvre pour une politique volontariste en faveur de l’égalité hommefemme comme un atout pour l’entreprise et consacre des moyens à convaincre ses clients4 de s’engager dans des démarches d’égalité pour développer la mixité. Car la mixité change le regard sur les affaires et la manière de les mener. C’est ainsi que l’entreprise peut développer son empreinte dans la société donc dans ses marchés et s’en rapprocher.

La prise de conscience sociétale par les acteurs de l’entreprise à tous les niveaux de la hiérarchie, de la nécessité de refléter dans l’entreprise la place des femmes dans la société est donc essentielle. N’oublions pas que les femmes représentent 50 % des clientes et plus de 80 % du pouvoir d’influence dans les décisions d’achat. Au-delà des justifications sur le plan civique de la juste demande des femmes pour une société plus égalitaire et ouverte à la mixité homme femme, il est plus que temps de prendre conscience que c’est aussi un formidable moteur de croissance et de performance, que notre société occidentale avec ses acteurs économiques aurait tout intérêt à mettre en oeuvre de manière proactive.

 

* à tous les niveaux de management
1 En 2009, le revenu salarial médian des femmes salariés âgés de 25 à 54 ans est inférieur de 16,4 % à celui des hommes de la même catégorie. Source : INSEE
2 Rappelons que chaque année, l’employeur doit engager des négociations avec les représentants du personnel sur ses objectifs en matière d’égalité professionnelle, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. Depuis le 1er janvier 2012, les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations légales, peuvent se voir imposer des sanctions financières.
3 Source : http://www.mckinsey.com « Sur la base d’une analyse de 300 entreprises dans monde. Ce lien entre mixité et performance économique se confirme dans quasiment tous les secteurs économiques. »
4 Le programme Accent sur Elles d’Accenture. Source : www.accenture.com

 

Marie-Hélène Therre et Aline Aubertin

 

Marie-Hélène Therre : Consultante-coach en développement des ressources humaines, spécialiste des dynamiques de groupes favorisant la mixité et évaluatrice de projets et experte Genre pour la Commission Européenne (FP7-Recherche & Innovation). Inégnieure ENSAIS, elle a managé pendant plus de 20 ans des équipes d’ingénieurs dans des environnements multiculturels et de grands comptes et piloté des projets stratégiques, dans le secteur du numérique. Présente de Femmes Ingénieures (2007-), membre de l’executive council de la Fédération Mondiale des Organisations d’Ingénieures (2008-) présidente fondatrice de la commission ‘Women in Engineering’ (2008-2011).

Aline Aubertin : European Marketing Manager chez GE Healthcare, elle a développe sa carrière depuis 25 ans dans le domaine du pilotage stratégique des ventes et de marketing de produits techniques. Ingénieur chimiste CPE Lyon et biologiste universitaire de formation initiale, Aline a complété son cursus par l’e MBA d’HEC. Elle est engagée pour la promotion des femmes scientifiques dans la société au sein de l’association Femmes Ingénieurs, dont elle est actuellement Vice-Présidente et dans l’entreprise au sein du Women Network de GE, comme dans le réseau interentreprises Inter’Elles.