Enseignement supérieur et entreprise : femmes d’exception ou exceptions faites femmes ?

Quotas ou objectifs chiffrés ?

Malgré les progrès manifestes de la mixité grâce notamment aux lois Copé – Zimmerman et Sauvadet, le plafond de verre plane toujours sur la tête des femmes. En effet, si en 20 ans, le nombre de femmes cadres a augmenté de 149 % (contre 49 % pour les hommes), leur accès aux postes à très hautes responsabilités fait toujours l’objet de blocages. Car si la politique des quotas imposant désormais aux CA des entreprises de plus de 500 salariés de compter au moins 40 % de femmes est efficace, afficher des femmes au top management semble plus complexe. « Il ne suffit pas d’annoncer qu’on souhaite voir plus de femmes à ces postes, il faut que les instances dirigeantes affichent clairement leur volonté de mettre des femmes à des postes à responsabilités très hautes. Cela nécessite de négocier en interne des objectifs de résultat chiffrés (au même titre que des objectifs de performance économique) dont la réalisation impacte la rémunération des responsables de leur mise en œuvre » indique Brigitte Gresy, Secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Détecter le sexisme

Il s’avère également essentiel de travailler sur la culture de l’entreprise pour évacuer le sexisme au travail. La nouvelle loi Travail s’impose d’ailleurs comme un atout en la matière en ce qu’elle définit pour la première fois de façon stricte de qu’est un agissement sexiste. « Pour faire reconnaitre l’agissement sexiste comme une discrimination, il faut réaliser un important travail de sensibilisation au sein même des entreprises. Cela passe bien sûr par la définition d’une série d’actes prohibés (du sexisme ordinaire à l’agression sexuelle) mais aussi par la mise en place d’un faisceau d’actions structurelles (politique de mixité, organisation du temps de travail…) et culturelles afin de montrer ce qui est excluant pour les femmes mais aussi ce phénomène d’autocensure qui pousse encore trop de femmes à s’exclure d’elles-mêmes », ajoute-t-elle.

De l’importance d’agir en amont

Mais tout cela n’est évidemment possible qu’à condition que les jeunes femmes osent passer le pas vers les formations qui leurs permettront d’assumer leurs ambitions. En effet, alors qu’elles ont souvent de meilleurs résultats scolaires tous domaines confondus, beaucoup de filières restent encore très genrées. Pour lutter contre ce phénomène, la CGE a signé en 2015 une charte suivant une feuille de route sur 3 axes. L’amélioration de l’attractivité et de la mixité des filières spécifiques où hommes ou femmes sont surreprésentés, d’abord. Ensuite, la sensibilisation obligatoire de tous les étudiants et étudiantes à l’égalité homme / femme. Une sensibilisation qui pourra s’accompagner d’un programme de coaching en négociation salariale. « Même dans les filières à dominante féminine, le salaire d’une femme est toujours inférieur à celui d’un homme en début de carrière. La raison est simple, si on lui propose un salaire dans la moyenne de son école, une femme (souvent touchée par le syndrome « de la bonne élève ») ne le discutera pas. En revanche un garçon valorisera toujours ses aptitudes et ses expériences complémentaires pour le faire augmenter » indique Marie-Sophie Pawlak, Responsable du groupe de travail Egalité femme / homme de la CGE. Il s’agit enfin de travailler sur la féminisation des écoles en tant qu’entreprises (on constate en effet encore un écart de 15 % entre les femmes et les hommes cadres de catégorie A). « C’est d’ailleurs dans cette dynamique qu’a été mis en place en 2015 un baromètre permettant aux grandes écoles de constater de façon objective l’état de leur politique en la matière ».

Aux armes étudiantes !

Alors que sa prof de maths déclarait qu’elle n’était pas assez bonne pour passer en S, Agathe Brusset a reçu cette année le Prix Etudiante Ingénieuse des mains de la Cdefi. Un goût du challenge que cette diplômée de l’ESTIA a mis au service de la féminisation de son école. « Dès la 1e année, j’ai été choquée par l’ambiance qui régnait dans cette assemblée étudiante trustée par les garçons : les blagues salaces, les yeux écarquillés quand une fille participait en cours… J’ai voulu faire bouger les lignes ! Si ma première tentative s’est révélée être un échec (sans doute par manque d’expérience), j’ai retenté ma chance en 3e année et j’ai reçu le soutien du Directeur de l’école dans la mise en place d’une politique de mixité favorisant le dialogue et la sensibilisation des lycéennes aux carrières scientifiques. » Aujourd’hui fière de voir ses actions récompensées, Agathe ne compte pas s’arrêter là. « C’est la preuve que je n’ai pas eu tort de me lancer dans ce combat. Ce prix me donne la légitimité pour le poursuivre dans ma vie professionnelle car c’est une question que je porte profondément dans mon cœur. »

Plus de place pour l’expertise des femmes dans les média ?

Des femmes, bien sûr qu’on aimerait les mettre en avant mais… on n’en trouve pas ! Pour mettre fin à cette idée reçue selon laquelle il n’y aurait tout simplement pas assez d’expertes à promouvoir dans les media, l’association Voxfemina agit pour rétablir l’équilibre des sexes à la télévision, à la radio et dans la presse. En effet, alors que 60 % des diplômés sont des femmes et que plus de 70 % des décisions d’achat sont faites par des femmes, on continue à interroger massivement (82 %) des hommes quand il faut avoir recours à des experts. Loin d’être un fait anecdotique, cela constitue un frein considérable à la progression des femmes dans les entreprises et dans la vie publique. Avec son opération Femmes en vue lancée en 2014, l’association s’est donnée pour objectif d’identifier et de présenter aux médias des femmes crédibles comme experts. Pour en savoir plus http://www.femmesenvue.eu/.

Un constat sans appel*

Une mixité rarement atteinte au lycée : 54.2 % de filles en lycée général technologique, 78,9 % en Bac L, 7,1 % en Bac STI2D, 43,8 % en lycée professionnel, 1,8 % dans la filière moteur et mécanique automobile et 97 % dans la filière travail social
Trop peu de femmes impliquées dans la création d’entreprise : 28 % dont 8 % dans le secteur de l’innovation.
Des écarts de salaire qui persistent : – 19,2 % dans le secteur public et privé, – 39,5 % dans les activités financières et assurance, – 31,1 % dans les activités comptabilité, juridique, gestion, architecture, ingénierie, contrôle et analyse technique.
Une chance moindre pour les femmes d’être cadres : elles représentent 14,6 % de la population active cadre (Vs. 20,2 % pour les hommes).
Le plafond de verre dans les sociétés cotées en Bourse :
• En France : 0 % des PDG, 13 % des membres exécutifs, 34 % des membres non exécutif (chiffre multiplié par 3 entre 2009 et 2015) Vs.
• En UE : 4 % des PDG, 14 % des membres exécutifs, 22 % des membres non exécutifs.
Les femmes sont sous représentées dans les émissions d’information (chiffres 2012-2014) : Arte 28,4 %, Radio France 22 %, Europe1 / RTL / RMC 21 %

* Chiffre issus du Rapport vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du Ministère de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes 2016