On le sait : le numérique est omniprésent dans nos vies, même si nous n’en avons pas toujours clairement conscience. D’ailleurs, avons-nous vraiment le choix ? Et jusqu’à quel point plébiscitons-nous sa présence dans nos vies et dans nos villes ? La Chaire Immobilier est allée poser la question aux étudiants de la génération Y.
L’OMNIPRÉSENCE DU NUMÉRIQUE
Outils, services, logiciels, applications numériques : le digital a désormais envahi nos vies. Le prospectiviste américain Jeremy Rifkin n’y voit d’ailleurs rien de moins que le fondement d’une troisième révolution industrielle, laquelle aurait débuté il y a un demi-siècle avec le développement des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication). De fait, nous utilisons nos outils numériques non seulement pour communiquer, mais aussi pour travailler, consommer, nous déplacer…. Nous ne pouvons plus, par exemple, nous passer de nos smartphones. Diverses études affirment que leurs propriétaires les consulteraient entre 150 et 220 fois par jour ! Naturellement, la génération Y serait la première concernée par cette addiction croissante. Le numérique est d’autant plus présent qu’il ne se résume pas aux terminaux que nous utilisons quotidiennement et dont nous avons, théoriquement, le plein contrôle. Un seul exemple : lorsqu’une personne valide sa carte de transports, la compagnie gestionnaire sait où il se trouve et à quelle heure et ce, grâce à la collecte de données qui est le propre du numérique. Celui-ci est donc partout. Jusqu’à quel point le voulons-nous vraiment ?
LE RAPPORT AMBIVALENT DE LA GÉNÉRATION Y AU NUMÉRIQUE
La dernière étude de la Chaire, Ville & Numérique, comment les étudiants français voient leur vie dans la ville de demain, amène justement à relativiser l’engouement de la jeune génération pour le tout-numérique. Inattendue de la part d’une génération décrite comme hyperconnectée, cette réserve est à même d’interpeler aussi bien les grands opérateurs de télécommunication que les adeptes de la smart city, pour lesquels la ville de demain ne saurait être que celle du quotidien à distance et de la big data.
De l’importance d’être connecté……
D’abord, une écrasante majorité (77 %) d’entre eux considère que le numérique est trop présent dans le quotidien des personnes de leur génération. Ils sont en revanche minoritaires (47 %) à estimer qu’il est trop présent dans leur propre vie… Conscients de leur dépendance, il la trouve en même temps trop marquée, surtout chez les autres. Les étudiants se révèlent ainsi convaincus que le numérique a envahi la vie des jeunes Français, mais qu’eux-mêmes sont mieux parvenus à en faire un usage raisonné.
… Mais l’intrusion menace……
Ensuite, les étudiants ne veulent pas d’un numérique invasif, qui les connaîtrait si bien qu’il menacerait le respect de leur vie privée. 58 % d’entre eux sont opposés à l’usage de la géolocalisation pour se voir proposer des offres commerciales. Ce chiffre grimpe à 78 % s’agissant d’utiliser le contenu des conversations mails pour se voir proposer des offres en rapport avec leurs centres d’intérêts.
… Alors que les rencontres physiques demeurent primordiales
Enfin, alors que l’on estime généralement que l’un et l’autre vont exploser dans les années à venir, ni le télétravail ni l’e-consommation ne remportent leurs suffrages : seuls 11 % estiment qu’ils travailleront principalement à distance, et seuls 22 % souhaitent faire leurs achats par Internet dans un avenir proche. Ainsi, dès qu’il est susceptible de limiter les déplacements, c’est-à-dire aussi les rencontres physiques et les interactions, le numérique suscite une réserve prononcée. En revanche, s’il permet de connaître à l’avance l’état de fluidité du trafic, ou d’être certain que le produit désiré est bien disponible en magasin, alors il est le bienvenu.
Le numérique est-il facteur d’amélioration de la qualité de vie ? La question mérite d’être posée même si c’est, à certains égards, incontestable. Le quotidien à distance n’a pas vraiment leurs faveurs, tandis que l’invasion numérique les interpellent voire les effraient. On en retiendra a minima que le numérique doit rester un simple outil, au service d’un projet social et politique clairement défini.
Par INGRID NAPPI-CHOULET, Professeur,
Titulaire de la Chaire Immobilier et Développement Durable de l’ESSEC Business School et SIMON LABUSSIÈRE, Chargé de recherches, Chaire Immobilier et Développement Durable de l’ESSEC Business School