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Bonjour à tous,
A l’extrême ouest de l’Afrique, une élancée de terre rouge dans l’océan Atlantique, nous sommes à Dakar. Le vent balaye le sable des rues encore en construction et le vacarme des innombrables chantiers fait concurrence aux appels à la prière des minarets. Dakar comptait encore 10 000 habitants il y a un siècle à peine et connait aujourd’hui une immense croissance sous une pression démographique toujours plus grande. Une ville en pleine expansion et mutation, qui se démarque de nos précédentes expériences sur de nombreux plans.

La situation sénégalaise en termes d’économie circulaire est bien différente de tout ce que nous avons rencontré jusque alors. Ici, l’économie circulaire fait partie du paysage, c’est l’économie de la débrouille, de la récupération, voire de la survie. Si le taux de recyclage à Dakar avoisine les 80% (contre 20% à Paris!!), la ville le doit avant tout aux 3 000 collecteurs de déchets qui travaillent et vivent dans l’enfer de Mbeubeuss, décharge géante ou finissent chaque jour 2 000 tonnes de déchets. Mais cette économie de la débrouille, du bon sens en quelque sorte reste en grande partie informelle. Bien qu’efficace, ce système n’est ni souhaitable ni durable, et n’est pas encore à la hauteur des opportunités que l’économie circulaire pourrait représenter pour le Sénégal.

En effet, comme plusieurs pays d’Afrique, le Sénégal est aujourd’hui à un stade crucial de son développement. Le pays a affiché un taux de croissance de près de 7% en 2015 et doit décider des orientations à prendre pour son avenir. L’idée d’un modèle de développement nouveau émerge, un développement à l’africaine, différent de celui des pays du nord qui permettrait de ne pas répéter de nombreuses erreurs. Les initiatives se multiplient et font bouger les lignes, qu’elles soient l’œuvre de la mairie, d’ONG ou d’entrepreneurs. L’économie circulaire, vecteur de développement local, semble pouvoir répondre à une partie des défis de la ville et même du pays.

Nous vous emmenons donc à la rencontre de Macoumba et Jean-François, qui ont réussi le tour de force de transformer en 5 ans un simple projet d’ONG en leader du recyclage plastique au Sénégal, d’Adama, fondateur de JokkoSanté et lauréat de l’African Entrepreneurship Award 2015 ou encore de Station Energy qui propose des services de location d’énergie propre dans les zones les plus isolées du Sénégal.  Des projets résolument positifs et optimistes, faisant écho au proverbe sénégalais « nit, nitay garabam » [l’homme est le remède de l’homme], qui prend tout son sens après 6 semaines à Dakar.

Travail avec les entrepreneurs

Station Energy – Démocratiser l’accès à l’énergie

Selon les Nations Unies, 70% des habitants d’Afrique Subsaharienne n’ont pas accès à l’électricité. Le Sénégal ne fait pas exception. Dans de nombreuses zones rurales, les habitants parcourent des km pour charger leur téléphone et dépensent beaucoup d’argent pour des services de mauvaise qualité (piles, bougies, lampes à pétrole…).

 

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En 2012, grâce à des points de vente inspirés des stations d’essence, Station Energy a décidé de s’attaquer à ce problème. Le concept ? Une boutique qui propose des services de location de batterie, charge de téléphone, vente de produits frais, diffusion d’évènements sportifs… le tout intégralement alimenté par l’énergie solaire. Dernière innovation en date : une boutique mobile, intégrée dans un container, avec panneaux solaires sur le toit.

L’initiative permet de créer des emplois locaux pour gérer la boutique, d’en finir avec les km à parcourir pour charger un téléphone, d’alimenter des lampes avec l’électricité des batteries louées plutôt qu’au pétrole et de fournir un accès à l’énergie à très bas coût tout en étant rentable! 5 boutiques ont déjà ouvert leur portes au Sénégal et une en Côte d’Ivoire, à suivre…

Découvrez en plus en lisant notre étude de cas (disponible très prochainement!) et retrouvez toute l’actualité de Station Energy sur : www.station-energy.com/

 Les impacts de Station Energy :

Le difficile accès à l’énergie dans certaines zones du Sénégal est un véritable frein au développement. Un handicap conséquent pour les étudiants comme pour les travailleurs auquel de nombreuses ONG et entreprises tentent de répondre. La solution la plus courante est la vente d’équipements d’éclairage solaire mais les systèmes en question sont souvent couteux et nécessitent beaucoup d’entretien.

De nombreuses études sur les impacts positifs de l’éclairage solaire pour des clients à faibles revenus existent. Lighting Africa commercialise des kits solaires en Afrique et a synthétisé plusieurs études d’impact. En s’appuyant sur ces données, nous pouvons obtenir de nombreuses informations sur les impacts de l’installation d’une boutique Station Energy :

Environnementaux

  • Environ 60 millions de foyers s’éclairent de façon traditionnelle en Afrique (kérosène ou bois). Cette activité est responsable de l’émission d’environ 20 millions de tonnes de C02 par an. Avec un éclairage solaire il n’y a plus d’émissions de CO2 pendant l’utilisation du produit.
  • Pour être exact il faut  prendre en compte les impacts de la fabrication, du transport et de la fin de vie des équipements solaires (Batteries + panneaux photovoltaïques). En moyenne, un panneau photovoltaïque produit l’énergie de son cycle de vie en 5 ans. Pour les batteries comme pour les panneaux solaires, la fin de vie est un enjeu crucial car ils contiennent de nombreux produits toxiques (plomb, lithium…).

  Économiques

  • Selon les régions, les dépenses en éclairage traditionnel représentent 10 à 25 pourcents des dépenses du ménage. Un kit solaire permet de réduire cette facture mais nécessite un investissement initial. En louant les équipements, Station Energy supprime cet obstacle et rend le solaire plus accessible.

Proplast – Le plastique, Ordure ou Or Dur ?

A Dakar, la gestion des déchets et du budget qui y est associé est un véritable enjeu politique entre le gouvernement et la ville, ce qui empêche la mise en place d’un système pérenne, avec une vision long-terme. Résultat : une grande partie des déchets finissent dans la rue puis dans la mer, en particulier les déchets plastiques, difficiles à valoriser.
Face à ce constat, l’ONG italienne LVIA Sénégal met en place en 1999 un centre de tri et recyclage du plastique à proximité de Dakar.

 

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Le centre employant 14 femmes et 100 collecteurs est repris et transformé en SARL en 2010 par un français et un sénégalais. L’affaire devient rentable en 2014 et emploie aujourd’hui 200 personnes ainsi que 1800 collecteurs.
Un très bel exemple d’initiative qui a réussi à passer du statut associatif et subventionné à celui d’entreprise rentable, tout en conservant sa mission sociale. Le centre traite plus de 2000 tonnes de déchets par an et garantit un approvisionnement local, compétitif et d’excellente qualité aux industriels du plastique sénégalais.

Découvrez en plus en lisant notre étude de cas : https://lc.cx/4LGt  et retrouvez toute l’actualité de Proplast sur son site internet!

Impacts de Proplast

La gestion des déchets à Dakar en est encore à ses balbutiements. Aujourd’hui, lorsque l’on produit un déchet il finit toujours par se retrouver au mieux dans la décharge de Mbeubeuss, au pire dans la seconde décharge de Dakar, la mer.
En apportant une solution pour valoriser de nombreux déchets plastiques, Proplast est d’une grande aide pour la ville de Dakar et a de nombreux impacts positifs :

  • Recycler une tonne de plastique permet d’éviter la production d’une tonne de plastique vierge et donc la consommation de 800kg de pétrole brut.
    On évite également la lente décomposition (400 ans) des déchets plastiques en particules toxiques qui contaminent le sol et l’eau avant d’entrer dans la chaîne alimentaire lorsque les animaux les consomment accidentellement.
  • En mettant en place une chaine d’approvisionnement locale, Proplast crée des emplois locaux. De plus, les collecteurs sont payés 20FCFA/kg de plus qu’avec les acteurs classiques.
  • Le prix auquel Proplast revend le plastique est sensiblement égal à celui des fournisseurs internationaux. L’avantage compétitif de Proplast : un approvisionnement local et donc plus fiable.

Un aspect particulièrement intéressant de l’initiative Proplast est sa transition d’un statut de projet subventionné d’ONG à celui de SARL rentable. Cette métamorphose récente a permis à l’initiative de changer d’échelle tout en conservant sa mission sociale et en démultipliant ses impacts environnementaux. L’évolution a été accompagnée par le cabinet de conseil ESPERE qui a rationalisé l’activité industrielle de Proplast, en mettant notamment en place le travail de nuit. La transition est une grande réussite en partie grâce à la détention de 85% des parts de la société par les femmes travaillant initialement dans le projet.

Adama Kane – JokkoSanté, la trousse à pharmacie communautaire

Avec AirBnB, lorsque vous n’utilisez pas votre appartement, vous ne le laissez pas prendre la poussière. L’idée d’Adama : dépoussiérer la boite à pharmacie en la faisant passer de l’échelle familiale à l’échelle communautaire. Le concept est simple : à la fin de son traitement, chacun peut ramener à la pharmacie ses médicaments en surplus pour cumuler des points, et racheter ultérieurement des médicaments à moindre coût grâce aux points cumulés. Toutes les transactions se font de manière sécurisée par SMS et il suffit de posséder un téléphone mobile pour rejoindre la communauté.

 

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Une initiative d’autant plus pertinente au Sénégal où les dépenses en médicaments représentent plus de 50% des dépenses de santé, alors que 80% de la population active ne dispose pas de couverture médicale et que le salaire moyen avoisine les 100€ par mois. Malgré cela, la consommation de médicaments n’est pas optimisée et ceux-ci s’accumulent dans les boites à pharmacie familiales jusque à péremption.

Après une phase pilote d’un an avec plus de 600 bénéficiaires, Adama a remporté le premier prix de l’African Entrepreneurship Award et 150 000 dollars pour développer son projet.

Découvrez en plus en lisant notre étude de cas https://lc.cx/4ubC et retrouvez toute l’actualité de JokkoSanté sur http://www.jokkosante.org/

Les impacts de JokkoSanté :

Lorsqu’un médicament est périmé au Sénégal il finit dans la poubelle générale. A partir de là, plusieurs possibilités :

  • N’étant pas recyclables, les médicaments finissent en décharge ou dans la nature et les molécules actives (antibiotiques, hormones de synthèse…) qu’ils contiennent présentent un risque pour l’environnement. Ces risques sont encore difficiles à quantifier, peu d’études ayant été menées sur le sujet.
  • Les médicaments sont récupérés et revendus illégalement. Ces médicaments périmés et délivrés sans ordonnance représentent un véritable problème de santé publique au Sénégal et en Afrique, où ils représentent près de 10% des médicaments en circulation et sont responsables de centaines de milliers de décès chaque année.

La solution proposée par JokkoSanté permet d’optimiser la consommation de médicaments et d’éviter des répercussions néfastes sur l’environnement. Le contrôle de la distribution des médicaments par du personnel qualifié prévient les risques de mauvaise utilisation.

Enfin, le système de points développé par JokkoSanté rend les médicaments financièrement plus accessibles aux malades. Une conséquence directe est d’augmenter la fréquentation des centres de soin dans lesquels ils sont distribués.

ReCube à Dakar, c’était aussi :

1 Avril 2016 : Soham Wardini – La marie de Dakar et l’économie circulaire

A peine arrivés à Dakar que nous voici déjà à l’Hôtel de Ville où nous avons la chance de rencontrer la première adjointe au maire, Mme Wardini. Elle qui s’était rendue à Paris au moment des états généraux de l’économie circulaire qui se sont déroulés du 14 au 16 septembre 2015, nous a décrit les différentes actions de la ville en matière d’économie circulaire. Agriculture urbaine de quartier, mobilier urbain en matériel recyclé ou encore développement d’un isolant thermique à l’aide d’une plante invasive du fleuve Sénégal, le sujet est d’actualité ! Nous avons par la suite pu rencontrer Mme Boly, la spécialiste du sujet à la mairie. Une aide précieuse, un grand merci!

 

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6 Avril 2016 : Haidar El Ali – Le Nicolas Hulot sénégalais

Haidar el Ali, grand militant écologiste d’Afrique de l’Ouest et ancien ministre de l’environnement sénégalais, nous a reçus à l’océanium de Dakar.

Face à l’océan et avec son franc-parler qui le caractérise, Haidar nous a parlé de ses nombreux projets dont l’océanium fait partie. Replantation de 30 millions de palétuviers dans la mangrove, création de la première aire marine protégée du pays, interdiction de la vente de sacs plastiques au Sénégal… La liste de ses actions pour la protection de l’environnement est longue.

Sans illusions, mais toujours optimiste et combatif, Haidar nous a mis sur la piste de nombreux projets au Sénégal.

~ 14 au 17 avril : séjour en Casamance chez Haidar el Ali ~

19 Avril 2016 : Atelier d’évaluation de l’impact d’un entrepreneur avec MakeSense

Nous avons réalisé avec des volontaires du réseau d’entrepreneurs MakeSense une évaluation de l’impact social, écologique et économique de la fabrication de couches lavables au Sénégal en s’appuyant sur la méthodologie que nous co-développons avec Future of Waste. Résultat des courses après plusieurs heures de travail : les couches lavable sont 4 fois plus accessibles et génèrent 200 fois moins de déchets que les couches jetables. A cela il faut ajouter les impacts sur l’économie locale et la santé, plus difficiles à quantifier.

 

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25 Avril 2016 – Rencontre avec les récupérateurs de Mbeubeus

Nous nous sommes rendus à la décharge de Mbeubeuss, lieu où finissent les 2 000 tonnes de déchets quotidiennement produits par la région de Dakar, afin d’échanger avec les responsables de l’association Bokk Diom des Récupérateurs et Recycleurs de Mbeubeuss, les « Boudioumanes ». Car Mbeubeuss, c’est avant tout 3 000 travailleurs informels, hommes, femmes et enfants, venus des 4 coins du pays, qui vivent et travaillent dans la décharge. Le tri des déchets et la revente des matières premières génèrent chaque jour près de 20.000€ de revenus.

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La décharge de 60 hectares est devenue une véritable ville dans la ville, avec son organisation, ses quartiers, ses maisons, et même une école et un centre de soin.

Cependant, les images apocalyptiques d’amas de déchets, de nuages de poussière, de rejets de méthane et de pneus en flammes dégageant une lourde fumée noire laissent entrevoir les effroyables conditions de vie et de travail des récupérateurs. Malgré son efficacité, le système de Mbeubeuss reste une bombe écologique et sociale.

Pour plus d’immersion, regardez le très bon film de Nicolas Sawalo Cissé :http://www.africultures.com/php/index.php?nav=film&no=16833

26 avril 2016 : Participation à une table ronde sur l’entrepreneuriat social à l’IAM

Nous étions à l’Institut Africain de Management (IAM) pour participer à une MKS Room. Les MKS Room sont des événements live, mêlant performance musicale, culturelle et échanges avec des entrepreneurs sociaux. Et cette fois, les entrepreneurs sociaux c’était nous, ReCube, mais aussi Nomade des Mers (que nous avions déjà rencontrés à Casablanca), un projet collaboratif et itinérant de recherche sur l’innovation low tech et 3000ecomen, une entreprise qui construit des maisons à partir de déchets au Sénégal. Une belle opportunité de faire découvrir l’économie circulaire et les entrepreneurs rencontrés sur notre route.

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22 et 29 Avril 2016 : Interventions à l’ISM Dakar

Nous avons réalisé deux interventions auprès des étudiants de l’Institut Supérieur de Management (ISM), notamment dans le cadre de la semaine de l’environnement organisée dans l’école. L’occasion de présenter quelques-unes de nos découvertes circulaires Jokko$anté, EcoWorks, Ciclo Orgânico, d’échanger avec les étudiants et de rencontrer Fary Ndao. Ce Sénégalais de 28 ans a partagé avec l’assemblée une réflexion passionnante sur la notion de développement.

Un message profond et à la forme travaillée qu’il déclame également en slam :https://www.youtube.com/watch?v=E6PFe5a1qI8. On est fan !

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Jërë jëf pour l’accueil et merci Sandrine pour l’organisation!

Notre coup de coeur : 3000 ecomen, un pneu d’imagination dans votre maison !

3000 ECOMEN, c’est l’histoire de Laurent Libre, un français qui a développé en 2014 une technique innovante de construction, où les fondations du bâtiment sont réalisées à l’aide de couches de pneus issus du recyclage, remplis de graviers et montés en quinconce. On obtient ainsi des fondations très solides (un pneu supporte une charge de 72t) et avec d’excellentes propriétés isolantes.

 

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Le potentiel de l’initiative est immense à Dakar où les filières de valorisation des déchets en sont encore au stade embryonnaire. Le défi de Laurent depuis maintenant 2 ans : construire au Sénégal des habitations entières avec comme matière première principale des déchets.

Et l’initiative ne s’arrête pas là. Pour toujours plus exploiter le potentiel du réemploi au Sénégal, 3000 ecomen réalise des projets de mobilier urbain à Dakar et Saint Louis, forme des maçons sénégalais à la technique de construction avec les pneus, organise des workshops et des ateliers de sensibilisation dans les écoles.

Par ici pour en savoir plus : http://www.3000ecomen.com/

ReCubistics :

  • 32 thiebou dieune, où riz poisson, le plat national sénégalais
  • 17 projets circulaires repérés (entrepreneurs, ONG, étudiants…)
  • 15 heures de travail dans la pépinière d’arbres d’Haidar el Ali en Casamance

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vec l’accueil, l’aide, le temps, les conseils, mises en relations…  de Juliette, Cédric, Jean de Dieu, Pape Doudou, Julien, Soham, Mamba, Nafi, Haidar, Adama, Jules, Raphaël, Babacar, Sandrine, Antoine, Sabine, Arthur, Jean-François, Diaty, M. Lo, Jean, Théo, Alex, Mamadou, Kagnene de Cagnene… Un IMMENSE merci! 

A très vite depuis Abidjan !

Un grand merci à nos généreux partenaires et KissKissBankers

 

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