« En trente années d’activité professionnelle en Marketing et Ventes, dans différents pays, j’ai eu l’opportunité de recruter et gérer de nombreux collaborateurs. J’ai vu de nouveaux métiers apparaître : Business Segment Manager, Market Intelligence Manager ; Pricing Manager, Retail & Trade Marketing Manager… Les mots clés du moment : pricing et services. Zoom sur ces nouvelles professions dont le but avoué est de valoriser l’entreprise. Plus récemment, dans le cadre de cours ou d’animation de Business cases en écoles de commerce, je me suis replongé dans l’analyse des métiers du commerce. » 30 ans d’expérience en Vente, Achats, Gestion et Marketing dans différents pays d’Europe, Amérique du sud, et Asie, dans le domaine de l’équipement automobile.
Dans mon entreprise, nous avons structuré les métiers du commerce autour de 3 domaines d’activité et des compétences :
« Go-To-Market » : toutes les fonctions Marketing et la stratégie de Distribution
Etudiants-Juniors
« Account Management » : vente de terrain et l’animation de comptes
« Demand-To-Cash » : tous les métiers supports essentiels, de la prévision jusqu’au service après-vente en passant par la Supply Chain et la vente au téléphone
L’objectif n’est pas de passer en revue tous ces métiers mais d’essayer de donner un éclairage actualisé sur ceux du Marketing, qui, à mon sens, représentent un enjeu pour les entreprises. « Marketing », « Vente », … les liens sont étroits … Il s’agit toujours de comprendre et d’agir sur le marché. Les passerelles entre les fonctions commerciales sont fréquentes et mènent au « Business Development » recherché par toutes les entreprises.
Les 4P : product, Place, Price, Promotion
Jeune diplômé, armé de mon « Kotler et Dubois », je m’efforçais de mettre en pratique les « 4P » (Product, Place, Price, Promotion). A l’époque, la concurrence existait mais les consommateurs étaient moins informés, sollicités ou exigeants. Les offres étaient moindres et leur mise en oeuvre moins sophistiquées. On vendait un produit dans un circuit bien identifié et souvent spécialisé, à des prix qui couvraient les frais et même plus ! Les moyens de communiquer permettaient de cibler le groupe d’utilisateurs recherché. Cette segmentation de l’approche marché s’est révélée insuffisante en raison de l’évolution des moyens et techniques pour communiquer, transporter, apporter des services, … auprès de clients de plus en plus diversifiés, avertis, et exigeants. Les « 3P » additionnels (« Process », « People » et « Physical evidence ») mettent en évidence des exigences nouvelles et, avec elles, des métiers modernes, plus pointus, porteurs de valeurs pour nos entreprises, et auxquels les écoles de management et les jeunes diplômés devraient accorder plus d’intérêt.
Le marketing par pays, zone et ligne de produit
En quelques années, des fonctions sont apparues au sein du Marketing avec de plus en plus d’importance et sont souvent devenues de nouveaux métiers. une quarantaine de métiers dans le seul domaine du Marketing (souvent dans une déclinaison Pays/Zone/ Ligne Produit) : Directeur Marketing – Business Segment Manager – Operational Marketing Manager – Market Intelligence Manager – Market Research Manager – Pricing Manager – Communication Manager – Service Marketing Manager – Distribution Development Manager – Retail & Trade Marketing Manager – Customer Engineering Support Manager (or Specialist) – Product Survey Technician – Business Analyst – Customer Experience Manager – Product Category Manager – Influencer Marketing Manager – Online Marketing Manager – Master Data Owner – Master Data Quality Manager – Master Data Administrator – Process Data Manager – Marketing Data Analyst – Product Usage Field Technician – Field Usage Performance Analyst – Business Strategy & Planning Manager (OE) – Innovation Development & Deployment Manager (OE) – Go-To-Market Project Manager – Product Marketing Manager – Consumer Service Manager (or Advisor) – Franchise Manager – Standard Operating Procedures & Training Manager … Toutes ces professions impactent les notions stratégiques de Pricing et de gestion des Services.
Le Pricing ou l’art de savoir manier les prix
Pour schématiser, admettons qu’une entreprise à vocation industrielle aurait historiquement l’habitude de fixer ses prix à partir de ses prix de revient. Elle appliquerait la méthode dite du « Cost Plus » lui permettant de couvrir ses coûts, ses frais et ses marges. Les hausses de tarifs et les éventuelles actions commerciales se faisant de manière parfaitement linéaire. Les conséquences sont soit de « mourir riche » (je ne vends plus rien mais j’ai une superbe marge unitaire !), soit d’être victime de son succès (je perds sur chaque produit vendu mais je me rattrape sur la quantité !). A l’autre bout de l’échiquier, une entreprise « nouvelle entrante » sur un marché, va chercher à se positionner pour prendre des parts de marché, en général au leader du segment visé, en adoptant un « price point » en dessous des niveaux de prix de ce leader. Cette stratégie dite « Market Minus » peut permettre de se créer relativement facilement et rapidement une clientèle mais peut aussi priver l’entreprise de l’optimisation de tout son potentiel de valeur.
Le mot est lâché : « valeur »
Parmi la petite vingtaine de méthodes de fixation des prix (je vous laisse chercher !), une seule permet à un vendeur de capter de la manière la plus complète et la plus juste possible jusqu’où un client est prêt à aller pour acquérir son produit ou service. En d’autres termes, quelle valeur (tangible, rationnelle, pratique, matérielle, objective … ou pas !) le marché accorde-t-il à mon produit ? Par le truchement de questions plus ou moins directes, le bon vendeur obtient les informations nécessaires à l’optimisation de sa marge. En face, le jeu de l’acheteur moderne et efficient consiste à donner suffisamment d’éléments au vendeur pour le maintenir motivé, sans pour autant tout/trop dévoiler. Il doit savoir « donner envie de vendre » à tous les fournisseurs potentiels pour ensuite avoir le choix du meilleur ! J’ai eu la chance de travailler aussi aux Achats ces dernières années. Après 25 ans de marketing et ventes, quelle expérience passionnante ! En particulier quand il s’agissait de rencontrer des vendeurs dont vous connaissez (presque) tous les trucs ! L’importance est de bien apprécier la valeur des choses pour pouvoir bien acheter ou vendre. Je suis persuadé qu’après avoir optimisé tous les postes de coûts, les entreprises ont dû apprendre à optimiser leurs marges. C’est ainsi que le métier de Pricer (ou Pricing Manager) a pris beaucoup d’importance. Bien cibler les positionnements prix ou les actions commerciales en fonction des attentes et caractéristiques des clients et de ce que le marché est prêt à payer, voilà l’enjeu et toute la valeur ajoutée d’une fonction clé telle que le Pricing dans une stratégie Marketing. Le « Pricer » doit vraiment être bien intégré dans la stratégie de l’entreprise, en connaître les forces et faiblesses ; il doit aussi avoir une parfaite connaissance du marché dans sa segmentation la plus pertinente. Il doit faire la synthèse parfaite entre les enjeux économiques et les opportunités commerciales. C’est un travail difficile mais générateur de grande valeur.
Parlons « Services » ou comment créer une relation avec les clients
Nous observons tous la tendance générale des marchés où les marges produits s’amenuisent et où il faut apporter toujours de nouvelles solutions pour garantir nos marges. Tout le monde propose et vend la même chose mais y-a du vrai dans cette affirmation. Des banques qui vendent de l’assurance et de la téléphonie mobile ; la Poste ou les Mutuelles qui vendent des services bancaires. Dans le secteur automobile, les acteurs vendant au départ qui des voitures, qui des pots d’échappement, qui des plaquettes de frein, etc. ont tous convergé vers la vente de pneumatiques. Chacun essaie au maximum de profiter de toutes les occasions pour créer du trafic et optimiser le one-stop-shopping. Pour attirer plus de clients, on diversifie son offre et on capte de nouveaux clients souvent par des prix promotionnels. On rejoint ici laproblématique du pricing évoqué plus haut : je suis challenger sur un marché ; je veux prendre des positions à des concurrents en place ; je me positionne donc souvent par le prix du produit. Pour faire la différence, et essayer d’enrayer cette hémorragie des marges, il faut apporter de la valeur (encore !). Comme en principe le même produit est disponible partout il faut se démarquer de la concurrence par une offre à valeur ajoutée qui repose sur la mise en oeuvre du produit c’est-àdire ma capacité à déployer des services différenciants.
De la différenciation à la fidélisation
Ce métier de Service Marketing Manager oblige à prendre beaucoup de hauteur et de recul, à sortir de sa propre logique produit/marché, à se mettre à la place du client et à se poser les bonnes questions : qu’est-ce qui pour mon client est générateur de valeur ? Qu’est-ce qui va faire qu’à un niveau de prix sensiblement identiquevoire supérieur, il va m’acheter à moi, et ce de manière continue. Même si la « fidélisation » est très encadrée par les règles anti-trust, toutes les entreprises déploient beaucoup d’efforts pour conserver leurs clients (le coût de conquête de nouveaux clients est bien supérieur à celui du maintien des clients actuels !) Un autre aspect du commerce d’aujourd’hui est qu’on ne peut plus travailler avec tout le monde de la même façon. Les ressources sont comptées et vous devez faire des choix de partenariat. L’idée est de créer de la valeur chez les partenaires qui s’engagent avec vous sur le long terme. Ce mot « partenaire » est un peu galvaudé de nos jours ; disons simplement que vous allez allouer des ressources à des clients dont vous avez de bonnes raisons de penser qu’ils vous resteront fidèles sur le long terme. Pour ce faire, une relation formalisée contractuellement est quand même la meilleure des garanties pour les deux parties. Cette valeur apportée aux partenaires est créée par transfert de savoir-faire et d’expertise, ou par la mise à dispositionde produits et de services spécifiques. Le Service Marketing Manager doit avoir analysé en amont le contexte et les conditions de mise en oeuvre du produit. Par des études qualitatives, il doit capter les attentes et les niveaux de satisfaction/insatisfaction des clients afin d’apporter des réponses ciblées. Il développe ainsi des services à valeur ajoutée pour les clients partenaires, et les met en oeuvre. Il contribue ainsi à la stratégie de Distribution de l’entreprise dont il assure la pérennité en termes d’accès aux marchés avec des partenaires professionnels et motivés.
L’expérience terrain, la meilleure des formations
Quels que soient les métiers exercés tout au long d’une carrière Marketing et Vente, il est très fréquemment conseillé de commencer par une expérience terrain. Il est évident que la connaissance du marché et des clients est clé pour l’exercice postérieur de quelques fonctions Marketing que ce soientt. L’expérience terrain confère également une crédibilité et une légitimité indispensables pour être écouté et entendu en interne dans l’entreprise. Un(e) responsable Marketing a plus de chance de convaincre les hommes de terrain qui vont mettre en oeuvre et déployer la stratégie, si il ou elle a au préalable côtoyé ce même terrain. Au final, toutes ces fonctions Marketing et Vente n’ont qu’une finalité : développer le business (les ventes !) de l’entreprise sur son marché. Comprendre et mettre en oeuvre ou aider à mettre en oeuvre (mettre en « valeur » ?) la politique commerciale de l’entreprise, voilà tout l’enjeu des métiers qui s’offrent aux jeunes diplômés.
Par José Tarantini,
Professeur de Business Development à Grenoble Ecole de Management