Le Monde titrait récemment que le record actuel de longévité était japonais avec un centenaire de 114 années vivant à Okinawa, une île australe du Japon. En effet, son climat tropical, son calme et la vie saine de ses habitants, leur nourriture à base de poissons et d’algues, de légumes et de fruits, la vie quotidienne dans leur petite communauté heureuse d’Ogimi, permet au groupe d’une vingtaine de centenaires vivant là de rester en pleine forme.
Ogimi, le village du bonheur
Rien n’indique de prime abord le minuscule village d’Ogimi, blotti dans son écrin d’arbres fruitiers et de fleurs, en bordure de la route nationale filant vers le nord-est de l’île. Une seule rue traverse deux rangées de petites maisons traditionnelles aux toits de tuiles rouges, ceintes de jardins fleuris ou de potagers regorgeant de choux, salades, savoureuses carottes jaunes, haricots et plants de tomates, fenouil et millet. La rue est rigoureusement propre, entretenue par ses habitants. Il y a bien une clinique installée par le gouvernement, mais pour l’heure, elle est vide. A l’entrée du village se dresse une maison traditionnelle toute en bois, plus grande que les autres. C’est la cantine où les centenaires peuvent prendre leurs repas lorsqu’ils ont envie de se retrouver entre amis ou de savourer les spécialités de Kinjo Emiko, la patronne du restaurant « Emi no Mise ». Nul ne sait mieux qu’elle, nutritionniste diplômée, mitonner un onctueux tofu shikuwasa, à base d’herbes et de citron ou une handama miso soup, une soupe aux herbes. Grâce aux subsides gouvernementaux, ces retraités heureux et en grande forme peuvent aussi se ravitailler en fruits, racines et légumes frais de Kinjo si leur production n’est pas suffisante.
« Nous ne voulons pas en faire des assistés, explique Kinjo, car rien ne vaut les gestes ménagers ou les soins d’un jardin, pour entretenir la santé. Ce village n’est pas non plus réservé aux centenaires. Le mélange des générations est tonifiant pour les personnes âgées. Elles doivent aussi rester chez elles, être responsables de leur maison – ou appartement si elles se trouvent en ville. Les parquer dans un « mouroir » en attendant en effet l’heure de leur mort reste la pire des solutions. Manger sainement mais sans excès, boire beaucoup de thé vert, bien dormir, continuer à avoir des responsabilités et une vie sociale, faire de l’exercice ou s’adonner à une activité créatrice restent les piliers d’une vieillesse heureuse. A Ogimi, nous disons que nos centenaires vieillissent en bonne santé. »
Les cousins Yamagawa et Tamaki
Ce jour-là, deux « jeunots » de 95 et 97 ans, la toute petite Yamagawa Katsuko, et son cousin Tamaki Shinfuku, mince et droit comme un « i », sont seuls à avoir pris leur repas chez Kinjo. Les autres centenaires d’Ogimi ont profité du beau temps pour soigner leurs jardins, pêcher ou ramasser des algues. D’autres encore vaquent à leurs tâches ménagères ou cuisinent pour recevoir la famille qui viendra les voir ce week-end. Tandis que Yamagawa va renouveler à la réserve sa provision de patates douces et de concombres d’eau, Tamaki se propose de finir de biner son carré de choux. Tous deux sont originaires d’Ogimi, lui était pêcheur et père de quatre enfants, mais il a vendu son bateau, elle mère au foyer de six enfants, veuve depuis plus de vingt ans. Leurs enfants sont restés à Okinawa.
Le programme d’Okinawa
Si l’on compte actuellement une centaine de centenaires dans tout le Japon, ceux d’Ogimi tiennent, selon les diverses études faites depuis vingt-cinq ans, la meilleure forme. Le docteur Craig Willcox et ses collèges de l’Université de Naha ont développé l’expérience sur 150 Américains âgés de 40 à 69 ans et vivant à Okinawa. Durant quatre semaines, ces Américains se sont pliés au régime d’Ogimi à base de goyaves, papayes vertes, herbes, patates douces, pieds de porcs bouillis. Chaque plat de 700 calories est riche en sodium, potassium et vitamines C. Au bout d’un mois, on a observé sur chaque patient une nette diminution de sa pression artérielle, poids, cholestérol et obstruction des artères. Ces résultats encourageants incitèrent le docteur Willcox à publier son « Okinawa Diet Plan », maintenant un best seller mondial que l’on peut trouver sur amazone.com. Ceux qui ont suivi les préceptes culinaires de livre contenant plus de 160 recettes adaptées ont été préservés du diabète, de la maladie d’Alzheimer, de l’arthrose et de certains cancers. D’une manière générale, ils ont retrouvé leur poids idéal et toute leur énergie.
Principaux ingrédients de la cuisine traditionnelle d’Ogimi
Les fruits et légumes tels que ananas, fruits de la passion, goyaves, papayes et une agrume proche du citron nommée ici shiikwasa, de l’ail, toutes sortes de céréales complets, choux, salades, carottes jaunes et goyas, sorte de gros concombre d’eau à la peau verte et grumelée et beaucoup d’algues, surtout l’umibudo et le sunui que l’on mange froid, avec du vinaigre, constituent la base de l’alimentation des centenaires d’Okinawa. On peut y ajouter pâtes, tapioca et riz mêlé à du millet, pousses de bambou, tofu, poissons et crevettes grillés, au fenouil par exemple (délicieux), les fameux pieds de porc bouillis, excellents pour les articulations, et des gâteaux au riz sucrés au sucre brun. Le tout arrosé de thé vert à profusion, mais sans lait, ce qui lui enlèverait son pouvoir antioxydant. Enfin, l’absence de stress dû à la tranquillité du lieu, le climat sain et marin, l’exercice physique quotidien et huit heures de sommeil sont également salutaires, car à Ogimi, on accepte le grand âge avec le sourire, mais à la condition de rester bien sûr en bonne santé !
En Notes
Expérimenter la saine cuisine des centenaires en prenant un repas au restaurant Emi no Mise, Tél. : 0980 44 3220, 61 Oganeku,
Ogimi Village, ouvert tous les jours de 11h à 17h, sauf les lundis et mardis.
Lire le bestseller du Dr Craig Willcox, Okinawa Diet Plan
Texte et photos Isaure de Saint Pierre