François Longin

LES NOUVEAUX MÉTIERS DE LA FINANCE

Le secteur de la finance est en pleine évolution/mutation sous l’impulsion de l’utilisation de données de plus en plus nombreuses (big data), de technologies de plus en plus puissantes (cloud) et de techniques de plus en plus pointues (data analytics). La révolution numérique qui concerne les outils s’accompagne aussi d’une révolution digitale qui concerne les usages par les clients eux-mêmes. Cette (r)évolution se traduit aussi par l’évolution des métiers existants et par l’apparition de nouveaux métiers. – Par François Longin Professeur de finance ESSEC Business School

 

 

EVOLUTION DES MÉTIERS EXISTANTS ET INTÉGRATION DES NOUVEAUX MÉTIERS

Le numérique dans le secteur bancaire et financier comme dans les autres secteurs implique la nécessaire évolution des métiers existants (que faire du chargé de clientèle en agence alors que les clients sont de plus en plus nombreux sur internet ?) mais aussi l’intégration de nouveaux métiers (les data scientists pour traiter les big data par exemple). Au sein des institutions financières, cette évolution/ intégration produit des résistances aux changements. Par exemple, les équipes des Directions des systèmes d’information (DSI) qui gèrent les bases de données clients (données structurées) ressentent la concurrence des nouveaux profils recrutés de data scientists qui s’occupent de données de toutes sortes souvent externes à l’entreprise et plus variées (données non structurées) avec un objectif souvent marketing. Les approches sont souvent différentes : aux données structurées sont souvent associés des modèles avec des relations causales fortes pour comprendre les relations entre les variables de façon fine ; aux données non structurées sont associés des modèles statistiques pour déceler des relations statistiques entre les variables basées sur les simples corrélations observées.

© Les Chics Types
© Les Chics Types

NOUVELLES APPROCHES, NOUVEAUX MÉTIERS

On observe le développement d’approches ou de produits innovants répondant à de nouveaux besoins voir des besoins existants. Citons par exemple les nouvelles formules bancaires (comme le compte nickel) qui permettent de gérer ses comptes ou encore les nouvelles formes de financement participatif sous forme de fonds propres, de crédits ou de dons (plateformes de crowfunding) qui mettent directement en relation les utilisateurs finaux (les porteurs de projets et les dirigeants d’entreprises) avec les investisseurs sans passer par les intermédiaires traditionnels comme les banques. Au-delà des idées innovantes qui sont à la base de ces nouveaux modèles de business, leur mise en oeuvre a surtout demandé des ressources humaines dans le domaine informatique (développement web, gestion des bases de données, protection des données des clients et du code informatique) et dans le domaine du marketing et de la communication (design thinking, web marketing, community management). Citons aussi le développement de nouveaux outils comme les robots advisors qui permettent d’apporter un conseil financier personnalisé au client en fonction de son profil (patrimoine, ressources, besoins, attitude face au risque et face au temps).

 

EXEMPLE : PROFILING DES INVESTISSEURS

Depuis quelques années, les institutions financières ont l’obligation de connaître le profil de leurs clients avant de leur proposer des conseils ou des produits financiers. Cette obligation provient notamment de l’Union Européenne avec la Directive sur les Marchés et Instruments Financiers (MIF). Contraints par la réglementation, les banquiers ou conseillers en gestion de patrimoine se sont toutefois contentés de simples questionnaires sous forme papier pour traiter cette problématique. Si cette approche peut suffire pour obtenir de l’information basique comme la composition du patrimoine ou le montant des revenus du client, elle n’est pas adaptée pour connaitre les caractéristiques comme le profil de risque. Or, l’attitude face au risque est une caractéristique très importante pour la prise de décision financière car elle détermine le niveau de risque que le client-investisseur peut psychologiquement supporter sur ses investissements financiers. Une des raisons de l’inadaptation de ces formulaires est que l’immense majorité des clients est incapable de répondre à ce type de questions, notamment parce que, en tant qu’individus, ils sont soumis à des biais psychologiques comme l’ont montré les travaux scientifiques de l’économie expérimentale et de la finance comportementale.

« La FinTech SimTrade à laquelle je participe, propose un outil de profiling pour les clients des institutions financières à partir de simulations de marché (www. simtrade.fr). Mis en situation, l’individu doit prendre des décisions financières. L’utilisation des données recueillies dans les simulations permet alors de cerner de façon fine le comportement de l’individu confronté à des situations particulières : aversion/tolérance au risque, prise en compte asymétrique des pertes et des gains, optimisme/ pessimisme.» Patrick Ségalou, Chief information officer (CIO) de SimTrade, relève d’ailleurs que l’exploitation des données collectées permet souvent d’en savoir beaucoup plus sur les clients qu’ils ne peuvent vous en dire sur euxmêmes…