Après 15 ans loin des grandes écoles, en prenant la tête de Mines ParisTech en 2012, Romain Soubeyran redécouvre un établissement animé par l’excellence académique et des relations industrielles fortes. Son objectif est de l’accompagner dans ses évolutions : son entrée dans PSL, son engagement dans l’entrepreneuriat, son internationalisation, son ouverture à de nouveaux publics.
Par quoi avez-vous été étonné en retrouvant le monde des grandes écoles ?
J’ai été étonné par la variété et le nombre de sujets à traiter en tant que directeur ; beaucoup plus large que ce que j’en avais vu en tant qu’adjoint au directeur de la recherche à l’Ecole. Il y a 15 ans, elle avançait tel un paquebot, avait le temps d’anticiper et d’agir. Aujourd’hui, la mer est agitée, son environnement très mouvant ! Une autre dimension me frappe, c’est l’intensité du travail institutionnel, qui est source de frustration de ne pouvoir consacrer l’ensemble de mon temps à l’Ecole et ses projets.
CONSACRER PLUS DE TEMPS À L’ECOLE
Mines ParisTech est soumise à plusieurs évaluations, où en êtes-vous ?
En 2013, nous avons subi 5 processus d’évaluation :
• celui à mi-parcours pour l’Institut Carnot,
• celui du Contrôle général et financier (CGEFI) de Bercy qui vient en amont des évaluations de la Cour des comptes, et aborde aussi les dimensions stratégiques et de gouvernance,
• celui de l’AERES pour nos 16 centres de recherche,
• le questionnaire sur la valorisation de la direction générale pour la recherche et l’innovation (DGRI),
• et le premier bilan de l’Idex par le ministère de l’Enseignement supérieur. PSL a été labellisé jusqu’en 2015 et aura une évaluation internationale en 2016. Pour 2014, l’AERES a engagé une évaluation de notre établissement en lui-même. L’intérêt de ces exercices est de permettre de considérer le chemin parcouru, de conforter ou non nos ambitions et perspectives de développement. L’évaluation est normale quand on utilise des fonds publics, mais elle pourrait être menée de façon plus rationnelle pour être moins chronophage.
LA RÉUSSITE DE PSL
Quels sont vos autres sujets institutionnels ?
Après le plan stratégique de l’Institut Mines Télécom, nous avons conclu le contrat d’objectif et de performance décliné dans chaque établissement. Nous travaillons par ailleurs au contrat de site et aux statuts de PSL, qui devraient être finalisés cet été, un an après l’entrée en vigueur de la loi Fioraso.
Quel est votre souhait pour le second semestre 2014 ?
De pouvoir consacrer plus de temps à l’Ecole ! Je souhaite m’atteler à la stratégie plus en profondeur, réfléchir à ce que nous pourrions faire de mieux en interne et avec nos partenaires.
UNE FILIÈRE INGÉNIEUR EN APPRENTISSAGE
Deux ans déjà à la tête de Mines ParisTech, y a-t-il un projet dont vous êtes particulièrement fier ?
J’en citerais deux aboutis et réussis.
• Notre entrée dans PSL dont nous sommes devenus membre fondateur. Si nos fortes relations avec l’industrie ont pu poser question, 18 mois plus tard, elles sont considérées comme un atout pour PSL en tant que research university. Nos collaborations antérieures avec l’ENS, Dauphine ou Chimie ParisTech illustrent nos apports potentiels dans l’alliance en matière de recherche et d’échanges d’enseignants, d’élèves.
• Par ailleurs, nous avons ouvert avec succès en septembre 2013, une filière ingénieur en apprentissage avec le CNAM et Paris 7. Je suis heureux, car elle ouvre la porte de notre école à de nouveaux profils, des BTS et DUT.
PLUS DE RECONNAISSANCE
Voyez-vous une opportunité ou un risque dans les évolutions en cours dans l’enseignement supérieur ?
Les deux !
Le risque étant un déclassement de nos établissements dans la concurrence internationale. C’est aussi une opportunité à l’image des demandes d’Etats étrangers à nos écoles, de monter des cursus « à la française ». La reconnaissance est réelle mais le danger serait de se poser en chemin. Nous devons travailler notre attractivité en permanence en France comme à l’étranger. PSL est un excellent levier dans cette optique, au travers notamment de la mise en place d’un collège doctoral unique et la création d’un label PSL de thèse visible et reconnu. PSL va aussi apporter de la diversité dans les parcours avec des enseignements mutualisés ou ouverts à tous nos étudiants.
OUVERTURE ET EXCELLENCE
Quels sont vos axes prioritaires pour Mines ParisTech ?
1. Renforcer notre attractivité vis-à-vis des élèves et enseignants-chercheurs. En France, en attirant aussi des talents non issus de CPGE (dans le cadre du cycle pluridisciplinaire d’études supérieures PSL – Henri IV ou de l’Institut Villebon-Georges Charpak de ParisTech) ; en luttant contre les stéréotypes sur les filières scientifiques ; en attirant plus de filles. Nous travaillons en permanence à améliorer la qualité de nos cursus pour répondre aux besoins des recruteurs et de la société. Nous poursuivons nos actions à l’international avec des partenariats emblématiques comme le MIT.
2. Valoriser le lien entre excellence académique, innovation et entrepreneuriat. Notre taux de financement sur ressources propres de la recherche est de 50 %. Nos enseignants-chercheurs génèrent en moyenne 140 000 €/an en recherche contractuelle. Nous sommes parallèlement attachés à l’excellence académique comme en témoigne le doublement du nombre de publications en 5 ans. Un énorme potentiel émergera des coopérations au sein de PSL. La création du pôle POLLEN a permis de développer la formation à l’entrepreneuriat et l’accompagnement des porteurs de projets. Entre 2009 et 2013, 17 sociétés ont été créées par des élèves ou des chercheurs de l’Ecole. Les entreprises du futur ont aussi besoin d’entrepreneurs pour porter les innovations nécessaires à leur développement.
3. Disposer dans la durée des moyens financiers nécessaires à notre développement.
Qu’avez-vous envie de dire à ceux qui pensent que l’industrie française se conjugue au passé ?
Qu’il y a des raisons d’espérer, à commencer par la qualité de nos formations de cadres industriels de haut niveau. Car lorsque l’on demande aux industriels pourquoi ils choisissent la France, leur réponse est : la qualité de la main d’oeuvre. Avoir des formations de haut niveau est une condition, mais ça ne suffit pas. On peut espérer maintenir et redéployer une industrie en France en pensant autrement. En outre, je rappelle que pour conserver une capacité d’innovation dans le processus de production, il faut maîtriser ce processus !
LES CHOIX DE ROMAIN SOUBEYRAN S’IL ÉTAIT ÉLÈVE-INGÉNIEUR AUJOURD’HUI
Fidélité à son goût pour les géosciences et l’optimisation minière.
Zoom sur les ouvrages souterrains et la connaissance du sous-sol.
Profiter de l’ouverture aux arts et à la musique via PSL.
Marier cet aspect de créativité avec les cours sur l’entrepreneuriat.
Pour son séjour à l’international, il choisirait la Chine pour sortir de son schéma mental et culturel et développer sa capacité d’adaptation.
Il privilégierait un stage en entreprise à l’étranger, pour se confronter à l’interaction dans le cadre professionnel, à la nécessité de s’insérer dans une communauté étrangère.
SES LIEUX PRÉFÉRÉS À L’ÉCOLE
• Le musée de la minéralogie qui a le charme de l’histoire, le prestige d’une collection unique.
• Son bureau assez grand pour y exposer ses fossiles.
• Le Jardin du Luxembourg au printemps.
• La cafétéria pour son ambiance conviviale.
• La salle de réalité virtuelle pour regarder sur quoi travaillent les élèves.
« Chaque endroit a son vécu, c’est exceptionnel de travailler dans des locaux historiques. Ils ont une âme ! »
A. D-F