Les comportements alimentaires sont devenus un sujet permanent d’intérêt, tant pour le grand public, les pouvoirs publics que pour les entreprises agroalimentaires. En France plus précisément, 9 personnes sur 10 ont conscience que l’alimentation a un impact direct sur leur santé (Adetem, 2015). Comment les entreprises agroalimentaires peuvent-elles s’inspirer de ces tendances pour innover en marketing ? – Par Céline Soulas, Docteur en Économie de la Santé, Professeur en Économie & Stratégie à BSB-Burgundy School of Business
LES ATTENTES DES CONSOMMATEURS/PATIENTS
Le consommateur a cinq grandes revendications face à un produit alimentaire : la santé, mais aussi le plaisir, la forme, la praticité et l’éthique.
La dimension plaisir reste la plus recherchée. La valeur santé est un bénéfice induit, qui doit arriver en 2e ou 3e position dans les arguments commerciaux. La crise qui touche la France accentue ce phénomène de quête du plaisir que le consommateur trouve plus facilement au quotidien dans une « jouissance alimentaire ». Cela peut expliquer que les produits alimentaires qui mettent en avant un bénéfice santé avant un bénéfice plaisir connaissent de nombreux échecs commerciaux. On se rappellera du yaourt Essensis de Danone qui «nourrit votre peau de l’intérieur». Positionné comme un produit de cosmeto food, il n’a pas été perçu comme un dessert et a quitté les rayons des supermarchés en 2009. Pour les mêmes raisons, Nesfluid de Nestlé, avec son slogan «à chacun son hydranutrition» a été retiré du marché l’an passé. Pour comparaison, Actimel, avec la communication sur son «goût unique» donné par le L. Caséi Defensis, a su associer plaisir et santé. Ainsi, une communication trop fonctionnelle, voir médicalisée pose la question de la frontière du produit. Il s’agit donc de trouver d’autres axes pour innover dans le marketing de la santé et de l’alimentation, et cela dans le cadre de contraintes de plus en plus fortes.
LA RÈGLEMENTATION AU COEUR D’UNE TRILOGIE DE CONTRAINTES
En effet, aujourd’hui, la liberté marketing n’existe plus et l’encadrement réglementaire bride considérablement la communication santé. Le règlement « INCO » rappelle que l’étiquetage du produit alimentaire doit être compréhensible par le consommateur et non ambigu. Les entreprises doivent donc être précises. Ces réglementations s’appliquent à toute communication de nature commerciale et leur échéance d’application (décembre 2016) est proche. De l’utilisation bridée des messages Santé autorisés ou d’une allégation en lien avec un problème de santé, au développement couteux de sa propre allégation ne permettant pas, par ailleurs un avantage concurrentiel durable, l’imagination des marketeurs doit trouver de nouvelles sources d’inspiration au coeur de ce qui ressemble à une trilogie de contraintes, scientifiques, marketing et règlementaires.
UN MARKETING SANTÉ ET ALIMENTATION INNOVANT
Premier axe d’innovation marketing, le Self Made Man que les entreprises agroalimentaires intègrent dans leur communication, en développant des axes tels que «l’aide à faire soi-même» ou «l’aide à faire mieux et plus simple». L’ANIA, en décembre 2014, lançait sur ce principe «les défis d’Alfridge», une série pédagogique où deux enfants acceptent de relever le défi d’épater amis et parents avec une recette de cuisine. Deuxième axe intéressant, l’affichage d’un engagement pour développer une «alimentation durable » est un marketing innovant qui joue sur la réassurance de la filière agricole et industrielle : Comment est fait le produit, par qui, quelle est son origine. «La gamme j’aime» du groupe Fleury Michon s’inscrit exactement dans cette tendance marketing, avec un partenariat exclusif entre le pôle animal du groupe Avril.
Enfin, comment ne pas profiter de l’innovation technologique pour accompagner notre consommation alimentaire, santé et alimentation connectée, permettant par ailleurs d’allier les deux positionnements marketing précédents. «Seb se connecte à vos désirs» est ainsi le concept développé par le groupe Bourguignon avec la nutrition gourmande. Les consommateurs utilisant les produits de la marque, peuvent profiter d’un accompagnement culinaire « conseils-missions-défis », grâce à une application digitale sur smartphone.
Et demain ? La revue Science et Avenir nous parle déjà d’un régime alimentaire adaptée à notre profil génétique. La nutrigénomique, prochain axe d’innovation marketing ?