Bernard Arnault Président du Groupe LVMH Moët Hennessy – Louis Vuitton
Bernard Arnault Président du Groupe LVMH Moët Hennessy – Louis Vuitton

LVMH, créer pour la France

Spécial président(e)s

 

Leader mondial du luxe, LVMH s’inscrit, depuis sa création en 1987, dans une dynamique de croissance soutenue. Une performance économique indissociable d’un engagement en matière sociale, environnementale et artistique. Fédération de plus de 70 Maisons à l’identité forte et de 100 000 collaborateurs à travers le monde, LVMH tire sa force du partage par l’ensemble de ses acteurs d’une mission et de valeurs définies lors de sa fondation par Bernard Arnault. En 1989, il devient le principal actionnaire de LVMH Moët Hennessy – Louis Vuitton, et crée ainsi le premier groupe mondial du luxe. Il en prend la Présidence en janvier 1990 à l’âge de 39 ans et l’exerce depuis cette date. Retour sur un parcours d’exception.

Bernard Arnault Président du Groupe LVMH  Moët Hennessy – Louis Vuitton
Bernard Arnault Président du Groupe LVMH Moët Hennessy – Louis Vuitton

Symbole du luxe, de la tradition et de la créativité, le groupe LVMH peut se vanter d’un portefeuille de marques des plus prestigieuses (Christian Dior, Louis Vuitton, Guerlain, le Bon Marché,…), de véritables institutions empreintes d’Histoire et de culture. En tant que Président, comment avez-vous réussi à impulser une stratégie innovante et concurrentielle faisant de LVMH un acteur de son temps, tout en respectant ces incroyables héritages ?
La direction d’un Groupe comme LVMH, par ses enjeux, a des conséquences qui vont bien au-delà du périmètre de l’entreprise. Notre responsabilité sociale est grande puisque nous créons de l’emploi et de la croissance dans une économie qui en manque. Nous jouons un rôle majeur dans le commerce extérieur de notre pays et, au-delà, dans la réputation du « made in France » puisque nous produisons essentiellement en Euros ce que le reste du monde nous achète en devises. Notre place de leader exige chaque jour de relever des défis de plus en plus importants, de plus en plus motivants, notamment pour accroitre la distance avec ceux qui essayent de se rapprocher, bien souvent en imitant, sans grand succès d’ailleurs, nos stratégies. La compétitivité, pour nous, naît du mélange très subtil entre créativité et recherche de la plus haute qualité ; elle s’appuie sur notre culture et notre quête perpétuelle de l’excellence, et réclame beaucoup de finesse. Cette « plus-value intellectuelle », nous l’appelons « passion créatrice ». Elle est faite de contrastes, voire de paradoxes. J’en citerai trois.
1) Il est indispensable de comprendre le fondement de nos maisons, de prendre en compte le temps long, de respecter leur histoire et leurs traditions mais cela ne suffit pas. Par exemple la révolution stylistique apportée par Christian Dior marquera en 1947 à jamais l’histoire de la mode et la maison Dior. Mais il est aussi évident que les vêtements créés pour Dior aujourd’hui par son successeur, Raf Simons, reflètent la plus grande modernité.
2) Il faut savoir harmoniser dans chacune de nos activités la rigueur de gestion et la liberté de création. Monsieur Dior ne disait-il pas « Sans la contrainte des règles il n’y a pas de liberté de création ».
3) L’appartenance à un groupe, fort de ses savoir-faire, de ses dynamiques, de ses talents collectifs, constitue un atout décisif dans la compétition mondiale ; elle permet de s’appuyer sur de nombreuses synergies, mais elle ne doit pas étouffer l’autonomie, la différence qui fait la réussite d’une maison, la singularise auprès de nos clients. Ce sont des équilibres qu’aucune loi mathématique ne vient définir.
Il faut les ressentir, les évaluer, les appliquer. Nous nous y efforçons.

 

Emblème de l’élégance, du rêve et du plaisir, comment LVMH arrive-t-il à faire rimer luxe et responsabilité ? Peut-on dire de la diversité qu’elle est une chance pour l’entreprise ? Allier performance économique, sociale et environnementale est-il le principal défi que les managers de demain auront à relever ?
Le Groupe LVMH est résolument impliqué dans la vie de la « cité ». La performance économique est primordiale. La dimension humaine ne l’est pas moins. Comment une entreprise telle que la nôtre, aimée, suivie, mais aussi observée par des clients qui ont confiance en elle, pourrait-elle ignorer la dimension environnementale que toute activité doit désormais prendre en compte ? Pour fabriquer parfums et cosmétiques, l’utilisation du verre, de l’eau, de l’énergie fait l’objet de mesures permanentes afin d’économiser des ressources devenues rares pour la planète. Chez Louis Vuitton, le basculement complet des livraisons du fret aérien sur le transport maritime, la construction d’ateliers répondant aux critères de la haute qualité environnementale, la traçabilité des cuirs, témoignent d’une même volonté. Nos cognacs et champagnes, parmi les premiers, ont mis en pratique les préceptes de la l’agriculture raisonnée. Quant à la diversité, évidemment respectée au sein d’une entreprise qui ne tôlerait pas qu’une différence puisse exister entre ses salariés selon leurs origines, leurs opinions, leurs orientations, elle s’exprime à travers de nombreux engagements citoyens. Certains, récents, dans des directions très différentes, me viennent à l’esprit.
1) Ainsi Groupe LVMH s’est-il vu récompenser au mois de décembre dernier par le ministre de la Ville et le Président du Sénat pour le travail qu’il effectue à Clichy-Montfermeil. Nous y accompagnons, chaque année, un événement qui fédère ce territoire, un défilé de mode conçu par les habitants eux-mêmes. Puis nous prolongeons ce soutien par des actions de formation, des stages, des aides à l’emploi, envisagées avec les « missions locales », au bénéfice de ceux qui, souvent très jeunes, se sont investis dans cette action.
2) Plusieurs de nos marques de cosmétiques sont partenaires de programmes, établis avec les agences régionales de santé, avec pôle emploi, avec le ministère de la Justice, qui visent à redonner confiance et estime de soi à des femmes en situation difficile ou en détresse.
3) Enfin, dans le domaine culturel que vous avez cité, la Fondation Louis Vuitton apportera, dans moins d’un an désormais, au Jardin d’Acclimatation, mieux qu’un musée, un espace dédié de manière inédite à l’art contemporain. L’extraordinaire bâtiment qui sera l’écrin de cette fondation, nuage de verre et d’acier au milieu des arbres, imaginé par l’architecte Franck Gerhy, est bien davantage que le fruit d’un mécénat réussi. C’est un projet d’intérêt général devenu réalité grâce à des fonds exclusivement privés. Ouvert à tous, par sa taille et son ambition, il constituera une première dans notre pays, et un formidable cadeau du groupe LVMH à la France.

 

LVMH est régulièrement classé parmi les entreprises plébiscitées par les étudiants des grandes écoles de management. Comment expliquez-vous cet attrait indéfectible des jeunes pour le groupe ? Vous aimez à faire de l’expression « le futur dans la tradition » une devise pour le groupe. Celle-ci s’adresse-t-elle tout particulièrement
à ces jeunes talents ? Comment accompagnez-vous leur évolution au sein de « l’écosystème LVMH » (stimulation des talents, initiative FuturA, partenariats écoles,…) ?
LVMH est un groupe où l’excellence des équipes, des femmes et des hommes qui les composent, fait la différence. De nos marques, ils sont à la fois les héritiers et les ambassadeurs, les gardiens et les inventeurs. C’est en ce sens que j’ai parlé de « futur de la tradition ». Chez nous, le passé est une porte vers la modernité. La diversité de nos maisons, de nos activités, de nos métiers, de nos implantations géographiques aussi, nous a permis de bâtir un écosystème qui, à l’intérieur même de l’entreprise, offre à chacun de multiples expériences, des itinéraires de carrière variés. Créer les conditions de la réussite pour chaque salarié est la clé de son épanouissement personnel au travail. C’est également un gage de pérennité et de développement pour l’entreprise. C’est pourquoi nous mettons en œuvre de nombreuses actions de formation pour que cette richesse humaine, qui est une chance, une opportunité pour LVMH, s’exprime et que chacun puisse mesurer les dimensions, les responsabilités, les évolutions d’un poste. C’est cette démarche professionnelle et stimulante qui fait sans doute aussi l’attrait de LVMH pour les étudiants qui nous classent régulièrement en tête des entreprises qu’ils voudraient rejoindre.

 

Quelle image vous faites-vous de votre Présidence ? Vous voyez-vous plutôt comme un coordinateur ou comme un homme de terrain ? Ressentez-vous votre rôle comme celui d’un ambassadeur ou préférez-vous laisser à chacune des marques du groupe le soin d’être sa propre ambassadrice ?
Je me considère avant tout comme un entrepreneur. Notre groupe fédère soixante marques, parmi les plus prestigieuses au monde, et chacune d’entre elles est une entreprise en tant que telle. Chacune d’entre elles possède son autonomie. Je suis donc à la tête d’une équipe d’une soixantaine d’entrepreneurs. Je ne crois guère aux grosses structures. Chaque maison garde son côté familial, elle est gérée par son dirigeant, qui est d’ailleurs parfois de la famille fondatrice, comme s’il en était un peu le propriétaire. Maintenir le cap de la croissance, faire émerger les talents, donner à la création, à ce qui est nouveau, à ce qui est différent les moyens de s’exprimer, veiller à la plus haute qualité artisanale de nos produits, à des principes, à une authenticité, s’assurer du lancement de nouvelles idées, se positionner au niveau le plus élevé, renforcer notre réseau de boutiques, se préoccuper de la satisfaction du client, voici les objectifs que nous fixons à nos dirigeants. Cela implique de réfléchir et de dialoguer avec ceux qui dirigent nos maisons et avec ceux qui en sont les créateurs. Cela n’en exige pas moins d’être sur le terrain avec eux périodiquement dans les pays du monde où nos maisons se développent. Le groupe LVMH est géré par un groupe d’entrepreneurs, que j’anime, et nous nous efforçons de gérer ce groupe, qui est dans le top 5 du CAC 40, comme une très grande PME artisanale, parce qu’au fond, nous sommes tous un peu des artisans. Avec le même dynamisme, le même sens du concret, et c’est sans doute, en partie,  ce qui explique, depuis une vingtaine d’années, notre succès.

 

Selon vous, quelles sont les qualités indispensables à un manager évoluant dans le luxe, un secteur à la croisée de la séduction, de l’artisanat, de la création et de la mondialisation ? A quelle énergie le Président que vous êtes carbure-t-il ?
Pour réussir dans nos métiers, il n’y a pas de recette. Il n’y a pas de méthodes. Il y a surtout une part d’aptitude et une part de volonté. C’est un peu comme l’oreille musicale, on l’a plus ou moins et on peut la travailler. Pour se sentir à l’aise dans une maison de LVMH quand on sort d’une grande école, qu’elle soit d’ingénieur ou de commerce d’ailleurs, il faut apprécier la rigueur et l’efficacité, mais se sentir bien dans un environnement créatif dont la méthode de travail répond à un système de fonctionnement particulier. Nous sommes très différents de ces sociétés qui justifient tout avec des études de marché ou du marketing. Chez nous c’est l’innovation qui entraine le marché et pas l’inverse. Pour réussir chez LVMH, il est bon aussi d’avoir une âme d’entrepreneur. Comment la définir ? J’y mettrais de l’audace et de l’enthousiasme, de l’organisation et de la lucidité, de l’humour et de la sérénité, de la vision et du flair. J’y ajouterais enfin une certaine solidité. Physique et psychologique.

 

Quel conseil pourriez-vous donner à un jeune diplômé qui se destine au top management ? Quelles opportunités devra-t-il savoir saisir ou susciter pour asseoir sa légitimité en tant que Président ? Comment peut-il mettre ses compétences au service de ce que vous appelez « la passion créative » ?
Je lui conseillerais de se fier à nos valeurs. Etre créatif et innovant ce qui implique d’avoir le respect de ses racines et d’avoir la curiosité de ce qui est plus loin. Il faut pour être crédible, légitime, privilégier l’excellence et avoir de l’ambition pour son entreprise. Imaginerait-on une entreprise dont le but serait d’être vaguement seconde, un produit qui se contenterait de ne pas être le plus mauvais, des chercheurs qui se satisferaient de chercher sans trouver ? Tout cela n’irait pas très loin. Il faut aussi savoir enrichir le contenu de sa marque, créer la désirabilité qui donne de la profondeur, du temps, de l’ampleur à nos maisons. Il est indispensable de cultiver l’esprit d’entreprise, imaginatif mais rigoureux, de construire et d’obtenir un résultat. Il me paraît enfin que pour soi-même, il est essentiel de savoir motiver une équipe, de se donner des buts, et de trouver ce carburant, cet oxygène qui fait se dépasser, il faut avoir non pas la conscience qu’on est le meilleur, ce qui serait de l’orgueil, mais la volonté de le devenir ce qui peut être une ascèse.

 

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